Les Témoins d’Ulthar

 

Une expérience de N.D.E (lisons Near Death Experiment) ? Voilà ce que nous propose avec beaucoup de pudeur Jeremy Berenger, suivie des commentaires ésotériques de Claire Panier et de Serge Le Guyader.

  

Évasion vers un autre 

Ailleurs... 

ou phénomène neurobiologique ?

 

Lorsqu'il m'arrive d'évoquer le singulier phénomène auquel j'ai été, bien malgré moi, confronté il y a plus de deux ans, je m'attends à essuyer les pires sous-entendus. Je tiens à préciser que je ne possède pas de moquette (trop difficile à entretenir), et qu'on ne trouvera dans le fourneau  de mes pipes qu'un honnête tabac en vente chez n'importe quel buraliste. Par ailleurs, supportant mal l'alcool, je bois rarement autre chose que du thé, du café, du lait .

 

Cette mise au point effectuée, resituons le contexte de l'époque. Fin 1992, je traversais une période d'incertitude. Sans emploi, privé des repères indispensables que confère une vie équilibrée sur les plans affectif et financier, je me trouvais assez déprimé ; je ne savais trop comment orienter ma démarche artistique, ni que faire de ma vie. D'un naturel anxieux et perfectionniste, j'ai toujours été en proie à une  extrême nervosité, qu'une timidité quasi insurmontable ne fait qu'exacerber. Ceci pour brosser un portrait succinct de mon personnage et démontrer qu'il n'a rien de précisément exceptionnel. J'ajoute que  je suis on ne peut plus matérialiste, désespérément athée et allergique à toute religion. Nullement obtus, j'avoue cependant avoir du mal à croire en ce que je n'ai pas expérimenté personnellement. Nous savons tous, qu'un même événement sera vécu, et donc raconté différemment par chacun, en fonction de sa psychologie, de son histoire individuelle et de paramètres aussi divers que subjectifs (état d'esprit du moment, atmosphère d'un lieu, stimuli sonores, visuels ...). Je ne vous demande pas de prendre ce témoignage pour argent comptant, je ne prétends pas avoir vécu un phénomène métapsychique qui a changé ma vie, je pense seulement pourvoir dire que ce qui s'est passé en cette nuit de décembre 1992, a considérablement modifié ma philosophie de l'existence.

 

Un ami m'avait présenté Chantal - prénommons-la ainsi - une excentrique scénariste qui se proposa de m'enseigner les rudiments de l'écriture en continuité dialoguée. Ayant remarqué mon état de stress, Chantal m'offrit une cassette de relaxation qu'elle avait elle-même enregistrée, librement extrapolée de ces méthodes de sophrologie en vogue depuis l'avènement du courant New Age. Un détail qui a toute son importance : j'étais tombé amoureux de Chantal, et avec le recul, je pense que ce sentiment a joué un rôle dans ce qui a pu se passer cette nuit-là. Nous étions donc vers la fin du mois de décembre. Chaque soir, je m'accordais un temps de relaxation afin de me préparer au sommeil. Insomniaque, je m'endors rarement avant deux heures du matin. Mes tentatives de descente en Alpha ne s'étaient jamais auparavant, soldées par des résultats appréciables, je ne réussissais à "lâcher prise"  que quelques minutes.

 

Le phénomène se produisit de manière totalement imprévisible. J'eus conscience de dépasser le stade de relaxation auquel j'étais habitué. Je me sentis littéralement m'élever au-dessus de mon lit, tandis que naissait une sourde rumeur devenant vrombissement. Je fus alors propulsé dans un tunnel parcouru d'éclairs lumineux, dans un état de bien-être inouï que je n'ai plus ressenti depuis. Au bout de ce tunnel, je ne vis pas la lumière indicible dont parlent les disciples d'Elisabeth Kübler-Ross. Je flottais dans un vide constellé d'étoiles, distinguant çà et là des groupes de points lumineux rappelant des systèmes solaires. Devant moi apparut quelque chose qui, je pense, s'apparentait à un symbole : un oeil gauche, gigantesque, autour duquel rayonnaient les bras d'une galaxie en spirale. Il m'est difficile de rendre par des mots forcément creux, cette sérénité inimaginable, surnaturelle, qui m'emplissait à cet instant-là.

 

En fait, la vision et la sensation  formaient un tout, la vision participait de la sensation.. Si j'étais un esprit religieux, j'oserais avancer les mots Unité, Fusion ... L'idée d'Amour définirait mieux, je crois, la force dont je me sentis pénétré durant cette expérience, qui s'acheva aussitôt, sans aucune transition.

 

J'entretenais une  correspondance suivie avec une fille de la région lyonnaise qui se passionnait pour les phénomènes irrationnels. Agnès - c'était son prénom - à qui je me confiai, me conseilla la lecture de la "Source Noire" de Patrice Van Eersel, qui venait de paraître en Livre de Poche. Cet ouvrage ne m'apporta aucun éclairage sur ce qui, désormais, était au centre de mes questionnements, pas plus que les autres bouquins que j'ai pu compulser par la suite. La thèse de la NDE ne me paraît pas plus plausible  que celle du voyage astral. Je ne me suis pas vu flottant au-dessus de mon corps, je n'ai pas aperçu de silhouette familière au bout du tunnel, je n'ai pas erré ici ou là en des lieux connus ou inconnus, rattaché à mon corps physique par quelque "ombilic d'argent". Par contre, l'orientation que prit ma vie intellectuelle reflète assez bien les témoignages dont j'ai lu les relations dans les ouvrages évoqués. Dire que je fus saisi d'une frénésie de quête métaphysique serait exagéré. En fait, je puis dire que cette nuit fatidique marqua un seuil à partir duquel je m'employai à réfléchir au sens caché des événements que je traverse, cherchant à voir au-delà des leurres dont se parent celles et ceux dont je croise les destins, dans le désir d'aller plus loin dans l'appréhension de tout ce qui fait la vie, dans l'infiniment petit comme dans l'infiniment grand. Je me plongeai dans nombre d'ouvrages de psychanalyse, de philosophie, de sciences physiques. Evidemment, j'ai essayé de savoir à quoi pouvaient correspondre les symboles de l'Oeil, de la Spirale. Mais très vite, j'ai compris qu'il me serait malaisé de faire la part des choses entre les diverses interprétations proposées par les précis de symbolique, et les facéties de mon imaginaire. Je pense que le Destin m'offrira un jour de comprendre pourquoi, par une nuit d'hiver, j'ai voulu m'évader vers un autre ailleurs et y rencontrer  ce fantastique que j'ai toujours courtisé à travers la littérature, le cinéma, et certains de mes textes.

