Les Révélations de Glaaki...

Les fidèles de nos publications connaissent bien notre ami belgo-australien, Adam Possamaï. Chose promise, chose dûe, nous commencons dans ce numéro la publication de son travail fort érudit sur.....

La Société Théosophique

Adam Possamaï ©

            La Société Théosophique (ST), fondée en 1875 à New York par Héléna Blavatsky et Henry Olcott, proclame être une présentation moderne d'une ancienne et universelle "sagesse-religion" qui se serait transmise à travers les âges.

            La série d'articles qui suit est un résumé de mon mémoire de fin d'études en sociologie, présenté à Louvain-La-Neuve (Belgique) en juin 1994, et tente de donner un apperçu de ce qu'est la ST. J'ai voulu par cette étude mettre bas les masques de la surinformation événementielle à propos des sectes qui brouille les esprits, fait confondre les divers mouvements et occulte les différentes identités.

             Cinq parties, allégées de la "lourdeur" sociologique pour les lecteurs de "Murmures d'Irem", se présentent ainsi:

            I   - Descriptions de la ST contemporaine.

            II  - Le message de la ST.

            III - Histoire de la fondation de la ST.

            IV  - La progéniture de la ST.

            V   - Conclusion.

               Nous publions dans ce numéro les deux premières parties. Suite au prochain numéro... 

I - Descriptions de la ST contemporaine.

1 - La ST belge.

            Voici la description d'une ST nationale visitée et étudiée: la ST belge.

            Le siège de la Société Théosophique (ST) Belge A.S.B.L. est établi au 51, rue du commerce, 1040 Bruxelles, à quelques dizaines de mètres du palais royal de Laeken.

            La ST dispose du rez‑de‑chaussée et du second étage d'un large bâtiment et loue les deux autres étages au doyen de la ST belge: un artiste peintre vieux d'une quatre-vingtaine d'années. Le premier étage comporte une bibliothèque, qui fait également office de salle de cours, et qui est mitoyenne à une salle de conférence. Des tableaux de théosophes charismatiques ornent les murs et sourient comme en une réponse à un regard.

            La ST belge organise tous les samedis à 16h30 une conférence publique dont les thèmes -étant des leitmotive du message de la ST- varient du yoga à la physique quantique en passant par foule d'autres choses[1]. Deux fois par mois, la secrétaire de la ST belge donne un cours d'initiation à la théosophie. Ces deux activités sont ouvertes non seulement aux membres, mais également aux curieux en tous genres.

            Ce sont à ces occasions que sont vendus des livres des Editions Adyar, 4, square Rapp, 75007 Paris. Ces livres sont imprimés -pour certains- et distribués par la ST de France qui publie également la revue théosophique française: "Le lotus bleu". Cette revue traite d'études sur les grands problèmes de la vie et les interprête selon le paradigme de la ST. Elle contient également des articles traitant de sujets spirituels contemporains.

            La ST est divisée en différentes branches[2] dont les activités consistent essentiellement en l'étude spirituelle et sont accessibles à tous les membres. Ainsi, à Bruxelles, il existe quatre branches.

            - La branche Blavatsky où l'on étudie la théosophie[3] de la ST.

            - La branche centrale où l'on discute de la pensée de Krishnamurti[4].

            -  La branche de Bruxelles où l'on donne des cours d'astrologie.

            -  La branche lumière où l'on étudie les "Yoga‑sutras" de Patanjali.

            Se donnent également des cours de sanscrit. Une invitation à la discussion sur la vie par les "Rencontres vers le bonheur" est organisée par l'artiste peintre mentionné supra.

            Il existe également des branches théosophiques à Gand, Anvers, Charleroi et Liège qui offrent selon les désirs des membres et la disponibilité des "animateurs" d'autres loges.

            Pour devenir membre de la ST, il suffit simplement d'accepter de former un noyau de fraternité universelle, sans distinction de race, de credo, de sexe ou de couleur, et sans pour autant prêter de serment quelconque. Quant au reste, le membre peut appartenir à n'importe quelle obédience religieuse et n'est en aucune façon obligé de croire en l'enseignement de la théosophie. Il peut même renier tous les enseignements et rester à la ST. A son entrée, le membre ne doit répondre à aucune question si ce n'est son nom et adresse.

