Les Témoins d’Ulthar

 

 

Claire Panier fréquente assidûment le Colombier. Voilà ce qu’elle nous en a rapporté.

 

La Famille Des A

L'Association Du Point Du Jour:

L'Histoire D'une Famille Au-Delà 

Des Normes

 

LE COLOMBIER/ le point du jour

C. et P. COMBES (LEMARIE)

BP.30

35404 St MALO CEDEX

 

 

            "Rassurer l'humanité au sujet de l'avenir qui l'attend, voilà assurément le message le plus grand qui puisse être annoncé aux hommes."

 

Sir Arthur Conan Doyle.

 

            "Offrez-moi seulement une chance de vous convaincre

              Laissez-moi vous montrer ce que j'ai découvert"

 

Richard Bach (Jonathan Livingstone le Goéland)

 

 

            Claudette COMBES (Lemarié) et Patrick LEMARIE ont choisi voici quelques années déjà de sacrifier leurs carrières respectives d'enseignants en prenant leur retraite anticipée afin de se consacrer de façon plus totale, plus absolue, à ce qu'ils considéraient comme leur raison de vivre ici-bas: Anciens tiers-mondistes, très longtemps membres de Terre des Hommes,  ils ont adopté, entre 1976 et 1994, pas moins de vingt-cinq enfants, recueilli de nombreux abandonnés de la société, souvent de jeunes adultes en rupture de famille, affaiblis moralement et délabrés physiquement par la longue, précoce et hélas désormais courante descente aux enfers du rejet parental et social, de la délinquance, et parfois de la drogue ou des "asiles" psychiatriques, voire pénitentiaires. Cette année encore, ils viennent d'accueillir une adolescente originaire d'Amérique du Sud, attendue depuis sept ans, et déclarée "inadoptable" par les services sociaux, comme la plupart des enfants recueillis par les Combes, pour avoir subi des sévices inutiles (et à difficiles à décrire ici).

            Les COMBES, Claudette surtout, c'est toute une histoire parce qu'avant tout une immense générosité et une simplicité de coeur qui m'ont séduite la première fois que je les ai rencontrés, au gré d'une conférence à  Paris. Des gens comme tous les autres, pourrait-on dire ? Non, parce que justement, ils semblent terriblement loin de ce monde, de sa dureté contre laquelle ils liguent chaque instant de leur existence... Pour des enfants, dont personne ne veut plus, pour lesquels les pouvoirs publics pensent qu'il n'y ne reste plus rien à faire. Des enfants "cassés par les coups, les guerres, la peur, la faim"  (Patrick COMBES, 10/1993).

            Je passerai  sur les difficultés financières qu'ils rencontrent, sans cesse, avec toutes ces bouches à nourrir et ces têtes à couvrir d'un toit décent, puisque, en dehors des allocations familiales qu'ils touchent pour les plus petits, ils n'ont jamais eu droit au moindre centime de subvention de la part des pouvoirs publics. Mais je sais ce que l'on va dire, et mon propos ici n'est pas de faire pleurer dans les chaumières en faisant du Dickens. Rassurez-vous donc, la "lumière" arrive...

            Cette famille un peu particulière a vu l'un de ses enfants-de-coeur (le quatrième) emporté par une overdose à l'âge de 21 ans, en février 1990. Abel, originaire du Vietnam, était un enfant-martyre, fils d'un soldat américain et d'une vietnamienne qui lui fit payer chèrement son abandon. Histoire classique. Adopté par les Combes, et, selon leur formule, "ressuscité par l'Amour, thérapie merveilleuse, oxygène nécessaire à la survie" (en réalité re-stabilisé au prix de plusieurs années de patience et de travail en commun), Abel semblait être devenu un jeune homme bien dans sa peau, et venait de commencer loin de sa famille d'adoption des études de dessin, lorsqu'il mourut d'une overdose. Pour Claudette COMBES, ce fut une souffrance d'autant plus grande qu'elle la ressentit comme une déchirure, le double deuil de son enfant-martyre qu'elle croyait avoir sauvé de sa souffrance intérieure, et de son enfant adoptif, devenu chair de sa chair, perdu à jamais.

            Athée, elle sombra dans le désespoir, et il lui fallut une énergie difficile à imaginer pour continuer à s'occuper des autres enfants.

            Pourtant, peu de temps après le drame, des phénomènes étranges ont commencé à se produire autour d'elle. Des odeurs, émanations de mimosa, l'entouraient fréquemment. Au début, elle pensa à toutes sortes de raisons matérielles, mais il y eut d'autres signes: souffles,  attouchements de toutes sortes et autres contacts qu'elle attribua naturellement à sa souffrance et au deuil pénible qu'elle subissait.

            C. Combes, passionnée de Victor Hugo (elle était d'ailleurs professeur de Lettres), cite souvent ce qu'il avait écrit lorsque Claire Pradier (fille de Juliette Drouai) est morte à 19 ans: "Mère ce sont là les élus du Mystère à qui Dieu n'a permis que d'effleurer la Terre". Ainsi toute notre logique serait à l'envers, et le fait de mourir jeune serait une sorte d'élection. Abel aurait dit à sa mère par transcommunication: "vous êtes l'envers de l'endroit, nous (les âmes des décédés) sommes du bon côté, c'est vous qui êtes du mauvais". Pour elle, la Mort donne tout son sens à la Vie, toute sa logique. Dans l'autre-monde, on comprendrait toute chose, et l'on reviendrait sur Terre pour éprouver ce que l'on aurait compris. Chaque épreuve, chaque injustice apparente, trouverait son sens en ce qu'elle permettrait à l'être suprême que nous sommes d'aller plus loin. "Une épreuve traversée nous amène toujours plus loin sur le chemin et nous permet d'ouvrir notre conscience, de rendre notre vie plus utile, plus consciente (des autres et du travail à accomplir sur soi...). Je m'intéressais à ces sujets mais avec beaucoup de scepticisme. J'avais lu "La vie après la vie" du Dr Moody qui m'avait un peu ébranlée, je dois l'avouer, et j'avais lu aussi "Mourir n'est pas mourir" d'E. Pizani, qui m'avait un peu fait bouger, mais je n'étais pas sûre, je gardais en moi le doute et la méfiance. Je n'étais pas croyante. J'ai fait un chemin immense en quatre ans, il a fallu que mon enfant passe de l'autre côté pour que j'écoute..."