 

Etant, je le réitère, peu porté vers la spiritualité, j'essaie de trouver une explication scientifique à ce phénomène. Il semble que depuis quelques années les chercheurs officiels se penchent sérieusement sur l'énigme des NDE. D'aucuns postulent l'existence d'un mécanisme de défense visant à atténuer l'angoisse de la mort. D'autres parlent d'un processus biologique résultant d'une mauvaise oxygénation du cerveau. Je me suis entretenu de ce sujet avec Eric ZURCHER[4]un ami chercheur indépendant qui, sans dénier l'empirisme de sa démarche, a noté des similitudes entre les relations de NDE et les témoignages de personnes ayant vécu une Rencontre extra-terrestre du IVème Type (je fais allusion à ces "contactés" qui disent avoir été enlevés à bord d'engins extraterrestres, aux fins de prélèvements anatomiques). Dans les deux cas, on retrouve l'épisode de l'aspiration dans un tunnel, la vision d'une lumière, une sensation d'acceptation, de sérénité ... Eric ZURCHER, féru de psychanalyse, m'a fait remarquer que beaucoup de ces témoins, après ce qu'il qualifie de "cassure", se sont investis dans une recherche personnelle peu en rapport, souvent, avec leurs activités, leur niveau socio-culturel. Certains vont jusqu'à parler de Renaissance et Eric ZURCHER établit un parallèle pas si audacieux qu'il y paraît, entre l'archétype du tunnel (tant dans les récits de NDE que dans les Rencontres du IVème type), et le passage du nouveau-né dans le conduit vaginal au terme de la grossesse, suivi de la confrontation avec la lumière crue de la salle d'accouchement. Cette hypothèse, si farfelue soit-elle, ne peut être rejetée a priori dans la mesure où, rappelons-le, la psychologie des profondeurs, la psychanalyse sont encore du domaine de la spéculation avancée.

 

Si l'on suit le raisonnement de Eric ZURCHER, on peut supposer que nous disposerions tous, parmi les multiples systèmes de défense élaborés par notre inconscient, d'un mécanisme qui, à une phase critique de notre évolution personnelle, nous offrirait l'opportunité de naître une seconde fois. Une renaissance symbolique induisant la nécessité d'aller au-delà des présupposés, du terre-à-terre, vers une dynamique de dépassement de soi sans commune mesure avec les faux-semblants auxquels nous concédons tous dans la vie quotidienne. Comme si ces expériences créaient de nouvelles connections entre des parties inexploitées de notre Moi profond. Ce qui n'est pas sans évoquer le processus d'individuation dont parlait Jung, où les tendances conflictuelles du sujet (l'Anima, partie féminine de l'homme, l'Animus, partie masculine de la femme, l'Ombre, cette part de soi que l'on refuse  consciemment, mais qui détient ce qui est notre notre authenticité), une fois intégrées dans la personnalité, induisent l'unité de l'être, qui, en paraphrasant Nietzsche devient "Ce qu'il est", ou plutôt, Celle  et Celui qu'Elle/Il est.

 

 

Avant de conclure, je crois bon d'ajouter que fin décembre 1994, - soit deux ans jour pour jour après ma précédente expérience -, j'ai revécu l'épisode du tunnel accompagné du vrombissement, mais cette fois-ci ce fut assez désagréable. Je me retrouvai dans une pénombre où, me semble-t-il, se découpait la silhouette en négatif d'un personnage portant une barbe. Je ne puis, bien sûr, étayer mes assertions par des preuves tangibles. Libre au lecteur d'y ajouter crédit ou non, et de s'interroger. Un pourquoi implique des parce que, qui font surgir eux-mêmes des tas d'autres pourquoi. Au bout du compte, saura-ton jamais ?

 

Jeremy Berenger (C)

 

 

 

 


 

  

Le point de vue ésotérique, maintenant, en la personne de Claire Panier, qui a beaucoup étudié les phénomènes de N.D.E.

  

........A présent, J. Berenger. J’aurais voulu en savoir plus sur son expérience, mais je vais devoir attendre le numéro que tu y consacreras, c’est ça ? En tout cas, pour ce qui est du symbole qu’il a perçu, c’est un problème très intéressant. Mon opinion sur la question restera humble (et confus), parce que tout ce qui touche la symbolique reste à mon avis très lié au profond de la personne concernée, alors je me contenterai de te dire à quoi ça me fait penser dans le cadre de ma perception des NDE, même si ça limite l’interprétation.

A priori, je serais tentée de voir dans cet oeil au centre d’une galaxie en spirale le côté cosmique de la vie et de la mort, je veux dire du côté tibétain de la chose. La vie, la mort, font partie du même cycle universel, aucune ne précède l’autre, aucune ne suit l’autre. Tout n’est qu’un, et c’est naturel. En même temps, c’est la connaissance, celle du monde, celle de soi. Connaissance physique et spirituelle. Connaissance dans le sens d’une compréhension globale, bien sûr. Cet oeil, ça peut être celui de l’entité lumineuse qui accueille le défunt (ou le visiteur en N.D.E.), qui englobe toutes les « âmes » déjà retournées à l’état primordial dans l’attente d’une nouvelle incarnation, ou déjà parvenues au stade ultime de perfection, ou bien l’être lumineux dut « suprême » que certains assimilent au Christ, ou bien encore la divinité qui accompagne le délok tibétain dans son voyage parmi les morts et qui lui explique ce qui se passe avant de lui enseigner le message qu’il devra transmettre aux vivants à son retour... Alors, oeil qui regarde le visiteur ou bien oeil qui symbolise le sens de la N.D.E., c’est-à-dire ce que doit faire le visiteur pour profiter de l’opportunité qui lui est offerte ? Comme je le disais tout-à-l’heure, je pense qu’il y a là possibilité de comprendre et d’apprendre, et ceux à qui il est offert la possibilité (spontanée »e ou par suite d’un accident par exemple) de parvenir au seuil de la mort et d’entrevoir l’autre monde, ou la suite du monde, comme on veut, ce n’est pas gratuit. Ne peut-on lire dans cet oeil au centre d’une galaxie en spirale la possibilité de tirer une bénéfique connaissance (compréhension) du monde dans sa totalité (matérielle, peut-être, mais surtout absolue, globale ?) Comme on sait que la Terre n’est pas le centre de l’Univers, la vie n’est pas celui de l’Existence, non ? et dès lors qu’on nous ouvre un judas sur l’autre face de la médaille, il y a des informations à en tirer, un message à transmettre après l’avoir soi même médité et assimilé.