            Les revenus de la ST sont issus du loyer de la maison, des cotisations des membres (1400 FB par an) et des cent FB qui sont percus par personne lors de chaque conférence publique. Certains membres ont fait par le passé des dons importants qui ont, par exemple, permis d'acheter l'immeuble.

            La ST est administrée par un Conseil d'administration composé d'un minimum de trois membres et d'un maximum de quinze. Ces membres sont élus par l'Assemblée génerale pour une durée de trois ans. Le conseil se réunit chaque fois que les intérêts de la Société l'exigent, sur la convocation du Secrétaire général ou sur la demande d'un tiers au moins des membres du Conseil. Toute décision n'est valable que si la moitié des membres est présente et que si le vote obtient majorité. La voix du président est prépondérante en cas de partage des voix. Le conseil élit ses membres aux différents postes que voici: secrétaire général, secrétaire général adjoint, secrétaire du conseil d'administration, trésorier, deux commissaires aux comptes, gérant du bâtiment, libraire‑bibliothécaire, délégues régionaux, et suppléant. Ce dernier est chargé d'assurer les interims en cas de vacance de fonction. Les membres en poste à chaque fonction ne sont pas rémunérés et sont par conséquent bénévoles. Ils seront néanmoins remboursés de leurs déplacements occasionnés par l'exercice de leur fonction.

            L'Assemblée Générale, qui comprend la totalité des membres d'une ST nationale, a lieu chaque année dans le courant du mois de juin. Celle‑ci peut être également réunie extraordinairement chaque fois que l'intérêt social l'exige et qu'un cinquième au moins des associés en fait la demande.

            Par le fait de proposer une organisation démocratique sous la forme d'une A.S.B.L., la ST a dû lutter pour faire face à des tentatives de prise de pouvoir par d'autres mouvements spirituels. "Et il est arrivé dans d'autres pays que des mouvements se soient infiltrés et aient absolument absorbé, c'est‑à-

dire pris l'identité de la ST. Et puis ils ont fait tout ce qu'ils voulaient dans la maison parce que légalement c'était eux qui avaient tout à dire, et les autres plus rien"[5]. Nous verrons plus en détail ces groupes dans l'article traitant des héritiers de la ST.

2 - Les relations des ST nationales avec la ST internationale.

            Une société nationale ne peut être formée que si elle dispose d'un minimum de sept branches et de 70 membres dans son pays.

            Chaque sociéte nationale dispose d'un secrétaire général qui est le canal de communication entre la société nationale et le Conseil Général de la société internationale dont le quartier se trouve à Adyar en Inde.

            Le Conseil Général d'Adyar est le corps gouvernant de la ST internationale. Un minimum de sept membres de ce Conseil résident en permanence à Adyar. Avec les membres non-permanents, celui‑ci est composé du Président (élu pour un mandat de sept ans), du vice­ président, du trésorier (qui récolte 15% des cotisations des membres du monde entier), du secrétaire et de tous les secrétaires généraux de chaque section nationale, et également d'autres membres de la ST d'un nombre compris entre cinq et douze. Le Conseil Général se réunit une fois par an à l'occasion de la convention annuelle de la ST ou à l'occasion d'une séance extraordinaire.

            En Inde, la ST internationale se situe dans un immense parc, au bord de la mer. A l'interieur est entretenu un jardin botanique qui semble ravir les visiteurs. "C'est formidable! Il y a des lieux de cultes de toutes les confessions, dans Adyar même: pour les catholiques, les bouddhistes, les hindouistes. Il y a même un temple maçonnique. (...) A l'intérieur, il y a une immense bibliothèque. C'est assez impressionnant. Il y a beaucoup de gens qui viennent pour faire des recherches sur de vieux manuscrits"[6]. Dans le parc, les visiteurs sont protégés de l'extérieur par une enceinte. Le soir, les portes sont fermées et des gardiens veillent à la sécurité.