            Comment cette femme, profondément athée, a-t-elle pu parvenir à la certitude que la Mort n'existe pas et que son fils communiquait avec elle depuis l'autre-monde ? "Abel n'était pas mon fils biologique, mais il l'était d'une certaine façon, parce que cet enfant qu'on attend... l'adoption, c'est une autre question, mais c'est un peu comme une grossesse...Surtout qu'il vivait des choses très dures au Vietnam et qu'il avait été rejeté complètement par la femme qui l'avait mis au monde, mais c'est vrai aussi que lorsqu'il est mort, j'ai eu des douleurs... Physiques... Des maux de ventre... Enfin, j'avais l'impression de le remettre au monde, mais dans un autre monde... Comment je suis arrivée à cette conviction ? Eh bien Abel a eu cette gentillesse (...) de me donner des tas de signes au début, et à moi qui étais à l'époque très sceptique  et extrêmement méfiante vis-à-vis de tout ce qui pouvait être "paranormal", il m'a d'abord donné des parfums de mimosa, qui était une fleur qu'il aimait beaucoup et qu'il me demandait de lui offrir quand il était tout petit, ensuite il m'a touchée, il m'a envoyé des souffles sur le visage, sur la nuque, sur les tempes, ensuite il a commencé à donner des messages écrits. Ces messages me remplissaient de joie et de paix mais, en même temps, il restait toujours cette part de doute. Je me disais que c'était mon inconscient, que je m'auto-consolais, que c'était ce que les psychiatres athées appellent la "psychose du deuil". Donc ce doute restait, et je me suis souvenue avoir lu des articles sur ce que l'on appelle la transcommunication en France et la métaphonie en Italie, c'est-à-dire le fait de capter des voix de gens décédés bien-aimés sur un magnétophone. J'ai donc écrit à Monique SIMONNET qui à l'époque captait des voix pour consoler les familles, maintenant elle ne le fait plus parce qu'elle est trop fatiguée, et elle a eu la gentillesse de m'enregistrer la toute première cassette, où Abel disait: "Heureux je suis heureux. Là, je suis heureux..." .Il insistait beaucoup, par rapport à la Terre où il avait toujours connu une grande souffrance, venant du début de sa vie, très difficile, et il disait ensuite son diminutif qu'il avait quand il était petit garçon, puis il disait à sa petite soeur Aponine qui était malade " Aponine tu dors déjà" (...) et il me donnait la permission d'être heureuse (en disant qu'il l'était) alors que j'étais à cette époque enfoncée dans le deuil, dans les pleurs (...) dans la culpabilité parce que ce n'était pas l'ordre naturel des choses, on voudrait toujours que les enfants meurent après les parents, on leur donne un héritage, quelque chose à porter plus loin,  cela semble toujours paradoxal et contre-nature qu'un enfant meure avant ses parents. Il me disait: "Maman je suis heureux, sois heureuse je t'aime"(...) A partir de là, j'ai commencé à ne plus pleurer, à rire de nouveau avec les enfants, à aimer les saisons et à vivre. Et après nous avons eu le bonheur intense de le capter nous-mêmes. Monique Simonnet nous a montré comment faire, et (...) . Je me suis dit "La Terre entière doit le savoir, il ne faut pas occulter une telle réalité puisqu'elle change entièrement notre conception du monde, notre façon de voir, et du coup elle ensoleille toute la vie."

            Lorsqu'on lui demande comment elle pourrait dire cela, l'expliquer à ceux qui la questionneraient, curieux ou sceptiques, elle répond sans biaiser, avec sa déroutante simplicité un peu "allumée": "A la limite, qu'ils expérimentent ! c'est vrai qu'en fait, les messages intuitifs, ce que ressentent les médiums, tout ça, on peut se dire, à la limite, c'est affectif, c'est psychologique, c'est une illusion... Mais là, on y croit, il y a des preuves matérielles. Au début, j'ai cru que la perte de mon enfant m'avait mise dans un état différent, et puis quand j'ai eu des messages intuitifs, quand j'ai eu des parfums, des caresses, des souffles, il y avait des moments où j'étais sûre, et d'autres où je me disais: je suis complètement folle. Je me croyais bonne à interner, à la limite.  Je me disais: c'est moi qui m'auto-console... C'est pour ça que j'ai voulu aller plus loin et avoir cette preuve. Et vous savez, c'est une preuve totale. J'ai lu récemment que des scientifiques ont étudié ces voix, et la voix est aussi unique que l'empreinte digitale. Même de vrais jumeaux n'ont pas exactement la même voix. Si on prend un sonographe, si on prend le sonogramme d'une personne, il est toujours différent de celui d'une autre ... Or si on prend la voix d'une personne incarnée et la même voix captée ensuite par transcommunication, on obtient exactement le même graphique. C'est ce que je crois être la preuve totale. (...) J'avais des enregistrements d'Abel enfant, chantant (...) Et en plus vous savez, on reconnaît la voix d'Abel. Les enfants ont reconnu la voix de leur frère. (...) Il avait une voix assez caractéristique, lente et grave... Et des expressions qu'il aimait employer, on les retrouve, une certaine façon de lancer les phrases..."

            Je pourrais transcrire ici des heures entières du même genre. Cela ne prouve rien, bien sûr, et en ce domaine rien ne peut l'être avant d'être expérimenté, mais la conviction passionnée de cette femme est impressionnante en soi, et je ne parlerais pas des enregistrements d'Abel eux-mêmes. Que l'on croie ou non en la transcommunication, le message délivré par Claudette COMBES (ou à travers elle) reste le même. Message de paix et d'Amour, parfois un peu fleur-bleue il est vrai, mais c'est tout le charme de cette petite femme voûtée à la voix haut perchée qui se brise en conférences et en  livres (elle en a publié plus de 25, sur Victor Hugo, sur son expérience avec Abel, sur le Colombier et les Enfants des A...), cycle infernal qui permet à peine à cette immense maisonnée de vivre encore.

