Les Mondes Perdus
Retour aux sources, donc, avec un examen impitoyable par Christophe Thill du livre fondateur du mythe
James
Churchward, Mu, le continent perdu, |
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à peine
modifiée. Bref, où qu’il tourne son regard dans l’espace, aussi loin
qu’il le fasse remonter dans le temps, Churchward ne voit qu’une chose :
Mu, source unique des traditions et des croyances des hommes.Enfin, le dernier
chapitre, intitulé “ Oméga – La clef de voûte ”, dévoile
l’opinion de l’auteur en ce qui concerne le destin de l’humanité. Pour
lui, comme on l’a vu, l’Homme est apparu sur Mu au cours de l’ère
tertiaire. Pour expliquer cette datation peu compatible avec les données de la
paléontologie, Churchward explique que “ l’Homme était une création
spéciale et non l’œuvre de la Nature. Il est apparu parfaitement développé ;
il ne lui manquait que l’éducation physique et mentale. ” Autrement
dit, l’Homme ne “ descend ” pas du singe, selon la formule
consacrée, mais il a été créé doté de toutes ses caractéristiques
actuelles alors que l’évolution normale des primates en était à peu près
à l’australopithèque. À quelle période ? La question est futile, dit
l’auteur, car “ cela a toujours été un secret et doit le demeurer ”.
Quoi qu’il en soit, l’Homme, seul de tous les animaux, a été pourvu
d’une âme qui doit lui permettre de régner sur la Terre puis, lorsqu’il
sera assez savant et assez sage, de s’élever jusqu’à la divinité. Tel est
son destin ultime, ordonné par une loi divine et qui, “ puisqu’elle
est divine, ne peut échouer. ” |
Churchward lui-même est mentionné dans “ À travers les portes de la clé d’argent ” : un des personnages déclare avoir montré un certain parchemin au colonel, qui lui avait répondu que le document n’était pas écrit en Naacal. Clark Ashton Smith, lui, montre dans “ Une Offrande à la lune ”[5] les ombres du passé qui viennent s’emparer de deux archéologues jusqu’à leur faire tenir, à l’un le rôle de l’officiant, à l’autre celui de la victime, dans un sacrifice à une divinité muvienne. Plus récemment, “ Le Retour des Lloigors ”[6] de Colin Wilson entremêle les allusions à Arthur Machen, au mystérieux manuscrit Voynich (ici considéré comme un exemplaire du Necronomicon) et à Mu dans une histoire de survivance d’êtres semi-matériels capable de prendre le contrôle des humains.
Bien
sûr, le raisonnement suivi par Churchward peut sembler déroutant ; et il
est assez distrayant de voir cet homme, à la culture scientifique visiblement
rudimentaire, accumuler les “ preuves irréfutables ” et prendre
à partie la science “ officielle ” avec une arrogance peu
commune. Il faut avouer qu’il marque parfois des points, comme lorsqu’il
s’attaque à un dogme de l’anthropologie des années 20, l’origine de l’Homme
en Asie centrale, que les découvertes ultérieures se sont chargées de mettre
à mal[7].
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[3] Dans L’Horreur dans le musée et autres révisions (Pocket). Nouvelle publiée sous la signature de Hazel Heald. [4] Dans L’Horreur dans le musée et autres révisions (Pocket).
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[5] Dans Autres Dimensions (Christian Bourgois). [6] Dans Légendes du Mythe de Cthulhu (Pocket). [7] Les célèbres expéditions des années 20 dans le désert de Gobi, menée par Roy Chapman Andrews, ont ramené de superbes œufs de dinosaures fossilisés, mais pas un seul vestige humain, alors que quelque dix ans plus tard commençaient les premières grandes découvertes dans le véritable berceau de l’humanité : l’Afrique de l’est. [8] Voir Alfred Métraux, L’Île de Pâques (Gallimard). |