            Chaque membre de la ST en visite en Inde est considéré comme brahmane et est de ce fait respecté par la population indienne comme dignitaire de la caste religieuse.

    [1]   Il y a quelques mois, la ST de Melbourne présentait même une conférence sur les O.V.N.I. et l'alchimie.

    [2]   Le mot branche est employé ici comme synonyme de loge.

    [3]   Il existe bien entendu d'autres théosophies, mais là n'est pas le propos de cet article.

    [4]   Nous y reviendrons au point IV.

    [5]   Extrait d'interview. Remarque: l'anonymat des diverses personnes de la ST belge interviewées est ici respectée.

    [6]   Extrait d'interview.

 

Voici la répartition des ST nationales dans le monde en 1991. 

Nombre total de loges 

1,109 

Nombre total de membre en 1990

 31,517 

Nombre total de membre en 1991

 32,314 

Section nationale

Nomb. de loges

Nomb. de membres 

1. Afrique centrale et de l'est

21 

714 

2. Afrique du sud 

309 

3. Afrique de l'ouest  

13

378 

4. Amérique centrale 

35 

5. Argentine 

21 

468 

6. La côte sud de l'Asie

 2 

75 

7. Australie 

13 

1409 

8. Autriche 

187 

9. Belgique 

145 

10. Bolivie

8

75 

11. Brésil 

33 

1003 

12. Canada  

9

231 

13. Fédération du Canada

8

61 

14. Chili

63 

15. Colombie

9

130 

16. Cuba  

14 

561

17. Danemark

1

20 

18. Angleterre

57

1650 

19. Finlande

21

496 

20. France

31

 774

21. Allemagne, Ouest

254 

22. Grèce

7

169 

23. Islande 

9

453 

24. Inde

442

 10608

25. Indonésie

18

547

26. Irlande du nord

3

43 

27. Irlande, Rep.d'

1

21 

28. Italie

48

1,205 

29. Mexique

16

340 

30. Myanmar

--

31 

31. Pays-Bas 

16 

637 

32. Nouvelle Zélande

16

1,782 

33. Norvège

-- 

55 

34. Pakistan

5

211

35. Pérou

2

34 

36. Philippines

14

462 

37. Portugal

12 

282 

38. Puerto Rico

180

39. Écosse

5

158 

40. Espagne

14

336 

41. Sri Lanka

8

19

42. Suède

6

200 

43. Suisse

145 

44. U.S.A.

138

  5,011 

45. Uruguay

5

71 

46. Venezuela 

3

42 

47. Pays de Galles

2

73 

48. Yougoslavie

3

 68 

49. Loges attachées à Adyar 

4

124

 
Total 

1 .109 

32.314

 

 

 

3 - Les membres et curieux de la ST belge[1].

            Selon l'échantillon, c'est-à-dire 63 membres et non membres qui ont répondu à un questionnaire, nous pouvons découvrir de prime abord le portrait du théosophe belge:

AGE MOYEN:             57 ans

SEXE:                          Femme: 63%         Homme: 37%

 NIVEAU D'ETUDE:   Universitaire: 37% Supérieur: 29%

                                      Sec.supérieur: 33% Sec.inférieur:2%

 PROFESSION:          Employé: 39.7%     Fonctionnaire:8.6%

                                      Prof. libérale:10% Retraité: 28%

                                      Enseignant: 1.7%   Sans prof.: 3.4%

                                      Chomeur: 1.7%      Prof. art.: 5.2%

                                       Indépendant: 1.7%

     Nous apercevons que la moyenne d'âge à la ST belge est de 57 ans, parce que "ces personnes ont le temps d'étudier (...) Les jeunes ont une vie qui est difficile actuellement et ils sont plus rarement stables. Ils viennent pendant un certain temps, puis ils reviennent éventuellement. Mais de toute façon, il faut avoir le temps d'étudier la théosophie pour y trouver plus que simplement le fait de venir écouter les conférences. Il y a donc une majorité de membres qui ont plus de 60 ans"[2]. Il serait bien évidemment intéressant de pouvoir comparer cette moyenne avec celle des autres ST nationales.

