Philippe Pissier nous revient avec un papier inédit pour qui s’intéresse au mage anglais John Dee. Nous avons complété sa traduction par une petite curiosité que nous a soumise Marie-Christine Lignon.

par John E. Bailey, membre de la Société des Arts et Antiquités

Reproduit de "Notes and Queries," mai 1879.


J’ai eu en ma possession, durant quelque temps, la copie d’une lettre adressée par John Dee à Sir William Cecil, datée de 1563, extraite des Documents Officiels Elisabéthains pour cette année, vol. xxvii, n°63. C’est un document de valeur du fait qu’il éclaire en partie les débuts de la carrière de Dee, car il se rapporte à une période de sa vie (à savoir les toutes premières années suivant l’avènement de la Reine Elisabeth) sur laquelle les biographes de Dee ne se sont guère étendus. Ce n’est que récemment que j’ai pu m’assurer que la lettre, qui est très curieuse à bien des égards, avait été publiée dans le vol. i de la Philobiblon Society, par les soins de Mr R.W. Grey. Néanmoins, comme les exemplaires des Actes de cette Société n’existent qu’en faible quantité et sont difficiles à trouver, cela m’induit à envoyer la lettre à "N. & Q.," où certaines questions à son sujet, posées par Mr Grey, notamment en ce qui concerne la toute première édition de la Stéganographie ou la location de la copie manuscrite qu’en avait Dee, feront l’objet d’une plus grande attention.

Il est quelque peu singulier que, bien que Dee ait été fréquemment envoyé sur le Continent par les ministres d’Elisabeth, comme il ressort de la présente lettre et du témoignage de Dee lui-même dans son Compendium Rehearsal, son nom apparaisse si peu dans les Documents Officiels publiés. Il est assez évident que ses missions avaient des visées publiques. Ses premiers voyages continentaux étaient ceux d’un étudiant à la recherche de connaissances, et c’est en grande partie la même démarche qu’on peut cerner dans cette visite dont traite la lettre. Mais Dee avait d’ores et déjà commencé à octroyer sa principale attention aux sciences les plus obscures, comme le prouve le second paragraphe de la lettre. Vers le mois de décembre 1562, il se rendit à Anvers afin de planifier avec les imprimeurs de cette ville la publication de certains de ses livres, et l’on peut supposer qu’il y rencontra Christopher Plantin, libraire et spécialiste reconnu en typographie. Sa Monas Hieroglyphica sortit le 31 mars 1564 de la presse de Gulielmus Silvius, surnommé "Regius Typographus." Le dessein de Dee, peut-être par manque de moyens, ne fut pas mené à bonne fin et il tourna ailleurs son attention. Dans sa lettre en date du 16 février 1563, il demande à Cecil s’il doit retourner Angleterre ou (comme c’est à l’évidence son souhait) rester afin d’imprimer ses livres en Allemagne, et ajouter à la gloire de sa contrée en poursuivant ses recherches parmi livres et savants hollandais. Dee poursuit en déclarant avoir acheté un ouvrage qui serait de grande utilité pour un homme d’Etat dans la position de Cecil. Et, pour finir, Dee supplie son correspondant de lui obtenir ces loisirs érudits dont son pays et la république des lettres recueilleraient le fruit. Le ton de cette épître suscita ou perpétua la bonne opinion que le grand ministre d’Elisabeth avait de Dee. Au cinquième chapitre du Compendium Rehearsal de Dee se trouve mentionné un certificat de Cecil, en date du 28 mai 1563, dans lequel l’homme d’Etat atteste que le temps passé par Dee au-delà des mers lui avait été accordé à bon escient.

La lettre est comme suit :
Très honorable Sir, ma très humble Obéissance étant dûment considérée, puissiez-vous comprendre que la sagesse approuvée, dont vous a doté le Tout-Puissant, Et l’exacte balance de Justice par laquelle sont ordonnés les agissements des Hommes qui vous sont confiés ; Et la ferveur innée, aussi bien pour ce qui est des belles-lettres (qui depuis votre Age le plus tendre s’est en votre sein perpétuellement accrue) qu’en ce qui concerne l’honneur et le bien public de notre Pays (qui désormais en vous fraîchement s’épanouit et donne des fruits en abondance), que Tout cela, et d’autres considérations, m’ont fait porter mon Choix sur vous seul parmi tant d’autres personnes fort importantes et de grande réputation : Choix, dis-je, grâce auquel votre sagesse, votre Justice, et la susdite ferveur pourraient (si votre bon vouloir en décide ainsi) être transplantées en de fort lointaines Contrées, au sein de peuples étrangers : si ma main n’est point malheureuse dans la conduite d’une affaire de tant d’importance.