            "Face à une réalité aussi fondamentale, on l'occulte beaucoup trop. Il faudrait l'étudier. Il faudrait que les gens le sachent, il faudrait que les jeunes ne se suicident pas comme ils le font. Nous sommes quand même le troisième pays d'Europe pour le suicide des jeunes, c'est quand même très grave ! Si ces jeunes savaient tout cela ils donneraient un autre sens à leur vie, et leur vie prendrait tout-à-coup une autre dimension. Ne plus se suicider, se droguer, ou se détruire par l'alcool... Il ne faut plus occulter cela, il faut le dire, le crier, le montrer à la télévision. Il faut qu'on en parle... C'est pour cela que je donne des conférences. Beaucoup de jeunes viennent, de 17, parfois 15 ans, et ils restent jusqu'à une, voire deux heures du matin, se posent des questions, et on en discute ensemble... Il y a quelque chose qui bouge en ce moment. Abel m'a dit l'autre jour dans le magnétophone: "Le processus s'ouvre et nous sommes là, près de vous, pleins d'amour". Ils sont là autour de nous, ils nous secouent, nous bousculent..."

           

            Je l'ai évoqué plus haut, les Combes, qui se sont rebaptisés par des prénoms commençant par le A de amour (!) comme tous leurs enfants (Claudette-Airelle, Patrick-Amarys) d'où l'appellation de Famille des A, vivent de la publication des livres de Claudette, de leurs propres conférences, mais aussi, depuis une paire d'années, de celles qu'ils organisent dans la petite chapelle du Colombier, qu'ils ont découverte en ruine dans le parc  de la grande maison qui abrite leur immense et croissante nichée, dans la banlieue de Saint-Malo.  Plusieurs fois par mois, des expériences aussi diverses que celles de Nicole Dron (N.D.E.), Pierre Duchesne (Druide), Alain Moulard ("Conscience, harmonie, Guérison"), Antoinette de Prémare (les anges-gardiens), Alain Guillo (prisonnier au Moyen-Orient, contacté par des voix...), Yolande Eck (méditation et sérénité, NDE) etc.. Comme partout, il faut trier et faire son choix. Il y a de tout, parfois n'importe quoi. Parfois, aussi, de merveilleux témoignages, souvent d'ailleurs ceux de gens rattrapés par le mystère dans leur quotidien, des gens de tous les jours. Ce ne sont généralement pas des conférenciers professionnels.

            Pour conclure, enfin, je précise que pour survivre sans être broyée par le système, les Combes ont été obligés, il y a quelques temps de transformer ces cycles de conférences en s'abritant sous l'associatif. Ainsi est née l'Association du Point du Jour.

 

 

QUELQUES OUVRAGES DE CLAUDETTE COMBES:

 

- Le clair visage de la Mort (éditions Trédaniel)
- Claire ou la vie de Claire Pradier (éditions Trédaniel)
- Victor Hugo, homme du Verseau (Cid éditions)
- Victor Hugo, Marie... et le divin (Cid Editions)
- Les visiteurs de l'aube (révélation/roman, Cid Editions)
- L'enfant-mage (voyage initiatique/roman; Cid Editions)
- Les enfants de la Joie (l'histoire de la famille des A, Robert Laffont)
- Au point du Jour (idem, Cid Editions)
- Nous t'avions appelé Abel (Cid éditions)
- N'oublie pas je suis là, ou chronique de l'été des prodiges (débuts de transcommunication, Cid Editions)
- Perles d'éternité, messages de l'au-delà (messages d'Abel, éditions Trédaniel



CONFERENCE AU COLOMBIER:

Alain Guillo:

Initiation par l’Au-Delà ?

1°) LE RÉCIT

2°) CE QU'IL EN A RETENU D'ESSENTIEL

 

1°) LE RÉCIT

 

 

            Alain GUILLO, reporter "freelance", apprit en lisant le Monde aux environs de Noël 1979 l'invasion de l'Afghanistan par les soviétiques. C'était une époque où il avait l'impression  d'avoir la tête au fond du sac: sentimentalement, son épouse venait de le quitter, et professionnellement il se sentait parvenu dans une impasse :  "J'en étais arrivé à un point où je m'étais dit que le mieux, c'était peut-être de partir, de m'en aller, plutôt que de me tirer une balle dans la tête parce que j'étais en train d'étouffer. (...) Je me suis dit que plutôt que d'embêter l’hôtelier chez lequel j’habitais en lui mettant du sang partout sur ses tapis, autant partir là-bas: si je ne crève pas de froid dans ces montagnes, je finirais grillé aux frontières. De toutes façons, j'ai pris un aller-simple, c'est vous dire que j'avais pas vraiment l'intention de revenir." Là-bas, il se retrouva confronté à la misère et aux ravages de la guerre. Ses états d'âmes s'en trouvèrent profondément relativisés, et il décida de redonner du sens à son existence en faisant quelque chose pour  et avec les Afghans:

            "Pour les russes, il fallait terroriser, de façon ensuite à imposer leur bon vouloir, mais il fallait d'abord agir par la terreur de façon à  les briser dès le départ. L'histoire a montré qu'ils s'étaient trompés, mais moi, ça a complètement changé ma façon de voir la vie. J'étais parti là-bas complètement désespéré, et puis j'étais confronté à une injustice telle que je me suis dit qu'il fallait que je fasse quelque chose pour ces gens... (...) C'est comme ça qu'on a décidé de créer un petit groupe, (que) je m'engageais à faire voyager partout dans le monde et à lui faire rencontrer des gens, des personnalités. Et c'est comme ça que j'ai repris goût à la vie et décidé de faire quelque chose pour les autres. Bon je passe sur les détails, mais ça m'a amené à faire 14 voyages au long cours en Afghanistan, des voyages de plusieurs mois. (...) Au cours de ces 14 voyages, j'ai rencontré le pire et le meilleur. J'ai compris, par exemple, que les différences qu'il pouvait y avoir entre l'Islam et le côté chrétien, c'étaient des différences factices. Que lorsque l'homme était arrivé à un niveau de subsistance où on se partage le dernier petit bout de pain qui reste, les différences entre religion ne jouent plus."

            C'est au cours de l'un de ces voyages qu'il fut capturé, en 1987, et qu'il vécut une surprenante expérience qui bouleversa son existence:

             "J'ai été livré par un pseudo-guide résistant aux soviétiques, à Kaboul, qui m'ont enfermé dans une prison située au sous-sol du centre de renseignements de Kaboul. (...)Succursale du KGB.