            Comme nous le verrons dans la seconde partie de cet article, la ST promulgue des valeurs féminines à travers le mythe d'Isis, ce qui explique la grande majorité de femmes au sein de la ST.

            Le niveau d'étude est élevé chez les membres de la ST. De plus, étant donné qu'ils ont en moyenne 57 ans, nous pouvons supposer qu'ils ont été éduqués avant la démocratisation de l'enseignement de l'après‑guerre. Ce qui veut dire, qu'à cette époque, un niveau secondaire supérieur était très valorisé, et par conséquent considéré comme un niveau assez élevé d'éducation.

            La majorité des professions chez les non‑retraités se situe chez les employés, les profession libérales et les fonctionnaires, c'est‑à‑dire des métiers favorisant un savoir-faire intellectuel.

            Nous pouvons donc conclure que le théosophe belge est en majorité du sexe féminin, qu'il est d'un âge proche de la soixantaine et qu'il appartiendrait à une classe moyenne supérieure venant d'un milieu scolaire relativement élevé.

            Après le dépouillement d'un questionnaire, dont nous passons sur les détails sociologiques pour ne pas alourdir cet article, nous remarquons que c'est surtout l'enseignement et l'éthique de la ST qui intéressent les gens. Suivent ensuite les objectifs (c'est‑à‑dire les trois buts que l'on verra bientôt) et l'aide que la ST peut offrir au chercheur dans sa quête individuante du spirituel. De cette aide, quelques personnes seulement comptent sur la ST pour qu'elle leur donne un sens à leur vie. Nous apercevons que peu de personnes sont motivées de se rendre à la ST en raison de ses figures charismatiques ou d'une certaine ambiance.

            Tout ceci montre que la ST n'est pas un lieu de rites et de spectacles en tous genres, et encore moins une sorte de "gouroucratie", mais qu'elle se présente comme une école libre de la Pensée prête à aider membres et curieux dans leur quête spirituelle. De plus, l'énorme majorité des gens interviewés veulent surtout bénéficier de l'enseignement et d'une aide dans leur travail spirituel. Les visiteurs de la ST semblent avoir besoin de recevoir, d'abord des pistes, pour pouvoir travailler par après chez eux, et ce dans un contexte individuant et non pas communautaire comme pour la plupart des sectes. La ST serait donc une sorte d'adjuvant qui aiderait ses membres dans leurs recherches spirituelles et ce dans un esprit d'ouverture, et non sectaire.

            Les membres de viennent pas à la ST pour se sédentariser dans leur verte prairie spirituelle. Ils sont par leur nature des nomades spirituels, c'est-à-dire qu'ils se rendent dans divers cultes, sans se fidéliser entièrement à l'un ou à l'autre, pour entendre divers messages -sans forcément croire à tout ce qui se dit- et construire leur syncrétisme subjectif. Ils s'intéressent par conséquent à d'autres mouvements, pour s'élargir l'esprit, pour voir ce qui se passe chez les autres, bref, pour s'enrichir spirituellement. En sociologie, on dit qu'ils sont mobiles.

            Les autres mouvements que les personnes de la ST visitent en Belgique sont, en tête de liste: les Roses‑Croix et la religion chrétienne. Suivent en second plan: Les mouvements gnostiques, l'anthroposophie, les cercles de pensées laiques, les cercles d'études spirites, le Renouveau charismatique et l'astrologie. Voici les autres qui n'ont été cités qu'une fois dans le questionnaire: l'énergie universelle, le tarot, religion hindoue, la pédagogie de croissance (P.R.H.), l'itinéraire spirituel "Leloup", la fraternité blanche universelle, le yoga, le bouddhisme, la Salamandre d'or (Liège), le collège du Temple de l'homme (templiers) et le mouvement spirituel Sathya'Sai.

 II - Le message de la ST.

     Voici les éléments significatifs de l'enseignement de la ST qui sont présentés en toute objectivité et en respect de la rationalité subjective de la ST.

     1 - Le mythe d'Isis[3].