Et donc, pour brièvement vous exposer le Principal de ma requête, qui me concerne moi comme elle concerne également nos universités, où se trouvent des Hommes aux connaissances diverses et fort excellentes, comme, en Théologie, celles de l’Hébreu, du Grec et du Latin, etc. Mais, l’Infinie Sagesse de notre Créateur se diversifiant au travers de Nombreuses sortes de merveilleuses Sciences, contribuant grandement à des aperçus divins permettant une meilleure appréhension de sa Puissance et de sa Bonté, en quoi notre pays ne possède aucun homme (dont j’aurais jusqu’ici entendu parler) capable de présenter son pied ou manifester sa main ; comme dans la Science De Numeris formalibus, la Science De Ponderibus mysticis, et la Science De Mensuris divinis ; (grâce auxquelles trois l’immense structure du monde est faite unie, rétable, instaurée et préservée) et dans d’autres Sciences, qu’elles soient Collatérales à ces dernières, en soient dérivées, ou l’inverse, nous donnant grande licence de traverser à gué. Et pour pareilles connaissances, après mes longues recherches et études, au prix de grands frais et de grands efforts (par la Miséricorde et la Grâce de Dieu), elles n’ont pas résisté à ma persévérance et à mon entendement (dont je dois rendre compte, avec accroissement de Talent) et ont donc contraint mon intelligence et forcé ma personne à réunir et coucher par écrit des Sciences aussi profitables et agréables : Et, pour ne point perdre de temps (fragiles comme le sont vie et santé), j’ai estimé bon, en cette époque de fêtes de la Noël (passées généralement de manière autre), de simplement me mettre en route pour Anvers, et d’y employer mon temps à mettre au point avec divers Imprimeurs Hollandais et autres Artisans l’Impression soignée et véritable de mes travaux, que j’ai là prêts pour la Presse, et avec lesquels j’ai en outre l’intention de revenir, avant Pâques au plus tard : car je compte trouver des hommes et du matériel adaptés à mon dessein. Mais, voyez-vous, les choses s’agencent de telle manière désormais que je ne puis accomplir mon dessein de la dite sorte, mais qu’il me va falloir traiter avec des Imprimeurs de la haute Allemagne, ce qui fait qu’un Temps plus long s’écoulera. Aussi, depuis mon Arrivée (considérez cela, je vous en prie), par travail et recherche assidus (en si peu de temps), presque incroyables, de Tels Hommes, et de tels livres ont été portés à ma connaissance, là où ils sont, que, pour ce qui est des précédentes hautes sciences, je n’aurais jamais espéré recevoir pareille bonne assistance des uns comme des autres. De sorte que de très respectueuse manière (eu égard aux prémisses), je présente à votre honneur mon humble Requête : Que charitablement vous me fassiez savoir si votre bon plaisir et votre conseil auraient besoin que je m’en retourne, sans que mes livres soient imprimés et que je les ai à disposition, et ainsi dédaigner et négliger cette offre et grande occasion, où se voit le doigt de Dieu, par laquelle sa gloire, l’honneur, vous-même et (puissions-nous avoir cette chance) le bien public de mon Pays puissent en être avantagés. Ou qu’en cette matière vous manifestiez votre sagesse, votre Justice et votre ferveur (auxquelles vous ne renonçâtes point en de nombreuses affaires bien moins importantes) en octroyant congé et assistance à mes faibles aptitudes, me permettant de rester le temps nécessaire à l’Accomplissement d’une tâche aussi importante, tâche à laquelle je compte m’atteler, assisté de ces hommes et de ces livres, et avec la permission de Dieu. Et pour preuve plus claire encore de mes efforts et de mon dessein, il vous plaira d’apprendre que j’ai d’ores et déjà acheté un livre, pour lequel d’autres offrirent mille couronnes, sans toutefois pouvoir l’acquérir. Un livre que plus d’un homme érudit a longtemps cherché, et cherche encore jour après jour : dont plus grande est l’utilité que l’immense renommée : Le titre ne vous en est pas inconnu : le voici : Steganographia Joannis Tritemij : dont il est fait mention dans les deux éditions de sa Polygraphia, ainsi que dans ses épîtres, et divers ouvrages d’autres auteurs : Un livre en votre honneur, ou celui d’un Prince, si séant, si nécessaire et si pratique que, pour ce qui est de l’humaine connaissance, nul autre ne saurait mieux convenir ou être de plus d’avantages. De ce livre, la première moitié (grâce à labeur et vigilance de tous les jours, une grande partie des susdits jours) ai-je recopiée : Et maintenant j’attends de la courtoisie d’un noble de Hongrie d’en pouvoir coucher la suite par écrit : lequel m’a promis congé à cette fin, après lequel il s’apercevra que je puis demeurer plus longtemps à ses côtés (avec la permission de mon prince) afin que lui aussi se puisse réjouir de certains points de Science que de moi il requiert.