            (...)Lorsqu'on a ouvert les portes du camion, j'étais dans un corridor de béton, c'était des murs, des murs... On voyait du ciel bleu au-dessus, mais je me suis rendu compte que j'entrais dans une succession de murs, pour finalement arriver devant une petite porte. La porte et les bâtiments étaient gris. Puis on m'a fait entrer, bien sûr accompagné par pas mal de gardiens, dans un corridor très sombre, très gris. Je ne  pourrais pas dire que c'était sale. Ce n'était pas sale, c'était entretenu mais c'était très triste. Surtout, quelque chose m'a pris à la gorge tout-de-suite, je n'ai pas réalisé ce que c'était: comme une odeur, mais pas vraiment une odeur. Ca m'a pris plusieurs heures pour comprendre, lorsqu'on m'a mis dans une petite cellule,  de deux mètres sur trois, avec deux lits métalliques superposés. On m'a laissé plusieurs heures dans cette cellule, et j'ai compris que l'odeur qui m'environnait, c'était celle de la peur, l'odeur de l'angoisse... Puis j'ai réalisé que j'étais dans une prison où il y avait pas mal de gens. Il y avait de nombreuses cellules (...) J'imaginais qu'il devait y avoir environ 400 personnes qui étaient enfermées là-dedans. Et puis tout-de-suite - je savais très bien que j'étais entre les mains des services secrets, j'avais entendu parler de Saddharat, je savais où j'étais, je n'étais pas dans le meilleur coin du monde pour être prisonnier. Je savais que les gens qui étaient là étaient torturés. Je savais que beaucoup d'entre eux n'en sortaient pas vivants, que beaucoup sortaient pour être directement fusillés, pour se faire enterrer vivants de façon qu'il ne reste pas de traces... C'était quelque chose de très poignant. Certains ont parlé de l'odeur de la peur, j'avais lu ça, je n'avais jamais rencontré vraiment ça avant: Ce n'est pas la peur, ce n'est pas le type de peur qui vous donne une bouffée d'adrénaline et vous pousse à faire quelque chose très rapidement, non, c'est quelque chose qui véritablement vous noue la gorge, qui vous imprègne, et puis bon. J'ai senti ça."

            Accusé d'espionnage, il subit d'incessantes séances d'interrogatoires plus ou moins musclées. Refusant de signer une confession, il exigea qu'on avertisse son ambassade, mais les jours passèrent et il devint évident que sa situation devenait désespérée. Psychologiquement, il commença à glisser, et à perdre toute notion du temps et de l'espace, ne quittant sa cellule bétonnée que pour entendre toujours les mêmes questions.

            "J'ai compris qu'ils me menaient en bateau et surtout qu'ils ne mettraient pas les autorités françaises au courant. (...) Je savais que (...) mon cameraman , que j'avais formé (...) avait échappé au coup de filet. (...) Mais pour rentrer au Pakistan, il lui fallait (...) un bon mois et demi. Et au bout d'un mois, un mois et demi, ça m'énervait d'être isolé dans cette cellule, et à un certain moment je réalisais que je travaillais dans un métier de communication (...) et qu'il suffisait d'être isolé dans quelques mètres carrés de béton pour que le monde cesse d'exister et (...) vous n'étiez plus capable de communiquer avec qui que ce soit. Et c'est dans ces cas là que les idées farfelues vous arrivent. (...) il y a la transmission de pensée, j'en ai entendu parler, comme tout le monde ça me faisait doucement sourire, sauf mon ancienne épouse qui m'avait montré qu'elle était assez douée pour ça. Elle arrivait à m'étonner par ses perceptions. Elle lisait parfois dans mes pensées, c'était très énervant. Si ça marche pour certains, pourquoi ça marcherait pas pour moi ? On n'a rien à perdre dans ces cas-là. Je vais essayer".

            "Au bout d'une heure, j'étais littéralement aubergine, les tempes qui battaient là-dedans, je transpirais à grosses gouttes, et j'ai arrêté. Et puis rien ne s'est passé. Sinon que le soir, en m'endormant, je dormais à moitié, je repensais à ces Afghans, à mon cameraman, à mes interprètes, à tous ceux qui étaient enfermés tout autour. (...) J'ai commencé à prier pour tous ceux qui m'entouraient (...) Et brusquement, il m'est arrivé un flash. Je me suis dit: "mais à qui je cause, à qui je parle, là ?" Quelqu'un, une entité qui s'appelle Dieu. On m'a dit:Dieu est tout-puissant, il est infiniment bon. Je me suis dit: Mais dis-donc, toi, Dieu à qui je cause-là, toi  qui est si bon et tout-puissant, comment tu peux tolérer ces enfants qui se font massacrer sur des mines, ces gamines handicapées à vie, toute cette souffrance qu'il y a partout ? Comment tu peux tolérer ça ? Et j'ai été pris d'une colère contre Dieu: si jamais je peux un jour me retrouver en face de toi, voilà ce que je vais te dire, tu me détruiras, j'en n'ai plus rien à foutre, je te dirais ça: tu es tout-puissant et tu tolères ça etc... Bon, c'était une bouffée de rage qui est montée, puis qui s'est calmée, qui a commencé à redescendre, et c'est là que j'ai vu la souffrance, que j'ai senti la souffrance de ma mère -elle est morte, je devais avoir un an. Une femme disparue sous les bombes en laissant un petit gamin. Mon père est mort dans un camp japonais (...). Donc la souffrance qu'elle avait pu ressentir. Et puis j'ai commencé à sentir des présences autour de moi. Et puis (...) petit à petit, j'ai commencé à penser à ma mère, mon grand-père, ma tante qui m'avait élevé, mon père qui était parti, et les membres de la famille, et les gens  que j'avais connu, ça a commencé à s'élargir, (...) et aussi à ceux qui m'avaient empoisonné la vie (...) et je me suis mis à leur dire: merci pour tout ce que vous m'avez appris, parce qu'au fond vous m'avez appris à tenir bon, à ne pas céder, et ça aussi c'est quelque chose qui s'apprend." Et c'est comme ça que je me suis retrouvé embarqué dans une très curieuse prière où j'ai senti comme une énergie qui montait de moi. Au début c'était tout petit. Il y avait eu la grosse bouffée de colère qui est redescendue, et un petit filet qui montait, ma prière (...) et petit à petit ça montait, de plus en plus fort, comme un cours d'eau et j'ai passé une nuit invraisemblable, entouré de présences -je ne sais pas si on peut dire "présences", des énergies -une énergie qui sortait de moi et qui me retombait dessus en boucle et que ça tournait, tournait, et que ça allait très  très bien. Le lendemain matin j'ai réessayé mes expériences de transmission de pensée. Ca n'a rien donné. Pendant trois jours j'ai essayé régulièrement. Le troisième jour, je me suis presque forcé. Mais c'était comme si j'étais constipé et en colère de l'être, je faisais tout ce que je pouvais pour envoyer mon énergie, ma concentration, ma force, mais rien ne se passait.  Alors je me suis assis (...) adossé contre le mur, et j'avais le bras qui traînais comme ça, et je me suis laissé aller, parce qu'il fallait que je me repose de mon effort de concentration, et il s'est passé quelque chose de très curieux, mon bras s'est mis à bouger.