     La ST travaille au rétablissement des valeurs que, par simplification symbolique, on attribue à la féminité, c'est-à-dire: la paix, la fraternité, l'égalité des sexes, le pardon des offenses, la solidarité et l'amour. Ils s'opposent ainsi aux peuples, ou mouvements, qui prêchent un dieu mâle et vantent les vertus dites masculines: l'honneur, la force, le courage, l'esprit de vengeance, l'action violente et la guerre.

     Le mythe d'Isis symbolise pour la ST les secrets du pouvoir feminin. Isis était la déesse mère et possédait un pouvoir magique qui la faisait triompher de la mort. Son frère et époux, Osiris, avait été tué par leur frère, Set, et son corps decoupé en morceaux avait été jeté dans le Nil. Isis avait découvert le corps en puzzle et a rassemblé les morceaux du dieu, ce qui a permis à son mari de recouvrer la vie. Seulement Osiris avait perdu sa toute puissance masculine, car son membre viril avait été avalé par un poisson. Isis avait fini par retrouver l'animal et avait rendu au dieu tout son pouvoir. Dés lors, par ce geste symbolique, Isis avait imposé ses vertus féminines aux dieux et aux hommes.

     Ce mythe qui symbolise le pouvoir de la femme a des conséquences sociales déterminantes pour ceux qui s'y réfèrent. En effet, non seulement un mythe est une histoire, mais on sait aussi depuis Eliade qu'il est exemplaire et qu'il sert de modèle aux comportements humains. C'est ainsi que les peuples pratiquant un culte féminin sont généralement pacifiques. La ST, quant à elle, recherche une harmonie pour vivre dans la paix et la connaissance et non dans la guerre. En ce sens, les théosophes des diverses obédiences ont tenté de favoriser l'élargissement des esprits, le progrès des sciences et le développement des idées humanistes, le tout dans l'idée de créer une fraternité universelle.

     La ST, luttant pour les valeurs féminines, a pris selon Jacques Lantier, la tête du mouvement d'émancipation de la femme qui s'est manifesté à la fin du 19ème siècle[4]. C'est également dans ce même cadre d'action qu'a été créé la première loge maçonnique féminine.

     Cette idéologie, basée sur le culte du pouvoir féminin, a surtout des implications dans le choix des différents mythes et religions que les théosophes insèrent dans leur syncrétisme. Selon la ST, les religions antiques, héritières des traditions du paléolithique et du néolithique, faisaient souvent de la déesse mère la véritable créatrice. Par après, Abraham, fondateur de la religion d'où est sorti notre civilisation, a abandonné le culte féminin qui se pratiquait à Our, son lieu de résidence, pour fonder sa propre tribu et conclure une alliance avec le "Tout­ puissant". Ce dernier est perçu par la ST comme un dieu mâle et géniteur et ne rentre pas dans le credo théosophique.

            H.P.Blavatsky (H.P.B.), la fondatrice de la ST, estimait que la femme ne pourrait s'émanciper que si l'on parviendrait non seulement à saper la toute‑puissance du "Dieu mâle" d'Israël, mais aussi des dieux du même sexe avec lesquels il pouvait s'identifier: le Dieu des chrétiens et celui des musulmans. H.P.B. pour écrire ses ouvrages et opérer ses syncrétismes religieux s'est par conséquent abondamment inspirée des cultes animistes pré‑Abrahamiques et orientaux.

     Si la ST dénigre le christianisme -en raison des valeurs masculines qu'il promulgue-, elle accepte volontiers la personne du Christ parce qu'il aurait lutté pour permettre le retour des valeurs féminines, l'établissement de la fraternité et la paix universelle. Toujours selon eux, parce que le Christ s'était dressé contre les valeurs mâles que promulgaient les juifs de l'époque, ces derniers l'auraient condamné. C'est donc contre l'Eglise qui aurait transformé le message du Christ que la ST se positionne et non contre le Christ lui-même.

     Pour les théosophes modernes, seul le bouddhisme est capable de sauver l'humanité, un bouddhisme épuré au travers d'une "pensée chrétienne depouillée de son contenu hébraïque", et par une religiosité asiatique purifiée de la doctrine de l'Islam.