Je ne sais pas s’il faut chercher un symbolisme plus complexe. Je reste peut-être très « terre à terre », attachée aux lieux-dits communs, mais bon, la vie éternelle et la vie terrestre ont pour moi un sens très précis. Ce n’est que par des épreuves choisies par nous-mêmes pour chaque incarnation qu’on parvient à progresser vers la lumière. Chaque opportunité offerte pour avancer, d’une façon ou d’une autre, va dans ce sens unique du perfectionnement intérieur. Et s’il peut passer par celui des autres, je veux dire par la transmission d’un message céleste, intellectuel ou autre, ça ne peut être que mieux. Mais revenons à nos moutons.

 

Voilà comment je vois les choses de façon plus précise:

                « Voir la mort par les yeux d’un être réalisé est donc voir la mort dans le contexte de cette plénitude et comme faisant partie, mais partie seulement, de ce mouvement sans commencement ni fin. Ce qui fait le caractère unique et la puissance des enseignements des bardos, c’est qu’en faisant la pleine lumière sur le véritable processus de la mort, ils nous révèlent, par là-même, le véritable processus de la vie. (...) ce qu’il advient de celui qui meurt, à chacun des 3 stades cruciaux qu’il traverse: 1/ au point culminant du processus de mort, après la dissolution des éléments, des sens et des états de pensée, la nature ultime de l’esprit, ou Luminosité Fondamentale, est dévoilée l’espace d’un instant. 2/ puis le rayonnement de la nature de l’esprit se déploie et resplendit fugitivement en revêtant les apparences de sons, de couleurs et de lumières » (Sogyal Rinpoché, Le livre tibétain de la vie et de la mort, chapitre « le processus universel » p 446-447

L’enseignement tibétain propose une manière complètement différente de la nôtre d’appréhender ce processus. Le but est d’observer ce qui est révélé à chacune des phases de la mort (ils parlent de 3 niveaux d’être, les kayas). On a d’abord la nature absolue, dévoilée au moment de la mort dans la Luminosité Fondamentale (la Dharmakaya). C’est ce qu’ils  appellent la dimension de la vérité « vidée », c’est-à-dire non conditionnée, dans laquelle ni l’illusion ni l’ignorance, ni le moindre concept n’ont jamais pénétré. C’est un peu compliqué mais mérite méditation. Ensuite, on a le rayonnement intrinsèque de l’énergie et de la lumière qui se déploie spontanément dans le « bardo » de la Lumière Fondamentale (le Sambhogakaya). C’est ce qu’ils appellent la dimension « d’une complète félicité, d’une plénitude et d’une richesse totales », loin de toute limitation dualiste. Au-delà du temps et de l’espace. Enfin (et c’est ce que j’ai encore un peu de mal à comprendre complètement mais j’y travaille) il y a la sphère dans laquelle s’opère une cristallisation en une forme, révélée par le bardo du devenir (le nirmanakaya): « dimension de la manifestation incessante ».

A mon avis, ces 3 « kayas » font référence à 3 aspects de notre esprit d’éveil, et se réfèrent aussi à nos différentes capacités de perception.

 

Voilà pour ma vision tibétaine de la mort. Pour en revenir aux N.D.E., c’est sensiblement différent. Après le passage dans le tunnel (assimilable à la dissolution des bardos ?) la lumière englobe tout: Lumière Fondamentale, ou Claire Lumière ? le Livre des Morts Tibétain dit: « O fils, fille d’une lignée d’être éveillés... ton rigpa est luminosité et vacuité inséparables; il est telle une vaste étendue de lumière, au-delà de la naissance et de la mort. En réalité il est la Bouddha de la lumière immuable. »

Je parle de ça parce que je me demande aussi si la spirale qui entoure l’oeil et qu’il décrit comme une galaxie, ne serait pas une forme de cette lumière. C’est pour ça que je disais au début que j’aurai voulu connaître les détails de ces expériences.

Dans le livre de Margot Grey, Return from Death (p53) je lis dans un témoignage: « On éprouve la sensation de se trouver en présence d’un être, ou plutôt d’une sorte d’énergie, non pas une personne dans le sens d’une autre personne, mais une intelligence avec laquelle il est possible de communiquer. Pour parler de sa taille, je dirais qu’elle occupe tout l’espace devant soi. Elle embrasse absolument tout, on se sent enveloppé par elle. La lumière communique immédiatement avec vous, et dans une télékinésie instantanée, vos ondes de pensée sont lues, indépendamment du langage. Recevoir un message ambigu serait impossible (...) » et dans Melvin Morse, Des enfants dans la lumière de l’Au-delà (p172):  « Comme j’atteignais la source de la lumière, je pus voir à l’intérieur. Les mots du langage humain ne peuvent décrire ce que j’éprouvai devant ce que je vis (...) C’était toute l’énergie de l’univers, rassemblée à jamais en un seul lieu. »

Dans l’expérience de N.D.E., l’esprit, momentanément libéré du corps, connaît un certain nombre d’expériences qui rappellent celles du corps mental décrit chez les tibétains dans le bardo du devenir (1/expérience de sortie hors du corps 2/observation de ses proches et de son corps, dans l’impuissance 3/ forme, mobilité et clairvoyance parfaites). Dans le Livres des Morts Tibétains, le corps mental est décrit comme « un corps de l’âge d’or » , doué d’une mobilité et d’une clairvoyance quasi surnaturelles. De nombreux témoignages disent de leur côté que pendant une N.D.E. on dispose souvent d’une connaissance totale allant  « de l’origine jusqu’à la fin des temps » (kenneth Ring, « En route pour Omega, ed. Laffont 1991). Pourtant, au cours de plusieurs conférences auxquelles j’ai assisté, Nicole Druon était enseignée par les (ou l’unique et totale ?) entités lumineuses qui l’entouraient et l’enveloppaient, et que cette connaissance fut oubliée presque totalement après son retour dans son corps charnel.

Donc je pense que ce symbole, s’il est bien lié à la nécessité de profiter du voyage dans l’autre monde pour en tirer un message et un savoir à transmettre, fait état d’une connaissance non pas « encyclopédique » dirais-je, mais plutôt « intuitive ». Le sens prévaut sur la connaissance.