            Quand vous êtes en tôle, et que vous êtes soumis à des crises mystiques comme cette nuit où je me suis mis à prier alors que c'est quelque chose que j'avais pratiquement jamais fait de ma vie, vous vous dites: tiens, il y a des choses bizarres qui arrivent. Sans plus. J'ai regardé mon bras, cette mains, ce doigt qui bougeaient indépendamment de ma volonté, (...) et je me suis aperçu qu'il traçait une lettre. C'était un "Q", puis un "U" puis un "I". Ca faisait ça: "QUI ES-TU ?". C'est sympa d'avoir votre propre index qui demande à vous être présenté! Moi j'ai répondu "ET TOI ?" (rires dans la salle) Eh oui ! et un dialogue a commencé à s'instaurer. J'étais tellement sûr que c'était Nono (son ex-femme,  Noëlle) qui, au bout du fil, me répondait, qu'à la fin j'ai dit: "ARRETE DE DECONNER, NONO! JE SUIS EN TOLE  !" et alors: "A J'EN ETAIS SURE! TU ES LE SEUL A M'APPELER NONO."  (...)

            Puis en même temps que mon doigt bougeait, avec une fraction de seconde avant, j'ai commencé à entendre la voix correspondante. (...)  Et j'ai commencé à être capable d'émettre par la pensée et de recevoir des sons. Au début ça a été très dur parce que les voix m'ont obligé à contrôler mon larynx, parce qu'on a toujours tendance à  verbaliser quand on communique quelque chose, c'est pour ça que quelque fois on parle tout seul, et à tous les coups quand j'avais tendance à faire vibrer les cordes de mon larynx, la voix me disait "Attention tu fais peur aux petits enfants", donc j'étais obligé de me contrôler et de ne faire que mentalement. A partir de là tout ce passait très bien. J'ai réussi à discuter et à entendre les voix de Jeanne qui se trouve là-bas derrière (dans la salle: Jeanne Morannier), de Noëlle, de mes copains... (...) Ca a duré, tout ça, pendant au moins une bonne semaine. Disons, quatre ou cinq jours d'écriture automatique, puis deux ou trois à entendre des voix, où j'étais persuadé de discuter avec des gens que je connaissais et qui étaient en vie. (...) Il y avait un truc pourtant qui m'embêtait, c'était une toute petite voix, gentille, que je percevais là (il fait un geste et montre ses oreilles). Les autres voix, ça ne passait pas par là, ça ne passait pas par l'ouïe, c'était mental. Celle-là, c'est une voix qui s'imprimait dans ma tête, très douce, qui me disait: "Alain, tu ne peux pas parler ainsi avec des êtres vivants. Du moins tu ne peux pas communiquer ainsi avec des êtres vivants". (... fin de face cassette, passage manquant) (...)"

            Après sa crise mystique qui lui permit d'entrer en communication avec des voix en fait non identifiées, A. GUILLO eut un nouveau type d'expérience, qui le contraignit à une introspection plus avancée.

            "(...) Et une nuit, entre l'écriture automatique et les voix, après une dizaine de jours,  je suis parti dans un voyage assez étonnant. Comme très souvent le soir, je pouvais passer la nuit dans un demi-sommeil avec ces voix, pas tout-à-fait un sommeil, pas tout-à-fait l'éveil, un état intermédiaire, et dans cet état intermédiaire, j'ai ressenti le même type d'énergie que lorsque je m'étais mis à prier pour tous ceux que je connaissais. J'ai ressenti cette énergie en moi et cette énergie m'a transporté dans ce que j'appellerai une bulle de couleur jaune pâle, pas un jaune agressif, or, mais de l'or très doux,  pas un or violent, et  la seule chose qui me permette de  caractériser cette bulle dans laquelle j'étais, c'est-à-dire dont je faisais partie, c'est l'amour, mais l'amour absolu, c'est-à-dire qui ne vous juge pas, qui n'exige rien de vous. C'est un état de béatitude absolument étonnant, et c'est comme ça que je comprend ensuite -que je commence à comprendre maintenant - ce dont certains mystiques parlent quand ils parlent d'extase par exemple. (...)Je suis resté dans cette bulle une nuit entière, le bonheur le plus total que vous puissiez imaginer...

            Certains m'ont dit ensuite que j'avais fait un voyage astral. Je n'en sais absolument rien. Je ne sais pas si c'était un voyage intérieur ou extérieur, ce qui me pousse à dire que ce doit être quelque chose qui existe et à l'intérieur de chacun d'entre nous et à l'extérieur de chacun d'entre nous et quelque chose qui peut se mettre en communication et que j'ai rencontré.  Et n'étant pas préparé à ce genre de situation, étant comme je l'ai dit un solide mécréant, si ça m'est arrivé à moi, ça peut arriver à n'importe qui d'autre. c'est - et je ne suis pas un être exceptionnel - c'est la certitude que j'ai acquise à ce moment là.