2 - Le message.

     La société théosophique dans sa revue mensuelle belge: "Infor Theo‑sophia" se présente ainsi: "La SOCIETE THEOSOPHIQUE propose l'approche, par l'étude, le discernement et la réflexion des vérités que contiennent les Sciences, les Religions et les Philosophies du monde. Elle reconnaît que son bagage d'enseignements ne constitue nullement son patrimoine privé mais celui de l'humanité de tous les temps. Elle ne s'appuie, par conséquent, sur aucun dogme et s'abstient de tout prosélytisme. Elle sait parfaitement que l'intellect est plus actif dans un climat de liberté, que dans une atmosphère de contrainte. L'enrichissement qui résulte dés lors de sa fréquentation incline essentiellement vers l'éthique et le spirituel. Axée sur la promotion de l'interrelation, elle invite implicitement chacun à cultiver les qualités humaines qui assurent le meilleur équilibre de son être et tendent à l'affranchir des conditionnements et des préjugés".

           2.1. - Les trois buts de la ST.

            1) Constituer un noyau de fraternité universelle dans l'humanité sans distinction de race, de croyance, de sexe ou de couleur.

            2) Encourager l'étude comparée des religions, des philosophies et des sciences.

            (La ST a pour devise: "Aucune religion n'est au‑dessus de la verité", et estime que toutes les religions, toutes les philosophies, toutes les sciences, tous les mouvements d'idées puisent dans la Sagesse Divine[5] ce qu'ils ont de vrai et de beau, mais aucun d'eux ne peut la réclamer comme son bien propre ni en exclure les autres. C'est pourquoi par cette étude comparée, la ST cherche après la vérité.)

            3) Etudier les lois inexpliquées de la nature et les pouvoirs latents dans l'homme.

            A chacun de ses membres incombe le devoir de préserver pour lui‑même et pour les autres l'indépendance intellectuelle.

           2.2. - Les trois grandes vérités de la ST.

          1) Le Principe qui donne la vie habite en nous et hors de nous; il est immortel et éternellement bienfaisant. Il ne peut être vu ni entendu, ni senti, mais celui qui aspire à le percevoir, le perçoit.

             2) L'âme de l'homme est immortelle, et son avenir est d'une gloire et d'une splendeur sans limites.

          3) Une loi divine de justice absolue gouverne le monde, en sorte que chacun est en vérité son propre juge, le dispensateur de sa gloire et de son obscurité, l'arbitre de sa vie, de sa récompense, de son châtiment.

          La première "vérité" dévoile comme idée celle du monisme, la seconde celle de la réincarnation, et la troisième celle du karma. Ces trois "vérités" impliquent un comportement individuant de la part du théosophe, ce qui l'amène à travailler en solitaire sur lui-même, et non par exemple, à se ranger dans les rangs d'une quelconque secte-prison.

           2.3. -  D'autres races...

      H.P.B. a mentionné qu'avant Adam existaient plusieurs races d'hommes qui ont péri et qui ont fait place à d'autres. Elle a tenté de prouver qu'avant la race humaine à laquelle nous appartenons, il en existait une autre qui a connu un degré de sciences plus avancé que le nôtre, et qui a disparu.

    Nous appartiendrions à la cinquième des septs races de notre cycle, car selon elle, d'autres cycles ont déjà existé et existeront. "D'après elle (HPB), les Atlantes étaient la "quatrième race fondamentale" de notre planète, celle‑ci étant destinée à en avoir sept en tout. Nous serions la cinquième; et la troisième était celle des Lémuriens qui peupla un autre continent disparu, la terre de Mu"[6].

     D'une race mère, ou racine, il y a fécondation "d'autres races, et ces races petit à petit se développent, arrivent à une maturité et puis il y a de nouveau un autre cycle. Ce sont des cycles différents. Je crois que cela se superpose, qu'ils arrivent à un équilibre, une grande maturité"[7].

            2.4 - La réincarnation.