Ensuite, il arrive que les gens expérimentant une N.D.E. perçoivent une frontière, une limite, une sorte de point de non retour où ils doivent choisir de retourner à la vie (ou en reçoivent l’ordre de la présence de lumière ?). Ou encore sont ramenés d’office dans leur corps. Ce fait ne se retrouve pas dans l’enseignement tibétain (c’est vrai qu’ils ne parlent que de ce qu’il advient de ceux qui meurent vraiment). Pourtant, comme je disais plus haut, le Tibet parle de gens qui vivraient des expériences proches des N.D.E. que nous connaissons, les déloks, qui, dit-on, apparemment morts, passent dans l’autre monde, souvent accompagnés d’une divinité qui leur explique ce qui se passe, et reviennent à la vie au bout de plusieurs jours, chargés par le dieu de la Mort d’un message pour les vivants les « exhortant à la pratique spirituelle et les invitant à un mode de vie bénéfique » (Livre Tibétain de la Vie et de la Mort, p432)

Certains auteurs (tibétains) disent que la N.D.E. est « l’expression des phases du processus de dissolution qui a lieu pendant le bardo du moment précédant la mort ». D’autres la définissent plutôt comme un phénomène appartenant au bardo naturel de cette vie terrestre, parce que la conscience ne ferait que quitter le corps de la personne dite « morte » pour errer temporairement dans divers royaumes ou mondes parallèles ou au-delà. Comme on veut.

Les N.D.E., enfin, ont pour moi de grandes similitudes avec les états mystiques et les états altérés de conscience. Beaucoup de témoignages parlent de phénomènes paranormaux comme visions prémonitoires ou prophétiques, bien qu’au réveil ils ne se souviennent souvent que du fait qu’ils ont su plutôt que du savoir acquis lui-même, ou par bribes. D’autres parlent d’expériences qui rappellent l’énergie dite de la « kundalini » (dans la tradition hindoue, c’est l’éveil de l’énergie subtile qui peut faire survenir une transformation psychologique et physiologique, et l’union avec le divin (déf. Approximative de Sogyal Rinpoché).

 

Je t’ai donné mon avis « tibétain »; Bien sûr, l’aspect égyptien reste à explorer. Je tenais à te répondre assez vite, parce que je suis tellement débordée en ce moment que ça risquait de traîner un bon moment. Pas le temps de me plonger de nouveau dans le Livre des Morts égyptien, ni dans mes archives. Mais je suis certaine que d’autres le feront; Le symbolisme des l’oeil dans ce contexte-ci est plus évident.

De toute manière, je reste persuadée que pour l’interprétation des symboles, il n’y a que celui qui les a perçus qui puisse en trouver le sens. En lui-même.

Allez, je te laisse pour aujourd’hui.

 

Claire Panier ©

 


 

 

Autre point de vue sur le sujet (décidemment Jérémy......), celui de Serge Papy Le Guyader.... avec une longue lettre au détour de laquelle il commente le dernier numéro de MURMURES. Nous laissons en l’état.

 

 

                Quelques réflexions sur Murmures n° 0 - mars 95 :

               

                Sur la forme  : c'est assez professionnel. Bravo pour la page de couverture qui me plaît bien. Le mélange entre des textes en format pleine page et d'autres sur 2 colonnes n'est pas déplaisant. La typo est propre et facile à lire. En ce qui concerne ton ouverture à la publicité, j'approuve. C'est en effet une bonne idée, à partir du moment où elle reste contrôlable et contrôlée; mais je ne me fais pas trop de soucis à ce sujet .

                Sur le fond : de bons articles dans l'ensemble qui confirment d'ailleurs bien tes déclarations de ne pas cautionner ou publier de l'ésotérisme de bas-étage. Mais rentrons un peu dans le détail :

                - sur le texte de Thierry Deluc (Les Révélations de Glaaki...), on peut dire qu'il s'agit non seulement d'une bonne initiative, le sujet est en effet très difficile, mais aussi d'un bon article, peut-être un peu sommaire cependant. D'accord avec l'avertissement de l'auteur du début (page 5) et avec ce qui suit. A propos de " la doctrine ésotérique...de ses périples", j'ajouterai, chose que nul honnête homme ne peut plus ignorer, que si toute la culture et la religion hébraïque sont les héritières de quelques mystères de l'Egypte antique, elles le sont beaucoup plus encore des cultures et religions de l'ancienne Mésopotamie (Chaldée, Ur, Babylone, etc.) et que la Kabbale ne fait pas exception. Une grande partie des récits de la Genèse, du Déluge biblique et presque toute la Magie hébraïque viennent de l'ancienne Mésopotamie. Un regret quant à cet article : l'absence de toute comparaison de la Kabbale avec d'autres Voies spirituelles et d'autres enseignements ésotériques. Mais ce sera peut-être pour une autre fois. Pour ma part je ferai deux rapprochements : le premier avec la quête alchimique (cf. D&M n° 6) et le second avec l'organisation occulte de l'homme (cf. D&M n°7) bien connue des adepte du Yoga (chakras, canaux d'énergie, etc.). Il se trouve d'ailleurs que la Golden Dawn a contribué à développer la connaissance et la pratique des ces voies (Kabbale, alchimie, yoga) dans les milieux "symboliques" de la fin du 19è et du début du 20è siècle (cf. D&M n°8).

                -sur l'article de Claire Panier (Nécromancie Réfléchie...), que j'ai trouvé très original, on peut apporter un complément d'information pour ceux qui souhaiteraient approfondir la question. Il s'agit du petit livre de Sédir, "Les Miroirs Magiques" (Editions Télesma, 1987), assez difficile à trouver et qui donne quelques principes sur le sens magique authentique de l'utilisation des "miroirs" en divination.

                -sur le texte de Jéremy Berenger (Dialogue avec...), je dis magnifique, splendide, démentiel...!  On attend la suite ! Mais une question subsiste : entre l'authentique et la fiction, entre le réel et l'imaginaire où est la frontière exacte ? Quant à Vladislav Melek (Melek, Malek, Molock Baal...peut-être y-a-t-il un rapprochement à faire ?), je me souviens d'avoir eu entre les mains il y a quelques années un livre de poche écrit par un voyant américain et qui annonçait pour les années à venir les mêmes choses que notre mystérieux "homme Noir".

Intéressant aussi le texte sur Rennes le Château. Une erreur (page 25) cependant concernant la mention de l'ouvrage de Michel Lamy "Jules Verne, Initié et initiateur" (cf. D&M n°6 et n°8) : on ne sait pas si Jules Verne  a fait partie ou non de la Golden Dawn ni de tout autre ordre maçonnique ou rosicrucien. On ne peut donc rien affirmer dans ce sens. Toute précision sur ce sujet m'intéresse. Avis aux amateurs.  Je n'ai pas lu "Les Stances de Dyzan", donc pas d'avis. Excellent le poème de Jérémy. Déjà publié dans <<Poésie sur Seine>>, que je connais bien, mais ce poème m'avait échappé... honte à moi.