            Alors, il s'est passé de drôles de trucs, lorsque j'étais dans cette bulle d'amour. Lorsque je suis redescendu le matin, j'ai compris que nous étions tous liés, d'une façon ou d'une autre, parce que  que nous le voulions ou non, nous partageons les mêmes origines, qui sont les origines de la vie, si on remonte jusqu'à la création du monde, quelle que soit la façon dont on se l'imagine, nous sommes, nous partageons tous la même expérience, nous sommes dans un petit présent, l'évolution, une vie qui ne nous a pas attendu pour être,  qui ne nous attendra pas, qui est et qui existe; et nous sommes, dans ce petit instant-là, la représentation de cette vie, donc nous la partageons, nous avons tous quelque chose en commun. Et c'est là que j'ai compris la petite voix quand elle me disait "Tu ne peux pas parler comme ça avec un être humain". Je ne peux pas parler comme ça avec vous, madame (une dame dans la salle), directement, par la transmission de pensée, mais par contre nous communiquons d'une autre façon, par cette espèce de grand pont qui nous relie tous, et si nous parvenons à entrer dans ce pont, alors nous pouvons faire passer quelque chose, et ce n'est pas sa pensée telle que nous l'imaginons. Ce n'est pas un coup de fil, c'est autre chose. (...) Bon, ça ce sont des choses que j'ai compris, au sortir de cette bulle d'amour. C'est une découverte fantastique, d'ailleurs. Mais quand on est venu me chercher pour m'emmener (...) (il avait depuis un compagnon de cellule, informateur de ses geôliers) j'ai vu (son compagnon) auréolé de cette lumière dorée,  j'ai vu ces murs qui étaient tout pisseux, dégouliner  de cette lumière dorée. Elle était partout, la cellule était illuminée par cette lumière... Les deux gardiens qui apportaient le thé et le pain étaient environnés de cette lumière, à tel point que j'ai eu un mal fou à me contrôler. J'avais envie de les prendre dans mes bras et de les serrer contre moi, mais ça aurait fait  mauvais effet étant données les circonstances. Je me suis contrôlé. Mais vraiment, je vous garantis que j'ai eu cette impulsion extrêmement forte.(...) Et cette lumière est restée avec moi pendant toute la journée, et je crois même le lendemain, mais ça diminuait, ça diminuait... Mais c'était étonnant de voir tous ces gens et surtout que chacun d'entre eux baignait dans cette lumière. Ce qui me fait dire que nous sommes tous porteurs de cette lumière. Elle attend le moment de se révéler.

            Ca c'était le premier grand voyage dans cette bulle.

            Et puis, je crois que ce n'était pas la nuit suivante mais celle d'après, même type de phénomène, une formidable énergie, mais là j'ai été conduit dans un autre univers, une autre bulle encore une fois, impression de couleur, toujours, mais plutôt blanche, un peu opalescente, pas du tout agressive non plus. Une couleur plus froide quand même que la première, et là, j'ai eu l'impression de me trouver dans une bulle d'une intelligence... Bon toute l'Intelligence se trouvait là. C'est simple, il suffisait de tirer une ficelle -j'appelle ça ficelle, c'est une pensée - et derrière cette pensée, il y avait l'Univers qui se trouvait accroché, c'en était même affolant... J'ai fait l'expérience avec un petit indien, je me suis dit: '"Tiens voilà, un petit indien de Calcutta": j'ai pensé à lui, je l'ai visualisé et il était là. En même temps que je l'ai vu, j'ai vu l'air qu'il respirait, la composition de l'air qu'il respirait, la terre  sur laquelle il posait ses pieds, la composition moléculaire de cette terre-là, les plaques tectoniques... Bon j'ai pu entrer à l'intérieur du globe terrestre au travers du petit indien, j'ai pu à partir du petit indien voir l'ensemble de la cité de Calcutta, et attention: tout ça pratiquement ensemble, un peu comme en informatique: on va développer quelque chose, à un certain niveau, et à partir de ce niveau-là vous allez avoir deux, trois, quatre possibilités qui vont diverger, et au bout de ces possibilités vous allez en avoir d'autres, et c'est comme ça que vous allez augmenter l'éventail de votre puissance de raisonnement informatique. C'était la même chose. Du petit indien, je pouvais voir l'univers entier. Je me suis arrêté très vite, ça me faisait peur. C'était affolant, cette capacité de voir les choses en profondeur. Alors je me suis un petit peu calmé, j'ai laissé le petit indien, c'était un peu trop gros, et j'ai pris une carotte. C'est la même chose. Elle m'a mené au même endroit que le petit indien, il a fallu que je m'arrête. Autour de la carotte il y a l'eau, la germination de la graine, ce qui la fait germer, toutes les énergies qu'il y a là-dedans, l'azote, l'eau, le système solaire parce qu'il faut du soleil, les saisons etc.. Derrière l'idée de la petite carotte, il y a l'Univers entier. Et c'est là que j'ai réalisé que tout est interdépendant, que tout est lié, que cette petite feuille nous relie à l'univers entier. Et si cette petite feuille nous relie à l'univers entier, qu'en est-il de nous ? qui a-t-on le droit de mépriser dans ce cas-là ? de rejeter ? plus personne, puisque nous sommes finalement un immense organisme, et nous n'avons pas le droit de modifier une seule de nos cellules. Pour réaliser ça, ça m'a pris une nuit, mais j'étais finalement assez content d'avoir découvert cette certitude que rien n'était négligeable (...) et que c'était finalement notre limitation à nous qui nous permettait de mépriser, de rejeter.

            (...)

