Mercredi 31 juillet 2002 :

je quitte la Petite Loge de Nice après une semaine plutôt sportive… Les chapelles templières de la région doivent se mériter et les villages provençaux ont la malencontreuse idée d'aller se percher sur des sommets invraisemblables. Le point d'orgue de la grimpette aura été sans conteste le massif de la Sainte Baume, à la recherche de la grotte où Marie-Madeleine aurait terminé ses jours comme ermite….. Une excursion indispensable pour tous les adeptes de notre Mythe favori. Chacun sait que la Sainte Barque aurait accosté quelque part dans la région des Saintes Maries de la Mer et que la femme préférée du Christ serait venue faire ici pénitence. Pour d'autres, elle aurait poursuivi son chemin jusqu'à Vézelay, en passant par Rennes-le-Château…. La grotte est à 950 mètres d'altitude et attire une foule de pèlerins et de touristes (sportifs) ; elle est aménagée en église, tenue depuis le moyen-âge par les franciscains…. Un site exceptionnel… Mais le plus curieux est certainement dans la basilique de Saint-Maximin, à quelques kilomètres de là…. Je fais bien sûr allusion aux reliques de la sainte pécheresse, et notamment à un crâne en parfait état conservé dans une châsse noire digne des meilleurs films d'horreur. Je ne sais plus où j'ai lu cela, mais il paraît que si on assemblait toutes les reliques de la Magdaléenne retrouvées autour de la planète, on serait en présence d'une armée complète…… de squelettes……

Magdala

En route pour Carennac, un site mystérieux de Dordogne où Jean-Luc Chaumeil tient chaque été ses assises artistiques dans la demeure familiale. Un site qui ne peut que sentir le soufre quant on sait que notre ami, journaliste et écrivain, a passé toute une partie de sa vie à traquer les mystères de Rennes-le-Château et de l'Ordre du Temple.

Escale en cours de route à la Couvertoirade, un village médiéval perdu dans le Larzac, et qui fut une cité templière particulièrement puissante. Découverte émue des croix discoïdades, nombreuses dans le cimetière (d'après le guide que j'ai acheté, elles seraient des moulages) et dans l'église. Mais à l'instar de beaucoup d'autres sites pittoresques (Carcassonne, Mont Saint-Michel, Rocamadour), la Couvertoirade est devenue un haut-lieu pour les marchands du temple. La seule boutique qui retiendra mon attention est bien évidemment…. la librairie locale. Une sorte " d'Atelier Empreinte " , fort riche pour tout ce qui concerne les Templiers et les Cathares.

J'attaque une côte de bœuf bien saignante, accompagnée d'un aligot délicieusement crémeux, avant de reprendre la route.
Quel bordel cette route. La traversée de Millau est habituellement un chemin de croix. Mais lorsque on la chance de se retrouver derrière trois camions formant un convoi exceptionnel…..

Arrivée vers 19 heures dans la future Nouvelle Capitale Mythique de l'Histoire de France. Et il est vrai que Carennac est une prétendante sérieuse au trône…… Les pierres, délicatement patinées, hurlent leur savoir ancestral alors que la Dordogne ronchonne d'une paresse contagieuse….. Dormir….. Mais il n'est pas l'heure et il me faut trouver " le Braconnier de Dieu ", résidence chaumeillisante qui emprunte son nom à un roman du bon René Fallet…. Avec l'aide de mon téléphone portable, je me retrouve rapidement dans une impasse gothique où se love la vénérable église Saint Pierre, construction romane des moines du XII ème siècle. Elle est précédée d'un narthex avec un superbe tympan, d'un intérêt tel qu'une copie est conservée au Musée des monuments français à Paris. Le tympan sculpté se compose de deux portées : il repose latéralement sur des colonnes jumelles et au centre sur un faisceau de quatre colonnes faisant office de trumeau. Il offre aux regards une vision symbolique de la fin des temps. Occupant toute la hauteur du tympan, le Christ en majesté tenant le Livre et bénissant, est assis sur un trône richement orné. Les symboles des quatre évangélistes l'entourent et le contemplent .
" Le Braconnier de Dieu " est en face du saint édifice, et il est difficile de le rater avec son donjon manifestement inspiré par un film d'heroic fantasy ! Jean-Luc est dans la bibliothèque, avec deux visiteurs qu'il a arraché à la galerie pour leur vendre quelques livres autour d'une bouteille de Gaillac. Car le " Braconnier de Dieu " est aussi la maison de Dieu….. Porte ouverte aux amis et rencontres de passage sur fond de saucisson et de vin rouge. Les visiteurs -un jeune couple- auront droit à une investigation en règle ; " vous êtes mariés ? ", " où vous êtes vous rencontrés ? ". Et lorsque la charmante jeune femme tente de répondre de façon très urbaine aux questions de l'enquêteur, celui précise avec beaucoup de tact : " mais vous savez, ça ne me regarde pas ! "…..
Mais il ne faut pas mollir, et les visiteurs à peine partis, Jean-Luc m'entraîne au fond d'une ruelle pavée conduisant au Prieuré (mais oui !)…….. Carennac est un repaire d'artistes en tous genres, et à chaque instant, il se passe quelque chose. Décryptage : à chaque instant a lieu un vernissage, prétexte bien sûr à boire un coup. Nous irons ainsi chez les marqueteurs, un jeune couple parisien réfugié sur les bords de la Dordogne pour déployer ses talents en marqueterie. Puis chez une sculpteuse allemande, fabriquant de mystérieux objets. Notre hôte tombe en admiration devant deux masques d'inspiration teutonique et commence à négocier le prix. Mais après avoir palpé l'un des objets, il ne peut cacher sa déception : " bof, de la terre cuite, je croyais que c'était du métal ! ".