               

                Mon commentaire sur "Evasion vers un autre Ailleurs..." de J.Berenger :

               

                Après lecture du texte de JB, je poserai comme hypothèse de départ que l'expérience décrite , est authentique et a été effectivement vécue par lui, et non simplement rapportée ou inventée de toute pièce. Une "longue expérience" de ces questions m'a en effet confirmé dans l'idée que de nombreux "cas" n'étaient en fait que pures inventions de leurs auteurs sans aucun vécu personnel authentique.  Recevoir, identifier, authentifier et analyser ce type d'expérience est très délicat étant donné la part importante de subjectivité qui entoure tous les témoignages. Beaucoup de sujets croient avoir vécu quelque chose (dans beaucoup de domaine d'ailleurs) alors qu'ils ne font que transposer à leur propre personne des expériences vécues par d'autres. Ceci étant posé, j'ajoute que mon opinion et mes arguments ne prétendent pas être ceux d'un spécialiste en neurophysiologie, ni d'un médecin ou de tout autre thérapeute  qualifié. Il s'agit seulement de quelques réflexions émanant d'un habitué des analyses de phénomènes complexes, étranges et inexpliqués.

                On connaît maintenant assez bien les effets externes du processus de relaxation profonde chez l'homme, même si les mécanismes intimes échappent encore à la science. Les très nombreux rapports publiés depuis 1/2 siècle dans ce domaine dans les pays anglo-saxons, montrent que la relaxation "complète" (ce terme restant à préciser) du corps et de l'esprit mène toujours à des visions ou à des sensations analogues à celles décrites par JB avec, certes, de nombreuses variantes, mais où l'on retrouve des constantes et des caractéristiques communes à tous les sujets. Même les travaux les moins académiques, d'un Patrick Drouot [5] (en France pour appliquer cette méthode aux techniques  de régressions "dans les vies antérieures") sont assez concluants.

Pour comprendre et analyser ce qui ce passe effectivement, il faut d'abord distinguer les cas spontanés des expérimentations volontaires, où les moyens utilisés pour provoquer la relaxation totale, doivent bien être séparés des buts poursuivis à l'occasion de ces expériences.

                S'agissant des moyens, on peut parler de méthodes "douces" et de méthodes "dures" : les premières n'utilisent que la mise en condition psychologique par la voix et parfois la lumière pour modifier l'environnement sensoriel et mental du sujet; quant aux secondes elles sont généralement plus brutales : utilisation de substances chimiques, recours à l'hypnose, exercices yoguiques particuliers, moyens électriques ou d'autres moyens connus (messages subliminaux ?) ou inconnus agissant directement sur le corps ou sur les organes sensoriels. Bien entendu, il n'est pas dans mes intentions de juger ici de l'intérêt ou des dangers éventuels de tel ou tel procédé utilisé.

                En ce qui concerne le caractère spontané ou volontaire et les buts poursuivis par l'expérience, on peut faire les remarques suivantes :

                - les cas spontanés se manifestent par exemple à l'occasion d'une intervention chirurgicale, d'un accident quasi mortel (d'où le terme de NDE : near death experiment, utilisé par le Dr Moody vers les années 60), ou simplement après un gros effort physique lors d'une épreuve sportive. Mais on constate généralement différents degrés dans les expériences vécues.

                - les cas volontaires permettant des expériences dirigées en vue d'un objectif prédéterminé correspondent le plus souvent aux catégories suivantes : régression dans "une vie antérieure", "déplacement dans l'astral ", recherche de la connaissance d'un événement lointain dans l'espace ou le temps, tentative de "dépassement" lors d'un rite initiatique, etc. Ils s'appuient donc sur un préjugé (vrai ou faux) à la différence des expériences spontanées.

                Dans tous les cas de figure, il importe de faire la part entre les "sensations" ressenties qui relèvent incontestablement  de manifestations neurophysiologiques et leurs "interprétations" qui elles relèvent de facteurs culturels ou religieux. Les sensations sont toujours subjectives et personnelles, donc sujettes à caution. Par contre, leur identification par des appareils sont toujours objectives, mais les interprétations données restent à leur tour sujet à caution par manque de certitude scientifique. Les théories existent, certaines depuis la nuit des temps, d'autres sont plus modernes. Mais entre les théories et l'expérience, il y a un fossé pour ne par dire plus qui sera long à franchir.

                Prenons le cas JB. Il dit au §4 page 1  : <<Le phénomène se produisit de manière totalement imprévisible. J'eus conscience de dépasser le stade de relaxation auquel j'étais habitué. Je me sentis littéralement m'élever au-dessus de mon lit, (...)>> la sensation décrite est très classique et fait l'objet d'une interprétation bien affirmée des occultistes : le dédoublement astral (cf. mon texte "Premier voyage", D&M n°6 et mon article sur sujet dans Murmures). Cette "certitude" n'empêche pas la correspondance avec des phénomènes neurophysiologiques concomitant à l'expérience. L'important est donc de bien définir de quoi l'on parle. Même problème avec les Ovnis : nul aujourd'hui ne peut plus nier la réalité du phénomène; par contre, de nombreuses interprétations sont encore possibles. A ce propos, il est utile de citer ici le n°932 (mai 95) de Science &Vie où justement vient de paraître un article intitulé "Ovnis , enquête sur une nouvelle piste" (il s'agit de la piste neurophysiologique, précisément) qui présente aussi l'intérêt d'éclairer sous un jour nouveau les phénomènes qui nous occupent.

                - Un autre aspect de la difficulté à appréhender scientifiquement ces faits est l'impossibilité dans beaucoup de cas, de séparer les causes de leurs effets et les différentes phases dans les effets. Cela est vrai tant au niveau neurobiologique que dans la compréhension des mécanismes de la théorie "du corps astral". Les comparaisons avec l'études des rêves et aussi avec l'étude des effets des drogues sur la conscience, etc... seraient d'un grand secours. Je suis d'ailleurs persuadé que de telles études ont été menées dans ce sens depuis plus de 20 ans,  notamment par les militaires (voir à ce sujet l'ouvrage de Ernst Meckelburg, chez Belfond : Les armes secrètes PSI, Paris 1986).