            Puis j'ai fait d'autres rencontres avec d'autres sphères, mais malheureusement ça descendait: de la sphère de lumière dorée -l'amour absolu-, de la sphère d'intelligence -immense intelligence-, puis ensuite je me suis senti comme faisant partie d'un immense ordinateur, comme si j'étais un petit élément, une petite diode, une petite bêtise comme ça qui savait, connaissait son utilité, parcourue d'impulsions, mais qui ne savait rien du résultat final du travail qui se faisait au travers d'elle, qui savait qu'elle faisait partie du mécanisme d'une machine, mais qui ne savait pas quel serait le résultat final. (...) Donc, j'ai eu l'impression (les nuits suivantes) de régresser jusqu'au stade le plus infime de la matière (molécule de base parcourue d'impulsion) (...) et là, les voix ont commencé, à partir de ce moment-là à devenir franchement désagréables avec moi. Au début c'était sympa parce que j'arrivais à discuter avec elles sur certaines choses, elles m'interrogeaient, je répondais, c'était bien. Ca c'était des voix qui me parlaient surtout le jour, et pendant les interrogatoires, parfois, et la nuit elles me laissaient tranquille. J'avais davantage des visions la nuit que des voix. Et petit à petit ont commencé à s’immiscer pas mal de voix féminines -peut-être parce que je suis un homme: ensuite j'ai reçu des témoignages de femmes me disant que pour elles c'était plutôt des voix masculines qui venaient les empoisonner - (...) et tous les jours elles se faisaient plus nombreuses et plus bruyantes. Au début, c'était intéressant de discuter avec elles, j'arrivais à suivre, puis ce fut des discours, des dialogues sans queue ni tête, du bruit dans la tête, beaucoup de voix différentes (...) J'avais ce bruit dans ma tête constamment, y compris la nuit et pendant les interrogatoires. Et lorsque je leur demandais "Eh dites-donc, calmez-vous un peu ! au moins parlez moins fort, ou ne parlez pas toutes en même temps..." le son montait d'un cran. Au bout de quelques jours (...) je ne pouvais plus tenir, à tel point que (...) je n'avais plus qu'une chose à faire, c'était de me casser la tête. Et là: "Oh oui casse-toi la tête ! venez voir, il va se casser la tête..." etc. Invraisemblable! A tel point que j'étais ulcéré. (...) et j'ai fait une première tentative de me faire claquer la tête. La cellule n'était pas large, peut-être deux mètres de large (...) et je suis parti la tête la première bien franchement contre le mur. Ca a fait un grand boum contre le béton, mais je n'ai pas eu une bosse. J'avais l'impression d'avoir frappé contre un mouchoir (...) (et les voix de l'insulter, très vulgaires, le traitant de couille-molle et de dégonflé parce qu'il s'est raté). J'ai fait une deuxième tentative en y allant de tout mon coeur, un deuxième très gros boum, et pas la moindre bosse. Grand rire chez les copines ( = les voix) et troisième gros boum. Et est arrivé un officier et six ou sept gardiens (...) Ils m'ont emmené dans une petite cour. Et en sortant dans la cour  j'ai vu que le couloir était séparé de la cour par une porte avec une vitre, mais la vitre elle-même du côté cour était  séparée du couloir par des barreaux (...) et je me suis lancé comme un rugbyman tête la première dans ces barreaux. (...) et je n'ai rien eu. Une fente au cuir chevelu sur un demi centimètre. Spectaculaire parce que beaucoup de sang mais pas une bosse. (...) et j'ai réalisé que j'étais protégé. Et j'ai réalisé qu'à partir du moment où j'avais eu ce contact, je n'avais plus une seule voix dans ma tête, le silence, un vrai bonheur. Et la petite voix sympa qui me disait: "Eh oui, Alain peut-être..." Et à partir de là, mon interrogatoire a pris fin, la France a su que j'étais détenu à Kaboul, des copains se sont groupés en comité de soutien, j'ai été jugé, condamné à dix ans de prison pour espionnage (...) et au bout de neuf mois de détention j'ai été libéré sur intervention de Mitterrand qui, ça m'a été garanti, n'a jamais été une reconnaissance du gouvernement afghan. Je ne sais pas quel truc ils avaient trouvé, mais c'est quelque chose qui a permis de me faire libérer au bout de neuf mois jour pour jour.

            Voilà en gros la petite aventure qui m'est arrivé en Afghanistan. (...) Je vous en ai parlé parce que je sens que je dois le dire. Je vous rassure, ça ne me rapporte rien, au contraire ça (il a écrit un livre dont je n'ai pas retenu les références) m'a fait perdre toutes mes activités, je ne peux plus travailler en tant que journaliste, mais je pense que c'est un témoignage qui pourra peut-être servir un jour à quelqu'un , comme moi ça m'a servi d'entendre parler un jour de la transmission de pensée et de l'écriture automatique."

2°) CE QU'IL EN A RETENU D'ESSENTIEL

   

            - ALAIN GUILLO? QU'EST CE QUE CA A CHANGE DANS VOTRE VIE ?

 

            "Ca a surtout changé mon regard sur la vie. C'est-à-dire que cette vie qui m'étouffait, dont je ne voulais plus à une certaine époque, je me dis que je voudrais qu'elle soit utile. Si on est là, ce n'est pas par hasard, ce n'est pas pour rien,  donc il faut servir à quelque chose. Le gros problème c'est : Servir à quoi ? D'un autre côté, on se dit que si on doit servir, et si tout est lié, que ce soit le visible et l'invisible, si tout est lié et si on ne sait pas dans quelle direction on doit aller, alors on doit recevoir un coup de main qui doit nous indiquer où on doit aller. Donc ça a changé mon regard sur l'existence, ça a changé mes relations avec les autres. Je n'arrive plus à mépriser quelqu'un. Je n'arrive plus à haïr quelqu'un. Lorsque je regarde tous ceux que j'ai pu rencontrer dans mon existence, je sais que très profondément, je les aime, parce que je sais que nous avons tous en nous-mêmes la même base. Même ceux qui à priori m'ont fait du mal... Je vous dis ça, mais il m'arrive encore de (grogner) mais j'ai fait la paix avec moi-même. Sinon, je sens, je sais que pendant plusieurs années, il ne m'a plus été possible de lire. J'ai été un lecteur boulimique. Je dirais trois ans environ. Ce n'est pas que je ne savais plus lire, mais quand je lisais une phrase, c'était le phénomène de la carotte... La phrase m'emmenait sur un sens et un autre et un autre et un autre... Pour finir un livre de 200 pages ça m'aurait pris toute mon existence. J'ai écrit deux livres. Je ne suis pas du tout écrivain, d'ailleurs je maintiens que ce n'est pas moi qui les ai écrits. J'ai lancé un journal trimestriel qui en est à son numéro deux, Carré de Recherche. Je recommence maintenant à avoir une activité. Vous imaginez, depuis 1988, ma libération, nous sommes en 1995 donc ça fait sept ans, ça fait environ un an que je développe une semi activité... Alors, voilà ce que ça a changé dans ma vie.

              -VOUS ETES DONC PLUS SEREIN ?