    Toute évolution se composerait d'une vie évoluante, qui passerait de forme en forme en se développant, s'enrichissant sans cesse de toute l'expérience acquise au moyen des formes successives .

     La théosophie enseigne que l'âme, une fois devenue humaine, après des millions et des millions d'incarnations dans la vie végétale puis animale, ne peut jamais plus se réincarner dans une autre forme animale ou végétale[8]. Si une telle chose était possible, fait remarquer la ST, l'âme n'y gagnerait rien pour son évolution, ce qui est incompatible avec la sagesse théosophique qui préside à toute l'évolution de la vie dans la nature et dans l'humanité.

     Le théosophe Marcel Bohrer[9] définit que "chaque réincarnation n'est qu'un jour d'école de la vraie vie qui est un perfectionnement toujours grandissant. Dans un sens plus large, la réincarnation consiste dans le développement de l'esprit humain à travers une serie de vies périodiques sur terre grâce aux expériences qui y sont faites et à leur transmutation en facultés pendant la vie céleste".

     Le solde de toutes les actions terrestres est tenu dans les comptes d'une sorte de Thémis[10], que les membres de la ST nomment Karma.

     Selon ce paradigme, le sauvage d'aujourd'hui sera plus tard un saint, et tous les hommes suivant pareille route sont destinés à la suprême perfection de l'humanité.

           2.5. -  Les corps subtils.

          Selon la ST, le monde comporte d'autres variétés de matière que celles que nous connaissons: plus subtiles, non perceptibles par nos sens, et dont sont constituées des formes vivantes et conscientes composant d'autres règnes de la nature. Il y aurait en tout, sept mondes ou "plans" ou "sphères" de matière. Les théosophes appellent plan, monde ou sphère, une zone matérielle dont toutes les combinaisons dérivent d'un type spécial d'atome. Ces plans se distinguent l'un de l'autre par leur densité décroissante, la plus dense étant la matière physique. Ces sept mondes coexistants ne sont pas indépendants l'un de l'autre. Ils forment un tout intégré, une unité, l'expression d'une vie unique: chacun est en relation avec les six autres et a sa fonction propre dans l'ensemble. L'espace autour de nous qui nous semble vide, est rempli d'une vie intense et multiple que nous ignorons. Chaque être humain possède à l'état latent la capacité de percevoir et d'agir sur les cinq premiers plans, et la développera progressivement en des vies successives innombrables. Sur les deux plans les plus subtils, il pourra enfin communiquer avec la vie divine.

            Les plans que voici sont eux‑mêmes subdivisés en sept variétés de matière:

     1) Le plan physique est constitué de notre corps grossier et du corps éthérique qui interpénètre le corps dense en produisant un duplicata exact de sa forme.

     2) Le plan astral est le plan le plus voisin du plan physique. Il sert de véhicule aux désirs, aux passions, aux sensations et aux sentiments. Les théosophes l'appellent aussi le plan émotionnel. Nous y allons pendant le sommeil, nous y passons après la mort. Certains habitants de ce Plan astral sont non­ humains et n'ont pas de corps grossier: "ce sont les fées, les elfes, les gnomes, les sylphes, les salamandres,... qui se montrent le plus souvent sous une forme humaine rapetissée"[11].

     3) Le plan mental est le plan de l'intelligence. Il sert de véhicule à la pensée. Par l'intermédiaire de l'astral, il agit sur le plan physique pour produire les manifestations de l'intelligence.

     4) Le plan causal est l'endroit où l'homme rassemble en lui les résultats de toutes ses expériences, et ces résultats façonnent ses existences futures. Il sera ici confronté à son Karma: le solde des actions de sa vie.

     5) Le plan bouddhique est le plan de la sagesse.

     6) Le plan nirvanique est un plan dont les théosophes en ont une vague idée tellement ce plan est hors de nos conceptions. On le caractérise par le "foyer de vie divine".

     7) Le plan divin est encore plus abstrait que le précédent. C'est à ce plan que l'on rencontre la "vie divine dans l'Unité[12]".