                Si l'on se réfère aux théories ésotériques et orientales du mysticisme, on apprend que l'être humain n'est pas seulement constitué d'un corps biologique, mais aussi au moins deux autres corps plus subtiles et vraisemblablement non matériels à savoir le corps dit "astral" et le corps dit "bouddhique" ou âme.  Sur ces notions complètement invérifiables en l'état de notre science, se greffent les termes d'esprit, de psyché, de psychisme et même d'Ego etc... Il faut prendre tout ça comme un modèle, ou mieux comme un système de modèles causals. Cela n'empêche pas d'analyser les mécanismes biologiques (apparents) à travers les concepts et les outils de la neurobiologie. Encore une fois les faits et les interprétations sont distinctes. Les cartes d'une région et la région elle-même ne sont pas la même chose !

               

                En conclusion, le témoignage de JB, relève autant de l'étude de la parapsychologie (= étude scientifique des phénomènes psy) que de l'ésotérisme et des diverses croyances religieuses et occultes, mais aussi de la médecine et de la psychophysiologie  prise au sens le plus large. Une attitude scientifique consiste à ne rien rejeter à priori et à considérer le modèle ésotérique (ou occultiste) comme un modèle interprétatif des causes (et non explicatif des effets), et l'approche neuro comme un modèle explicatif des effets biologiques (et seulement ceux-là !).  J'espère que je n'ai pas été trop chiant.

 

Réflexions complémentaires :

 

J'ai oublié de parler du dessin. de JB.  Cet oeil qui fait immanquablement penser à l'oeil d'Horus mais aussi aux yeux des statues ou des figurines babyloniennes, correspond, je pense, à l'archétype du MOI. C'est une image de l'Oeil intérieur , celui qui donne la vision vraie des choses. Pour la tradition ésotérique, - mais on n'est pas obligé d'y croire -, il s'agit de l'aspect spirituel (en fait psychique et spirituel) de la glande pinéale (siège physiologique dans le cerveau du 3è Oeil, ou encore chakras n°6, celui dont on dit qu'il correspond au 6è sens,... vous savez ce fameux sens personne n'avoue mais que  tous -ou presque- reconnaissent en secret !) Pourquoi l'Oeil apparaît-il à ce moment là ? Certainement pour des raisons neurobiologiques. Cet oeil étant un symbole, celui-ci se manifeste justement dans les moments de transition de conscience, et non dans les moments de stabilité nerveuse. D'où le fait que les médiums sont souvent des gens nerveusement déséquilibrés, et que les personnes ordinaires dans leur vie ordinaire ne peuvent ressentir ou avoir de telles visions. Il faut pour l'homme ordinaire, une situation exceptionnelle, inhabituelle, par exemple transitoire ou exacerbée. La relaxation profonde est une situation transitoire, inhabituelle. Bien entendu, on peut toujours attribuer à ce symbole la signification que l'on voudra, et personne (sauf un Maître authentique) ne pourra confirmer ou infirmer telle ou telle interprétation du symbole; c'est d'ailleurs pourquoi les ordres initiatiques gardent (moins aujourd'hui qu'autrefois) le secret sur leur symbolique et leurs rites; afin notamment d'éviter une banalisation qui mène toujours à une perversion et à une dégradation. Reste que de mon point de vue, l'image perçue par JB me paraît à la fois très classique (et c'est bon signe !) et à la fois très personnelle. C'est le symbole du MOI  qui cherche à être identifié. Cela prouve (toujours de mon point de vue) que JB est sur la bonne Voie. Mais il reste encore du chemin à faire pour atteindre un second degré d'éveil (Eveil).

 

 

Serge Le Guyader ©

 

 

 


 

Les Témoins d’Ulthar


Et pour terminer ces « témoignages », la parole (encore) à Serge Papy Le Guyader(toujours), sous forme d’une interview....... Serge, est-il besoin de le rappeler, est un collaborateur fidèle de l’Oeil du Sphinx. Il vient de lancer son propre fanzine, APOCALYPSE NOW, dont le premier numéro a été adressé gratuitement à tous les abonnés de MURMURES.

 

 

Serge Le Guyader

The Esoteric Man

 

 

LE GARDIEN : Cette fois ça y est Papy, on te tient et on ne te lâchera pas avant de tout savoir. Alors commencons. Fasciste, " homme à abattre du fandom ", le moins que l'on puisse dire c'est que tu t'es illustré dans le monde de la small-press. Alors classons les questions. Pour commencer, qui es-tu dans le civil ?

 

SLG : né le 12/09/43, j'ai donc aujourd'hui plus de 51 ans ce qui fait que pour beaucoup d'amateurs de fanzines, je suis un vieux. Mon père était breton des côtes d'Armor (il est mort l'an passé). Bien que né à Nemours Seine-et-Marne, je me sens plus breton qu'autre chose. Pour le reste, si j'étais franc, je dirais que dans le civil,  je ne suis plus rien du tout. Car le "civil", moi connais pas ! Mais comme je suis un menteur, alors je vais faire un aveu: on croit que je suis ingénieur-économiste, actuellement sans poste comme disent pudiquement les bourgeois de ce monde. En fait au chômage "actif" depuis deux ans. Eh bien c'est faux ! Car, je suis ..., je suis..., mais ai-je le droit de le dire ? Mais il faut quand même vivre. Alors je donne des cours ou des formations (informatique, math et économie) à droite et à gauche, mais surtout à droite. A part ça, j'ai un garçon de 17 ans, fanatique des jeux video (hélas !) et de Star Trek et une gentille femme très attentionnée qui s'intéresse beaucoup à la spiritualité. Comme moi.

 

LE GARDIEN : Comment un quinquagénaire peut-il débouler tout d'un coup dans le milieu de l'écriture. Une passion trop longtemps refoulée ? Tu sembles être à la fois boulimique et pressé, au point que l'on te reproche parfois amicalement de faire preuve d' Aritonite.  Je vais te dire le fond de ma pensée. Nombre de tes textes fleurent bon les sixties. Tu sembles vouloir prendre une revanche sur le temps et mettre à jour par le biais du fandom tes " trésors de jeunesse ". Je me trompe ?

