JOSÉ        MOSELLI

SA VIE, SON ŒUVRE  

 

 par René BARONE et Claude HERMIER

 

 

INTRODUCTION

1 - René Barone

Mon intérêt, ou plutôt ma passion, pour José Moselli a commencé par le plus grand des hasards. J'avais réalisé un fanzine sur Stéfan Wul, mon auteur de SF préféré, et un des lecteurs m'avait indiqué qu'il en parlerait dans l'Annonce Bouquins, un fanzine (de vente et d'échange de livres entre particuliers) que je ne connaissais pas. J'ai donc acheté le n° 99 de l'A.B. de janvier 1994. Et là, j'ai lu un article de Claude Hermier intitulé "José Moselli, un romancier que j'aime". Ce fut comme un choc. Cet article m'avait vraiment donné envie d'en savoir plus sur cet auteur.

Du coup je demandais à mon père, qui est né en 1907, s'il se souvenait des livres qu'il lisait étant jeune. Il me parle surtout des films dont il se souvenait : "Le cercle rouge", "La vedette mystérieuse", "Judex", mais surtout des "Mystères de New-York" dont le héros s'appelait Justin Clarel, film muet à épisodes, qui enchanta mon père. Rayon lecture il me cite Zévaco : "Les Pardaillan", "Nostradamus", et puis il se souvient du nom de son héros favori : Marcel Dunot.

Marcel Dunot ? Je retourne à l'article de Cl. Hermier, mais... c'est "Le Roi des Boxeurs" dont il parle avec tant d'enthousiasme !

Imaginez ma réaction ! Il me fallait en savoir plus sur cet auteur !

A la même époque les éditions Grama  rééditent "La Fin d'Illa", je l'achète et  le lis d'une traite. Je me souvenais de l'avoir lu lors de sa parution dans "Fiction", mais je n'en gardais aucun souvenir. Je ne suis pas du tout déçu, bien au contraire : un régal. La postface de Jacques Van Herp me met l’eau à la bouche. J'écris aux éditions Grama pour leur suggérer de rééditer d'autres romans de Moselli, et bien gentiment "ils" me font parvenir "La Guerre des Océans" qui avait été publié chez Marabout. Nouveau régal.

N'y tenant plus j'entre en contact avec Claude Hermier qui me signale l'ouvrage de J. Van Herp "Moselli et la SF" paru aux éditions Recto-Verso. J'achète et je dévore à nouveau.

Il me faut du Moselli !

De plus, en relisant la bibliographie de Boileau-Narcejac, établie par Francis Lacassin, je lis :

"  Au stalag XII D, Boileau ne se livre à aucune activité littéraire [...] En parlant avec un de ses compagnons de captivité, Jean-Paul Sartre, il découvre qu'ils ont eu les mêmes lectures d'enfant. Ils les évoquent souvent avec joie : les journaux illustrés “L'Epatant” et “L'Intrépide”, le roman de José Moselli Le Roi des Boxeurs... !!!

Comment voulez-vous après cela ne pas devenir un fan de ce romancier “sans livre”, comme le qualifie J. Van Herp ?

Tout me séduit chez Moselli. Les romans que j'ai lus : "La Fin d'Illa" et "La Guerre des Océans", mais aussi les deux nouvelles de SF publiées dans l'étude de J. Van Herp : "Le Voyage Eternel" à la chute terrible et "Le Messager de la Planète" qui n'est pas sans rappeler le fameux film "La Chose". Moselli serait-il à l'origine de la nouvelle qui inspira le film ? On peut le supposer. C'est ensuite la vie de navigateur qu'il mena au début du siècle et qui inspira nombre de ses récits. C'est enfin le feuilletoniste, capable d'écrire des dizaines de romans, contes, nouvelles, articles. Un romancier populaire de la plus grande tradition. Et puis il y a un côté fascinant dans ces illustrés qui paraissaient chaque semaine avec le traditionnel... à suivre  du roman feuilleton, qui a disparu de nos lectures d'aujourd'hui. Cela me fait penser à mon enfance quand nous attendions avec impatience, dans les années 50, mes frères et moi,  les "Météor", "Atome Kid" et autres "Aventures Fiction".

J'oubliais d'indiquer aussi des articles parus dans la revue policière "813" et consacrés à deux romans de Moselli : "W...Vert.." et  "L'Empereur du Pacifique". Comment résister à de tels titres ? Inutile de dire que ces articles me donnaient encore plus envie de lire du Moselli.

Dans son étude, J. Van Herp cite de nombreux articles consacrés à J. Moselli, parus dans des fanzines aujourd'hui disparus : "Désiré" et "Le Chasseur d'Illustrés". Ces articles, il me fallait aussi les lire et j'ai pensé qu'ils pouvaient intéresser d'autres amateurs de littérature populaire. J'ai contacté Claude Hermier qui en a écrit plusieurs, il m'a aiguillé vers Michel Guillaumin qui m'a fait parvenir la presque totalité de ces articles. Philippe Marlin a été intéressé par mon idée d'en faire un recueil.

J'espère que vous prendrez plaisir à lire ces articles et, qui sait, peut-être qu'un jour un éditeur aura enfin la bonne idée de se lancer dans la réédition des œuvres de José Moselli, pour qu'enfin, il ne soit plus le romancier “sans livre”.