Je vous l’assure, les moyens dont j’ai usé pour acquérir le savoir que possèdent cet homme et d’autres encore, et que recèlent en outre de tels livres, que je vante par la présente, m’ont dépossédé de tout ce dont je pouvais en toute honnêteté ici emprunter, en plus de cela que j’avais jugé nécessaire d’emmener avec moi, pour un temps prévu d’une telle brièveté, d’une valeur de vingt livres. Dieu sait quelle est ma ferveur pour ce qui est de l’honnête et authentique connaissance : pour laquelle ma chair, mon sang et mes os serviront de monnaie d’échange si l’Affaire le nécessite. Ce livre, en l’état où je le possède actuellement, ou en celui où je le posséderai ultérieurement, en son entier et plein d’avantages (s’il vous plaît d’accepter mon présent), je l’offre à votre honneur, tel le plus précieux des joyaux que j’ai jusqu’ici recouvrés parmi ceux issus du labeur d’autres hommes. Je ne doute pas de parvenir à l’entendement d’icelui, par la Grâce de Dieu et en vertu de la Rencontre avec de tels hommes, qui sont d’ores et déjà inscrits à mon Calendrier. Des hommes durs à trouver, bien qu’on les puisse quotidiennement croiser. Et puis, cela encore, puis-je espérer de votre honneur fort digne qu’il me puisse procurer dulcia illa ocia ; dont mon Pays et toute la République des Lettres pourront imputer le fruit à votre sagesse et honorable ferveur, pour l’essor des Belles-Lettres, et des Sciences merveilleusement divines et secrètes : Et en cela votre volonté et vos ordres me concernant seront exécutés, je demanderai à certains de mes amis de recourir à votre honneur pour mieux comprendre, l’Affaire étant si étrange à leurs yeux, de même que pour moi elle apparut prater expectationem, Comme le sait le Tout-Puissant qui préserve votre honneur et ne cesse de lui octroyer santé et abondance de sa grâce selon son bon plaisir. A° 1562. 16 février.

Antwerpia apud Gulielmum Silinum in Angelo aureo : in platea, vulgariter, Den Camer straet, vocata.

JOANNES DEE.

 

Domine saluam fac Reginam n’ram Elizabetham.

(Adressée) Au bon et honorable Sir William Cecyl, Chevalier, Secrétaire de sa très excellente Majesté la Reine.
(Mention au dos) Jo. Dee, 1562. G. Cecilio. Steganographia.

Le livre dont Dee faisait l’éloge était le premier travail de recherche sur l’écriture chiffrée. Jean Trithème, son auteur, était né à Trittenheim, dans le diocèse de Trèves, le 1er février 1462, et il mourut le 26 décembre 1516. Il fut un moine célèbre de l’ordre Bénédictin, et fut successivement abbé de Spanheim et abbé de Saint-Jacques le Majeur, Herbipolis, (i.e. Wurtzburg, en Bavière, le siège d’une université). Un très intéressant exposé de sa vie, avec des observations au sujet de son œuvre, se trouve dans la Biographie Universelle. Ses écrits quelque peu volumineux sont d’ordre théologique, biographique et historique, et dans sa vie en Latin il est dit qu’il prétendit à la révélation. Une copie manuscrite de ses Annales se trouve à la Bibliothèque de l’Université de Cambridge (Hh. i. 9). Son œuvre sur la vanité et les malheurs de l’existence fut imprimée à Mayence en 1495. Les écrits de l’abbé qui séduisaient le plus Dee et d’autres philosophes hermétiques étaient ceux traitant de sujets liés aux sciences occultes. Trithème, comme Dee, fut soupçonné de diablerie, et il fut accusé de pratiques nécromantiques. Sur la planche des "Inspirati," par Fran. Cleyn, dans l’édition de Meric Casaubon de la Relation entre Dee et certains esprits (fol., 1659), Edward Kelly, le "voyant" ou médium de Dee, est représenté sur le troisième portrait comme lisant Trithème. Un commentaire sur la Polygraphia et la Steganographia de Trithème a été publié dans "N. & Q.," 5th S. viii. 169. Le premier fut à l’origine publié à Oppenheim en 1518, folio. L’édition de 1550 porte ce titre :