 

SLG : ah ça , comment t'as deviné ? C'est vrai, j'avoue tout  m'sieur le juge ! (J'allais dire m'sieur l'agent!).  J'ai commencé à écrire mon journal intime à l'âge de 15 ans (en été 1958 pour être précis) alors que je savais à peine écrire (tu me diras que ça n'a guère changé). J'ai fait l'erreur ensuite de le montrer à mon père (grand érudit en matière juridique et littéraire), il s'est moqué de moi, et m'a traité d'ignare(entre nous, il n'avait pas tout à fait tord). Faut dire qu' à l'époque, nous voyagions beaucoup (il était diplomate) et que mes études en souffraient particulièrement. Alors pour lui, écrire un journal c'était une perte de temps. Mais j'ai quand même continué. Ma mère, plus compréhensive, m'encouragea un peu. J'y mettais mes impressions sur des questions d'ordre privé ou  des événements extérieurs, quelques poèmes écrits d'un jet, de petits contes fantastiques, et d'autres tentatives de romans ou de nouvelles...Puis sont venus des réflexions philosophiques et diverse notes de lecture ou articles sur des sujets divers etc. Tout ça dure donc depuis plus de 35 ans, avec  théoriquement en moyenne une page (manuscrite) par jour. Le compte est facile à faire : 365j x 37 ans = 13505 pages au total !! En vérité je n'ai pas encore vraiment compté. Il y en a certainement beaucoup moins. En 1988, quelqu'un (je ne me souviens plus qui )  lisant mon journal,  le trouva génial et prophétique (aïe le chevilles !) et me conseilla d'en extraire les textes romanesques (poèmes, contes et nouvelles) et de les publier. La suite, m'sieur l'agent, pardon, m'sieur le juge, vous la connaissez : j'ai envoyé un premier manuscrit (Contes & Nouvelles de l'Au-Delà) à plusieurs grands éditeurs parisiens qui me l'ont refusé, comme de bien entendu. Par contre, les cinq éditeurs à compte d'auteur m'ont fait de très allèchantes propositions...pour leur bourse, mais pas pour la mienne. Puis Ô miracle (si l'on peut dire) un jour de ... 1992 je tombe sur une pub de D&M dans la revue nantaise "Ecrire Aujourd'hui". J'ai tenté ma chance, et...ça a marché. Bien que je sois un lecteur passionné de SF et de fantasique depuis mon enfance, je connaissais très peu le monde du fanzine de littérature et de poésie (sauf peut-être à travers la BD dont je suis un grand  amateur).

 

LE GARDIEN : Quels sont les écrivains qui t'ont le plus marqué ?

 

SLG :  assez jeune,  ça a été comme tout le monde, Jules Verne et Hergé; un peu plus tard Edgard P. Jacobs, dont je reste aujourd'hui un très grand admirateur, et enfin beaucoup plus tard (dans les années 60) Lovecraft, le très puissant Lovecraft et Gustave Meyrink, très méconnu en France. Mais je crois qu'en disant cela je ne t'apprends rien. Il y a aussi Baudelaire, Antonin Arthaud, Victor Hugo et Camille Flammarion et,  d'une autre manière les philosophes et mystiques indiens.

 

LE GARDIEN : Quelle est ton opinion sur le fandom français ? Un milieu où tu te sens bien ? Un carrefour d'échanges ? Ou le débouché confidentiel à ton trop plein littéraire ?

 

SLG :  je trouve ce milieu extraordinaire, mais ce qui m'agace le plus dans l'univers du fandom, c'est sa dispersion. Je le dis comme je pense. Il y en a trop. Moi, j'aime l'exhaustivité, j'y peux rien, c'est mon âme de collectionneur qui ressort, et le collectionneur aime tout voir, tout connaître d'un sujet, même si c'est parfaitement utopique ou aberrant. Or la dispersion contrarie cette vocation. Ceci dit, je trouve que c'est un univers fascinant qui répond assez bien aux deux besoins que tu cites. Je m'y sens bien mais je n'occupe pas encore assez le terrain, comme d'autres qui l'envahissent carrément, si vous voyez de qui je veux parler. J'ai donc encore du boulot littéraire et relationnel en perspective. Merci d'avance de votre bienveillance à tous, les gars !

 

LE GARDIEN : Venons en à l'essentiel, l'ésotérisme. Comment en es-tu arrivé à flirter avec les arcanes ? Une démarche de jeunesse ou une affaire plus récente ?

 

SLG :  dois-je dire la vérité, au risque de me compromettre davantage ?  Alors, oui,  je ne nie pas :  je suis un authentique disciple (pur porc) du "Matin des Magiciens". Ca date de 1961. Pour me récompenser d'avoir eu mon bac, mon père, ultra rationaliste, m'offrit sans l'avoir lu (quelle erreur !) le précieux ouvrage de Pauwels et Bergier, croyant me divertir. Que n'avait-il pas fait là ?!  Et c'est après la lecture de ce livre que ma vie toute entière a basculé. Moi, marxiste-léniniste de 18 ans, épris d'imaginaire certes, mais aussi de science et de matérialisme, me voici brusquement envahi par un doute profond sur la véracité de nos connaissances et touché par le cyclone du mysticisme et du new-âge (le Lsd , Castaneda et Marcuse ne sont d'ailleurs pas loin). Des civilisations disparues (j'ai très tôt été  fasciné par l'Atlantide) à la cosmogonie du nazisme ( théorie de la Terre creuse de Horbiger) en passant par le Yoga, les pensées orientales jusqu'aux littératures différentes, mon esprit, un peu fragile, il faut l'avouer, s'est trouvé brutalement en situation de déséquilibre et mes certitudes métaphysiques ou religieuses ont chaviré. Depuis, je cherche et me forge une autre conception du monde. Car maintenant je sais que ce l'on voit, n'est qu'une apparence, derrière laquelle se cache une Réalité Universelle qui reste à découvrir pour chacun de nous. Celle-ci  est à l'intérieur de nous-même et non à l'extérieur, comme veut nous le faire croire une vision matérialiste de l'univers et de l'histoire. Ceci étant je n'interdis à personne de penser autrement.

 

LE GARDIEN :  La difficulté, lorsque l'on aborde le sentier, c'est de ne pas se disperser, bref de suivre une méthode sérieuse. Quelle est la tienne ?

 

SLG :  tu as parfaitement raison. La dispersion, ici encore, c'est l'ennemi. Au début, (il y a donc une trentaine d'années) j'avais tendance à faire du syncrétisme. Aujourd'hui j'accorde ma foi religieuse à ma quête ésotérique en suivant ce qu'on pourrait appeler l'ésotérisme chrétien (Eglise de St-Jean), bien que cette expression soit par trop réductrice. D'où mon intérêt pour la Rose+Croix et la Maçonnerie, mais pas exclusivement. Le Yoga me reste d'un grand secours. Quand à l'Alchimie, qui elle aussi me fascine, mais c'est une voie très difficile, qui  pourtant, peut être beaucoup plus rapide qu'on ne le croit généralement. Bref, je dirais à l'instar de mes amis et frères hindous : de nombreuses voies, mais un seul but;  le plus dur c'est de choisir et de s'y tenir.

 

LE GARDIEN : Ton expérience est-elle positive. Que t'a apporté l'ésotérisme ?

