Collection "Les Manuscrits d'Edward Derby"

Fantasmique & Faërie

  Une Vie

Mes larmes d'argent pour t'attendrir,
Chéri, et dans tes bras me blottir,
Aspirer ton corps en une étreinte
Sucer ton âme en une plainte ;

Un baiser pervers pour te faire mourir,
Pour me gorger de toi en un soupir
Un suçon de l'Ange de la Mort
Pour un dernier septième ciel encore ;

Et tes larmes de sang, chéri
Pour regretter amèrement ta vie
Quand je gobe ton coeur, mon ange,
Que j'aspire et bois comme une orange.



Jésus pendu au crucifix me fixe d'un oeil morne
Car devant lui mon repas ne connaît pas de bornes :
J'aspire ces veines d'archevêque pour survivre
Je dévore les tripes de sa sainteté l'ivre
Je m'accouple avec le cadavre sanglant
Jouissant d'une Bible de Chair au coeur tremblant
Aspirant le jus sacré en un cri d'extase
Provoquant l'Éternel qui devant mon corps bave !



Le cadavre gît dans une mare figée
De sang par le vin et les épices imbibé
Il est froid à présent, je ne puis le boire
Et apaiser la soif de mon âme noire.
Ses viscères étalées, jolis rubans séchés,
Sont assemblées en un signe oublié,
Gloire aux Ténèbres de mon Maître
Qui dans le Vice m'a vu naître !

Traversant les siècles, traversant le temps,
Je suis ombre dans le firmament sanglant,
Etoile écarlate étincelante de beauté,
Je me nourris de ceux qui veulent m'aimer,
Forme illusoire aux crocs de nacre,
Mes baisers sont de souffre âcre,
Fumée sensuelle ou chat pervers
Je glisse dans l'eau ou dans l'air !

Mutante désirable aux charmes prononcés,
Friande d'hommes et de péché
Je suis une immortelle assoiffée
De votre vital empourpré !
J'ai vu la Décadence de Rome
J'ai fait crever les hommes,
Je suis l'éternelle Tentation,
Je suis le péché des Temps Sans Noms !



Femme Vampire insaisissable
Je chante ta Beauté Impérissable,
De mon Sang, dans ce cahier, je consigne
Tes Hauts Méfaits et Noirs Signes,
Tes Sombres et Innocentes Victimes
Et la Majesté de tes Crimes !
Femme Ténèbres au cœur de pierre
Plus persistante que le Lierre,
Fleur de Poison de Mille ans,
Puisse-tu un jour boire mon Sang !

Julie Proust Tanguy, 14 Mai 2000
in Fantasmique et Faërie (parcours poétique), p30

  Apparition

Dans le bruissement du ruisseau
Bercés par le chant des oiseaux,
Mes rêves s'envolent vers le ciel,
Bulles d'imaginaire couleur miel.
Leurs voltiges sont interrompues
Par un bruit charmant et inconnu,
Un délicat frottis de soie
Suivi d'un tintement de pas.
Il y eut un parfum entêtant de jasmin
Mêlé d'oeillet, de roses, de romarin,
Un subtil mélange de mystère
Et de tendre passion de la chair.
Je me retournai, elle m'éblouit
Elle étincellait dans la lumière verdie
Sa robe de neige, sa corne d'opale
Aveuglèrent mes yeux d'une lueur royale.
Baissant sa noble tête, lentement elle but
L'eau dont la pureté fut ainsi reconnue,
Tel un fantôme doucement s'effaça,
Brume légère galopant dans les bois.
Je conçus joie, surprise, et douleur
Qu'elle ne restât pas même une heure.
Je connus tant de tristesse et de bonheur
Qu'elle ne passât qu'un instant dans mon coeur,
La Douce-Agile, la magnifiquement Bonne,
Celle qui éblouit le coeur des hommes,
Elle vint mais ne resta point,
Elle repartit vite au loin.
Dans le bruissement du ruisseau
Bercés par le chant des oiseaux
Mes songes galopent dans les terres du Rêve,
Hennissant doucement quand le jour s'achève
.

Julie Proust Tanguy, 13 Juin 2000
in Fantasmique et Faërie (parcours poétique),p100