 

 


2 - Claude Hermier

 

 Dans le domaine du roman d'aventures exotiques d'il y a quelques décennies, combien d'auteurs sont aujourd'hui oubliés ! Seuls quelques noms émergent encore, mais pour combien de temps ? Le cas de José Moselli est assez particulier. Ceux qui l'ont lu dans leur jeunesse - période qui va de 1910 à 1940 - en ont gardé le souvenir durant toute leur vie, car c'est l'un des rares qui ait vraiment fait mouche. Mais, curieusement, bien que resté dans leur mémoire, son nom disparaît avec eux. C'est qu'il reste enfoui dans des illustrés destinés à la jeunesse du premier tiers de ce siècle, revues oubliées de nos jours, sauf de quelques amateurs doublés de collectionneurs. Il lui aura manqué, très probablement, le support du livre. Le roman populaire est depuis quelque temps étudié par certains universitaires, le roman policier également dans une moindre mesure cependant, le roman d'aventures beaucoup moins. C'est que, très probablement, l'aventure pour l'aventure, n'est peut-être pas toujours propice à de savantes exégèses. Et, quand c'est le cas, sont cités toujours les mêmes romanciers : Boussenard, Paul d'Ivoi, Gustave Aimard, Louis Noir,... ; José Moselli, jamais ! Inconnu, absolument inconnu ! Et pourtant, ceux qui achetaient "L'Intrépide" et le relisent, ceux qui l'ont connu beaucoup plus tardivement (c'est mon cas), ceux qui le découvrent aujourd'hui sont tous unanimes : José Moselli mérite d'être exhumé. C'est qu'avec Moselli vous n'êtes pas sur la touche en simple spectateur. Vous participez pleinement à l'aventure aux côtés du héros, vous vous identifiez à lui. Le milieu géographique n'est pas plaqué comme un décor de théâtre, il ne sent pas la copie. Nous n'avons pas de simples descriptions scolaires puisées - comme ce fut souvent le cas chez les romanciers du genre - dans des récits de voyages ou des encyclopédies. Vous faites corps avec lui. L'aventure n'est pas ici celle des salons. On ne la vit pas par personne interposée. On ne vous la raconte pas : vous y êtes complètement immergés, vous êtes empoignés, tarabustés, rompus, meurtris. Le style plat, neutre, sans relief, générateur d'ennui, de lassitude, est étranger à José Moselli. Ici, l'onde irisée fait place à la tempête, le zéphyr au cyclone ! Il y a les hommes... On serait tenté de penser que Moselli était pessimiste car notre semblable, mis à part quelques rares exceptions, nous est présenté comme naturellement méchant. Pour ne prendre qu'un exemple, Marcel Dunot le Roi des Boxeurs, qu'en est-il de ses "aventures autour du Monde" ? Une suite ininterrompue de malheurs, un peu comme si le monde était en décomposition. L'homme, une imposture ! La nature, un piège ! Moselli rend à merveille l'incessant combat que Marcel Dunot livre aux hommes et aux éléments afin de déjouer leurs traquenards. Un exemple : Dunot naufragé, accroché à une planche, en plein océan. Des pages et des pages sur son combat, sa souffrance, sa détresse. Le romancier étire jusqu'à l'accumulation sans pour autant nous lasser. C'est qu'il use de l'enchâssement. Et, qui est remarquable, sans jamais avoir recours au décrochement. Mais il y a pire, il y a l'homme ! Le monstre qui y est à l'état latent se manifeste dès la première opportunité et ce monstre n'est pas seulement entr'aperçu. Pas de simulacres émotifs chez José Moselli, de l'émotion directe. Y a-t-il pour autant procès exprès du genre humain ? Il ne semble pas. Marcel Dunot ne fait que constater. Vivre, c'est faire avec les forces de régression. Et puis, il y a quand même quelques éléments qui nous font ne pas baisser les bras : en particulier le mousse. Oui, mais il est jeune. Que restera-t-il de ce qu'il a de bon au fil des années ? Je pense également au sympathique Honoré Sanard, l'éminent savant membre de l'Institut, (in "La Montagne des Dieux"). Lui est bon, mais combien démuni dès qu'il sort de son laboratoire ! Ils sont encore quelques-uns dans les feuilletons de José Moselli qui nous font ne pas être complètement désespérés, mais est-ce bien suffisant ? 3 - Quelques appréciations relevées par Claude Hermier : Du romancier Francis CARSAC : "On s'aperçoit seulement aujourd'hui que José Moselli qui a marqué plusieurs générations de lecteurs est de ceux dont bien des écrivains se satisferaient." Jean Paul SARTRE dans "Les Mots" mentionne "Marcel Dunot, l'homme aux poings de fer" Jacques VAN HERP rapporte ces propos du Général de GAULLE sur un "certain José Moselli" : "...phénomène caractéristique du genre, cas au demeurant unique dans la littérature, feuilletoniste génial, dont le talent de conteur et de visionnaire joint à la précision de l'écriture, a donné des chefs-d'œuvre dans l'espèce trop dénigrée en France du roman d'aventures." De Jacques VAN HERP :" Son grand mérite est d'avoir prévu un certain type d'hommes qui président encore de nos jours aux destinées d'une nation". Le Roi des Boxeurs, Marcel Dunot, l'émanation du boxeur Français Georges Carpentier, me disait en 1970, un collectionneur déjà âgé.

 

PREMIERE PARTIE. JOSÉ MOSELLI, SA VIE.