 

SLG : en tout état de cause, très positive. Non seulement cette expérience a changé ma vision du monde mais elle m'a rapproché des autres et de Dieu. Et vous allez rire les uns et les autres, mais elle m'a aussi rapproché des écologistes, comme elle m'a rendu plus tolérant vis-à-vis des adeptes des autres confessions ou religions; elle m'a même fait rencontrer le Diable un jour. Et je crois savoir maintenant quelle est la vraie nature de ce dernier et son véritable rôle ici bas. Bien qu'il reste le suprême piège à con, il ne me fait plus peur. C'est pourquoi j'écris parfois sur lui ou à propos de lui.

 

LE GARDIEN : Nombre de chercheurs sortent déçus de leur expérience. Ils n'ont rien trouvé. As-tu rencontré le surnaturel, l'extraordinaire...... ?

 

SLG :  déçu ? C'est normal, une fois, deux fois,... n fois ! Mais l'univers est infini. Les possibilités sont multiples, et plus on avance, plus c'est dur, car l'Autre, celui que je viens d'évoquer, nous met des battons dans les roues. Il est là pour ça ! Il faut donc continuer sa route,  persévérer, et la Lumière viendra. C'est ma certitude.  Par trois fois,  il m'a été donné d'entrevoir la Lumière.  Maintenant (depuis quelque temps déjà) je suis retombé dans le Noir. A moi de travailler pour affermir encore mon esprit,  affiner mon jugement, polir ma pierre, jusqu'à ce qu'elle devienne vraiment cubique; elle est encore toute de travers et pleine d'aspérités. Alors la grâce viendra. Ne dit-on pas justement que lorsque  l'élève est prêt, le Maître arrive ? C'est alors qu'il passe réellement de l'état d'élève à celui de Disciple. Mais le chemin est long et le labyrinthe plein d'embûches.

 

LE GARDIEN : On dit que tu as fondé une association, Ciel et Terre, mais au sujet de laquelle tu te montres généralement très discret. Peux-tu nous en dire plus aujourd'hui ?

               

SLG :  c'est vrai, j'ai fondé une association intitulée  Ciel & Terre. Cette dénomination comme tu le vois est assez explicite. Bien entendu, elle ne s'adresse pas aux rationalistes purs et durs qui n'ont rien à faire avec l'ésotérisme. Par contre elle se révèlera prochainement, à un public plus large...quand le moment sera venu. L'heure, c'est l'heure, avant l'heure...tu connais la chanson. Pour l'heure C&T  met en place un centre de documentation francophone (ilsera aussi anglophone plus tard) sur la littérature de l'imaginaire et les sciences ésotériques et occultes. Un département de ce centre sera spécialisé dans la parapsychologie théorique et expérimentale (les Rosicruciens ont déjà un centre de ce type en Californie) et un autre dans la récupération des archives et l'études des affaires d'Ovni. Une publication périodique est envisagée dans quelques temps, qui pourrait être associée à D&M., si Old Marlinus est OK. Pour avoir des renseignements sur les conditions d'adhésion, écrire à l'adresse suivante en joignant 2 timbres : Ciel & Terre 23, rue Henri Régnault - 92210 St-Cloud.

 

LE GARDIEN : Quels sont tes projets ?

 

SLG :  mes projets ? Si tu savais ! J'en ai tellement que ça en devient loufoque.  Mettre à jour mon énorme journal, retapper les nombreux textes qui y sont enfouis et les proposer à D&M (ou à d'autres) pour publication. Achever...enfin,  le roman que j'ai en chantier sur le retour de Monte Cristo,  rédiger au propre mon "Journal d'un Extra-terrestre",  me mettre sérieusement à mon projet de roman intitulé "Jurrasic Man"; etc, etc, et arriver à gagner ma vie. C'est peu dire que j'ai du pain sur la planche. C'est plutôt un fournil tout entier. Malheur à moi si je faiblis. Bonheur si je réussis. Telle est la loi de la jungle. Ma devise est celle de RamaKrishna : 

 

"Toute âme en puissance est divine.

Notre but est de manifester le divin qui est nous,

En maîtrisant la nature extérieure et intérieure.

Parvenons y par le travail,

Par l'adoration, par la maîtrise de l'esprit

Ou par la philosophie.

Par l'une ou l'autre de ces voies,

Et soyons libre.

C'est là toute la religion.

Les doctrines, les dogmes, les rites,

Les livres, les temples et les formes,

Ne sont que des détails secondaires."

 

 

LE GARDIEN : Merci Serge et bonne chance.

 


 


Bibliographie de SFLG

 - Excursions Poétiques Tome I (recueil de poèmes auto-édité signé Fr. Tisserand), 1989

- Mirage (conte prophétique); Le Message du New Age n°6, décembre 1990 (SER)

- Premier Voyage (récit mystique); D&M n°6, Mars/Avril 1993

- Le Parchemin Maudit (nouvelle); Les Manuscrits d'E. Derby, D&M supp. HS n°1, jan/fév 1993

- Histoires Extraordinaires (recueil de nouvelles auto-édité), 1993

- L'Affaire Charles Stranton (nouvelle); Creeps n°1, octobre 1993

- In Humanum Aeterne (conte, 1ère version signée René Gildas); Creeps n°2, novembre 1994

- Un Soir Ailleurs (conte); Kaotic n°10, nov. 1994 déc. et Miniature n°21, jan. 1995

- Cybernétique (conte); Morsure 4è Volume, frévrier 1995

- La Pierre Noire (sous le titre La Pierre Mystérieuse et signé slg12943); Morsure 4è volume, février 1995

- Articles & Notes de Lectures, Mai 1995, recueil N°2 regroupant des articles sur le fantastique, l'ésotérisme et la spiritualité publiés dans diverses revues et fanzines.



[4]   Eric ZURCHER dirigea le Cercle de Recherces Ufologiques Niçois (CRUN) dans les années 70. Ol est l'auteur d'un intéressant ouvrage "Apparitions d'humanoïdes" (paru aux Editoons Lefeuvre, aujourd'hui épuisé) où il tentait d'établir une nomencalture de toutes les sortes d'humanoïdes obsservés autour des lieux d'atterrissage d'OVNIS, sans concéder au sensationnel. Esprit zététique (cultivant l'art du doute), profondément réfractaire à toute croyance, Eric ZURCHER a abandonné ses activités de chercheur. Il se consacre désormais à la peinture, à la sculpture et à son école d'Aïki-do. 

[5] cf. Aux Editions du Rocher : " Des vies antérieures aux vies futures", "Nous sommes tous immortels" et "Guérison spirituelle et immortalité".