"Polygraphiæ Libri Sex, Ioannis Trithemii Abbatis Peapolitani, quondam Spanheimensis, ad Maximilianum Cæsarem. Accessit clauis Polygraphia liber unus, eodem authore. Continetvr autem his libris ratio, qua potest alter alteri quæcunq : uoluerit non solum occulte, uerum etiam interdum citra suspitionem significare. Ostendut et methodu tam in docendo quam discendo utilissimam. Præterea facultatem profundissima quæq ; artium ac disciplinarum mysteria intelligendi. Additæ sunt etiam aliquot Locorum Explicationes, eorum præsertim quibus admirandi operis Steganographiæ principia latent, quæ quidem ingeniosis occasionem præbent, longe maiora & subtiliora inueniendi. Per viru erudissimu Adolphum à Glavbvrg, Patricium Francofortensem. Francoforti, 1550." 4to.

L’exemplaire actuellement sous mes yeux porte apposée au titre la mention manuscrite : "Monasterij-S’eon Honoratus Abbas 1640," et un ex-libris étranger, "Ad Bibl. Acad. Land." Il y a également deux autres ex-libris, "Bibliotheca Heberiana," et "W.B. Chorley." A une partie de cette œuvre (sig. d) est préfixé "Apologia Ioannis Trithemii præposita Steganographiæ," ce qui est l’une des épîtres à laquelle Dee fait référence. Par "les deux éditions" de cette œuvre, Dee entend peut-être une édition allemande et la traduction latine, Paris, 1561. Cornelius Agrippa est l’un des "autres hommes" que Dee avait en vue.

D’après le prix qu’attribue Dee à la Steganographia, il est clair qu’il avait déjà vu une copie manuscrite de l’œuvre. Celle-ci fut longtemps soustraite à la connaissance du public. Il est probable que la première édition imprimée soit celle de Francfort, in-quarto, 1606, dont il existe un exemplaire à la Bodleian Library. L’édition suivante semble avoir été celle de 1608, dont la page de titre, d’après la copie que j’en ai sous les yeux, donne à lire ce qui suit :

"Steganographia : hoc est : Ars per occvltam Scriptvram animi svi voluntatem absentibvs aperiendi certa ; avthore reverendissimo et clarissimo viro, Joanne Trithemio, Abbate Spanheimensi, & Magiæ Naturalis Magistro perfectissimo. Præfixa est hvic operi sva Clavis, sev vera introductio ab ipso authore concinnata ; hactenus quidem à mvltis mvltvm desiderata, sed à paucissimis visa : nunc vero in gratiam secretioris Philosophiæ Studiosorum publici iuris facta. Cum Priuelegio & consensu Superiorum. Francofvrti, ex Officina Typographica Ioannis Savrii, Sumptibus Ioannis Berneri. Anno M. DC. VIII." 4to.

Il y a trois parties, une clavis à la Steganographia, et une triple clavis. Une copie très soignée d’une partie de la Clavis Steganographia, qu’on suppose être de la main de Robert Glover, se trouve dans le manuscrit Ashmole 434, iii. Dans le MS. n°788, aux pages 174-5, se trouve une lettre, datée de Wilston, 7bre, -58, de Philip Kynder, de Leicester, à Mr Dorell, de Retford, laquelle contient des condamnations de cette Steganography, et à la fin on trouve "L : Aston’s character" ou code (Catalogue de Black, col. 409).


Dee tira avantage de certaines des étranges études de Trithème. A cette période de sa vie appartient sa Monas Hieroglyphica, imprimée à Anvers, in-quarto, en 1564, et dédiée à l’Empereur Maximilien, à qui l’ouvrage fut remis par Dee en personne. Le titre est comme suit :

"Monas Hieroglyphica Ioannis Dee, Londinensis, ad Maximilianvm, Dei gratia Romanorum Bohemiæ et Hvngariæ Regem Sapientissimum... De rore cæli et pinguedine terræ, det tibi Deus. Gen. 27 (verset 28). Guliel. Silvius Typog. Regius, Excud. Antuerpiæ, 1564."