              "Serein, oui. Mais vous savez, je ne le suis pas tout le temps, serein. Je suis... Neutre. Les relations que j'ai eu avec les voix, je crois que c'était comme une véritable psychanalyse. Elle sont entrées en moi, elles connaissent toutes mes failles. J'étais menteur, un peu, alors elles m'ont menti. Elles m'ont montré combien c'est désagréable de vivre dans le mensonge. J'étais parfois un peu trop pudique. Pour ne pas dire pudibond. Et les petites petites voix féminines qui m'accompagnaient aux toilettes (...) m'ont très vite guéri de ça, j'étais un peu trop coincé. Bref, elle ont mis le doigt sur tous mes points sensibles, y compris le dernier, et ça je sais que je supporte encore pas les bavardages, le bruit, mais j'ai aujourd'hui beaucoup plus de patience que je n'en avais autrefois. Voilà, elles m'ont fait ça. Et par la suite j'ai pu discuter avec elles.  Elles m'ont expliqué des choses. Elles m'ont fait réfléchir à certaines choses. Et ça en étant en prison. Elles m'ont aidé à écrire ces bouquins. (...) A présent nous n'avons plus les longues discussions d'alors, juste des petits conseils, brefs, presque anodins. Je crois que j'en ai moins besoin. "

              - AVEZ-VOUS IDENTIFIE CES VOIX ?  

            "Je crois que l'identification n'a aucune importance. C'est quelque chose qui peut prêter à polémique. Je crois que l'identification est une manifestation de notre ego à nous. Qui sommes-nous ? à priori, un nom, un prénom, un numéro de sécu, une fonction, nous sommes ce que nous sommes... C'est la construction de notre univers à nous. La petite voix qui de temps en temps se fait appeler Louise, qui est le nom de ma mère, je ne suis pas du tout sûr que ce soit ma mère. Et en réalité je m'en fiche complètement, parce que tout ce que je souhaite pour ma mère c'est qu'elle soit bien, là où elle est. (Quand) je lui demande d'être elle, cette identité, cet ego, vis-à-vis de moi quand elle me parle, j'ai l'impression que je la bloque, que je la retiens à mon niveau alors qu'elle l'a largement dépassé, ce niveau-là. Donc moi, je ne veux pas que ma mère me parle. Je sais qu'elle est là, d'une façon diffuse, mais ce n'est pas son identité qui m'intéresse. C'est quelque chose de très difficile à expliquer, mais je crois qu'on pourrait passer une nuit entière à parler de tout ça..."

            - ET LE LIEN D'AMOUR ?  

            "A oui, le lien d'amour ! je crois que dans toutes les présences, il y a un signe qui ne trompe pas, c'est le lien d'amour. Quand on ressent très très profondément ce lien, quelque chose qui est bon, sain et sérieux - parce qu’'il n'y a pas que des entités qui sont, hélas, bonnes, saines et sérieuses ! - elles ne le sont pas plus que nous ne le sommes nous mêmes! mais tout ce qui est, quand on sent ce lien, ce que l'on sent au travers de ce lien, c'est très très pur. Je ne crois pas que l'entité soit très très importante là-dedans. Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire. (...) D'autre part il y a la reconnaissance d'amour de l'autre côté. Pour ce qui est de la foule de voix qui faisait tant de bruit en même temps, je crois qu'il faut faire attention: je l’interprète ainsi: il y a beaucoup de choses qui se passent dans notre propre construction mentale. Attention. Nous sommes tous comme des postes de radio,  émetteurs et récepteurs. Nous avons tous en nous des points sensibles, des zones sensibles. Certaines personnes ressentent des odeurs quand elles pensent à quelqu'un. Odeur de fleur, odeur de pipe... Je pense qu'il s'agit là de zones de notre cerveau qui correspondent au phénomène de l'odeur qui sont directement excitées, ça ne passe pas du tout pas les nerfs adopes, mais par notre centre sélecteur du cerveau. Si  ça se passe comme ça c'est que nous sommes à ce moment précis un récepteur sensible à certaines choses. Cette odeur que vous percevez, quelqu'un d'autre entendra un air de musique à la place, parce qu'il sera plus sensible à la musique. Nous avons tous des sensibilités un peu différentes.

            Il est possible qu'au sein de ces sensibilités, une impulsion se transforme chez l'un en odeur, agréable ou désagréable, en musique , agréable ou désagréable, chez l'autre en voix , agréable ou désagréable. Donc ces impulsions-là, ça peut être une impulsion complètement neutre, cette force qui vient vers vous, appelons-là "énergie divine": disons que vous avez fait une grosse prière, et "ça" tombe sur vous. Mais... Qui êtes-vous, vous ? il y a ce qu'on voit, et ce qu'on ne voit pas. Et dans ce qu'on ne voit pas, vous avez certainement des centres qui transforment cette énergie, et qui vont, pour vous, selon qui vous êtes, la transformer en du positif ou du négatif. Donc, à partir du moment ou vous ressentez, ou vous entendez une voix, ça vient forcément de vous... Ou en odeur, selon le récepteur que vous êtes. On est transformateur. J’ai la sensation qu'une certaine partie de moi-même s'est ouverte à une sensibilité que j'ai vraisemblablement toujours eue sans avoir les moyens de la traduire. Et là, les "outils de traductions" ont été ces voix. La question est de savoir "qui est moi ?". On ne s'arrête généralement qu'à la partie apparente. Ce qu'on peut mesurer. Mais le reste, appelons-le le subconscient si on veut, moi je l'appelle l'invisible. Ce sont des bulles dans les bulles. L'énergie en question est à mon avis neutre, et c'est nous qui la transformons. C'est un peu comme les campagnes électorales. Quelqu'un dit "il faut donner le minimum vital à tout le monde", alors vous avez  50 % qui vont dire bravo ! et 50 % qui vont dire que c'est un scandale et que ce n'est pas comme ça qu'un peuple doit être gouverné;  Donc ce qui va faire du bien à 50 % va faire du mal à 50%. C'est selon ce que l'on est. Une énergie neutre va être transformée par nous, par ce que l'on est, en positif ou en négatif. Et c'est ce qui est le plus important à comprendre. Et c'est au travers de tout ce que l'on sort sous forme de messages, d'intuitions, qu'on finit peut-être par découvrir ce que l'on est.  Je me souviens toujours de la première question qui m'a été posée: "QUI ES-TU ?". C'est la base fondamentale de la sagesse grecque. Nous sommes tous des transformateurs, mais il ne faut pas oublier qu'il y a des gens - certains s'appelaient Jésus, Gandhi... - qui ont reçu de très profondes impulsions, qui venaient de très loin, qui les ont transformées d'une certaine façon, d'autres s'appelaient Hitler, Kohmeyni, et ils les ont transformées d'une autre façon... Ils reçoivent des impulsions, et selon QUI  ils sont, ils les transforment d'une façon ou ils les transforment d'une autre. C'est valable pour chacun d'entre nous. "