      Pris dans un des cours d'initiation à la theosophie de la ST belge, voici un exemple illustratif:" Si l'on considère les sept sphères concentriques qui grosso‑modo constituent une planète, et qu'on imagine un petit bonhomme s'élevant dans l'atmosphère à partir de la croûte terrestre, il va arriver un moment où s'arrête toute matière physique, non seulement gazeuse mais aussi éthérique. Il n'y a plus alors que la matière du second plan, toute interpénétrée de matière des cinq plans plus subtils. S'il continue à s'élever, il finit par arriver à la limite de la seconde sphère, la perce et se trouve dans l'atmosphère du troisième plan, exempte de toutes particules de la seconde variété, mais interpénétrée de la matière des quatre variétés plus subtiles restantes. Et ainsi de suite, il pénètre successivement dans des couches chaque fois plus raréfiées..."

            2.6. -  Le sentier.

          Au bout de différents chemins spirituels se trouvent le but de la vie du membre de la ST qui est d'atteindre un certain degré d'évolution qualifié de perfection humaine. Celle‑ci est atteinte par une auto­ réalisation de l'homme à la recherche de sa propre essence divine qui lui permettrait de se changer en un microtheos[13]. Trois sentiers ideal‑types seraient possibles.

           Le sentier de l'action où la volonté de l'homme et de la femme est éveillée par l'angoisse et les souffrances du monde, et se détermine dans le sens de mettre un terme aux malheurs du monde en changeant tout ce qui peut être changé.

           Le sentier de la sagesse ou de la connaissance où le chercheur amasse des connaissances et veut pénétrer les secrets de la nature.

     Le sentier de la dévotion et de l'amour où l'homme est ici poussé par un amour intense pour un être qui personnifie un idéal, qui est pour lui l'incarnation de la Divinité.

 



 

    [1]   Les chiffres présentés ici ne sont qu'à titre explicatif. N'ayant pu toucher la population entière des membres de la ST, et ignorant le nombre total de visiteurs curieux, nous ignorons la représentativité de l'échantillon obtenu. Sans passer par des explications sociologiques, il faut donc considérer ces pourcentages comme des renseignements et non comme des preuves.

    [2]   Extrait d'interview.

    [3]   Inspiré par Jacques Lantier, La théosophie, Paris, 1970.

    [4]   Jacques Lantier, La théosophie, Paris, 1970, p.129‑147.

    [5]   C'est‑à‑dire le fond commun de toutes les religions, sciences et philosophie: la vérite selon les théosophes.

    [6]   Wilson Colin, L'occulte, Albin Michel, Paris, 1977, p.167.

    [7]   Extrait d'interview.

    [8]   Ce qui est tout à fait différent de certaines religions orientales qui acceptent le principe de la réincarnation régressive.

    [9]   Bohrer Marcel, La théosophie au XXème siècle, Editions Adyar, 1948, p.57.

    [10]   La dame aux yeux bandés représentant la justice de son épée et de sa balance.

    [11]   Bohrer Marcel, La théosophie au XXème siècle, Editions Adyar, 1948, p.26.

    [12]   L'unité: ce concept moniste abstrait suppose que dans chaque homme se trouve Dieu, et que ce sera par l'union de tous, grâce à la réincarnation évolutionniste, que l'on s'approchera de celui-ci. "Comme deux rayons de Soleil peuvent passer par le trou d'un volet, pour se mêler ensuite et ne plus faire qu'un après avoir été deux, de même, ces deux rayons issus du Soleil suprême (...) n'en font plus qu'un. Le deuxieme rayon entrant dans le tabernacle humain, fusionne avec le premier, lui apportant un surcroît d'énergie et un éclat nouveau". (Besant Annie, La sagesse antique, Editions Adyar, Paris, 1987, p. 217). Lire également la B.D. "L'incal" de Jodorowsky et de Moebius qui m'a aidé à comprendre le concept.

     Peut-on comprendre par ceci, et ce en un langage non théosophique, que les membres de la ST souhaitent se "phagocyter" les uns les autres et que, d'osmose en osmose, ils tendraient vers l'unité finale?

    [13]  Un petit dieu.