Cette dédicace est datée par Dee du 30 janvier 1564, à Anvers. Il existe une édition in-octavo de Francfort, 1591. Le lien entre cette œuvre et celle de Trithème est traité dans la note R de la vie de Dee dans la Biog. Brit. (éd. 1750, vol. iii, 1644-5), où l'on cite l'opinion du Dr. Robert Hooke pour qui les méthodes de Dee étaient basées sur celles de Trithème :

"Or, bien qu'à cette époque la clé ou méthode de ce livre (Steganographia) ne fut pas aussi connue et répandue, je ne doute pas que cet homme curieux en ait pris connaissance durant ses voyages et recherches en Allemagne, peut-être lorsqu’il présenta en 1564 sa Monas Hieroglyphica à l’Empereur Maximilien."
Il est clair qu’à la parution de la M. Hieroglyphica, la Reine Elisabeth elle-même "daigna lire ce livre obiter, avec moi à Grenewich, A° 1564" (Compendium Rehearsal, chap. iii.) ; et elle fit la remarque que voici :
"Attendu que j’ai (moi, Dee) préfixé au début du livre Qui non intelligit, aut taceat, aut discat : si je lui voulais révéler les secrets de ce livre elle voudrait et discere et facere ; après quoi sa Majesté fit une petite lecture attentive de l’ouvrage en ma compagnie, puis de manière très héroïque et princière elle me réconforta et m’encouragea dans mes études philosophiques et mathématiques, etc." Chap. iv. (14 juin).

Traduction © Philippe Pissier, juin 1998.



Vision collective dans le cristal :
A-t-on obtenu en photographie psychique,
des épreuves en couleurs ?

Extrait de La Revue Métapsychique 1922 n°4 p.265.

Sans doute, ce Dr. John Dee, dont parle l'Occult Review de juin 1922 se préoccupait-il peu des colorations d'images obtenues par vision dans le cristal, mais au moins pratiquait-il couramment ce genre d'exercice qui consiste à chercher, sur le flanc d'une boule de verre, des formes et des apparences. Dee, astrologue fameux en son temps, était né en 1527. Ami de Gérard Mercator (célèbre géographe hollandais (1512-1594), il était de ceux
"qui connaissent bien des secrets alchimiques ou autres". En 1550, cet Anglais illustre déjà, professe à Paris ; l'année suivante rentré dans son pays, il refusait la chaire de mathématiques à Oxford pour se consacrer à "d'autres études" qui ne tardèrent pas à le faire fort mal considérer. Pourtant lorsqu'elle monta sur le trône, la reine Elisabeth lui demanda un horoscope pour fixer au meilleur jour les dates du couronnement (14 janvier 1559). Depuis, souvent, elle alla consulter "son magicien". Le journal qu'il rédigeait quotidiennement faisait foi de ces visites royales. Il est vraisemblable qu'il montra à Elisabeth, dans le cristal, et avec douze ans
d'avance, la défaite de l'Armada. De même, ses écrits prouvent-ils la vision prophétique de l'exécution de Mary, reine d'Ecosse. Lors de la comète d'octobre 1577, il déclara avoir vu , dans le nord de l'Europe, un
prince qui dévasterait l'Allemagne et disparaîtrait en 1632. L'Angleterre, dit-il, n'aurait pas à souffrir. Le prince, ce devait être Gustave-Adolphe. Le 25 mai 1581, Dee consigna dans son diary : "Une vue s'est offerte à moi dans le cristal." Dès lors il emploie divers sujets et des phénomènes se produisent dans sa maison. Il mentionne souvent les coups frappés dans sa chambre. Un feu mystérieux s'allume deux fois dans une autre pièce. Il
entend, près de lui, des voix mais ne peut distinguer les paroles. Son principal médium est un cetain Barnabs Saul qui excelle à regarder dans le "great crystalline globe". Un autre collaborateur, Edward Kelly,
provoque,dans le cristal, l'apparition de figures, par une méthode que Dee ne définit pas clairement dans ses écrits. Un polonais, Adelbert Laski (médium ?) se joint au cercle en 1583. Et les travaux dégénèrent en
interminables consultations des Entités paraissant dans le cristal, pour essayer de leur arracher le secret de la transmutation des métaux. John Dee mourut en 1608. Presque à sa dernière heure, il consulta encore le cristal.
Le moribond attendait de l'argent de l'empereur Rodolphe. Il est dit qu'un message se forma dans le globe : "L'Empereur de tous les empereurs va venir à ton aide. Tu n'as plus besoin de Rodolphe." Ces quelques enseignements historiques ont le mérite de confirmer que la vision des textes écrits, dans le cristal, n'est pas une "acquisitions des médiums modernes, et que, sans doute, bien avant John Dee lui-même, elle était une des formes courantes du phénomène."

.Transmis par Marie Christine Lignon.