Escale au bistrot local avec les artistes ramassés au long du chemin, car il fait encore soif. Jean-Luc incurgite un pastis vert, mélange de pastis et de peppermint get….. Puis retour at home pour le dîner, après avoir débauché les marqueteurs. Mais un dîner chez Jean-Luc est quelque chose qui se mérite, car il convient d'abord de faire la vaisselle. Notre ami avait reçu la veille une équipe de copains polonais, et manifestement, le groupe a bien vécu : " la vodka était étonnante " ; " bon, c'est vrai qu'on a un peu réveillé le village en tirant à la M16 à trois heures du matin " ; " quelle idée d'aller faire de la barque en pleine nuit après avoir trop bu…. on a tous coulé… ".
Nous attaquons dans la joie et la bonne humeur les restes de la veille, des escargots à la…. vodka, et un civet de lapin au vin rouge. La conversation roule sur les grandeurs et servitudes de la vie d'artiste.
Les marqueteurs nous quittent, mais nous poursuivrons vaillamment la nuit, autour d'une bouteille de marc de Provence qui se sentait bien seule dans le coffre de ma voiture. Les Mystères de Rennes-le-Château nous tiendront éveillés jusque trois heures bien sonnés.

 

La tour de Chaumeil.

Je m'endors comme une pierre au pied de l'escalier du donjon….


Jeudi 1er août 2002

La mise en route est laborieuse : courses, revaisselle et ménage...... Véronique, l'épouse de Jean-Luc, arrive demain…. Bon, vous avez compris, quoi !

Et puis en avant pour découvrir la galerie, un endroit magique qui est ouvert lorsqu'il n'y a pas de partie de pêche ou de déjeuner prolongé. Le local est contigu au manoir Chaumeil, sur plusieurs niveaux, dont une petite cave/grotte à l'irrésistible parfum médiéval. Une parenthèse s'impose ici. Jean-Luc est bien connu pour ses activités d'investigations journalistiques dans les secteurs les plus sulfureux de l'occulte. Mais c'est aussi un artiste, poète et peintre hermétiste à ses heures. Cet autre aspect de sa personnalité est bien illustré dans un petit livre qu'il avait édité à son propre compte en 1981, " Apocalypse " . Sa peinture est semi-figurative, empreinte de symboles ésotériques et de visages évanescents. L'une de ses dernières compositions ne représente-t-elle pas Marie-Madeleine, la repentie de la Sainte-Baume…. Décidément, il n'y a pas de hasard….
L'exposition, l'année dernière, avait pour thème " Art et Magie ". Jean-Luc, en mars dernier, lors du vernissage des œuvres d'Audrey la Sorcière, avait du reste dit à notre amie que ses œuvres auraient trouvé une place naturelle dans cette thématique. Cette année, la galerie est dédiée à " Art et Alchimie ". C'est une exposition multi-genres, rassemblant toiles, peintures, objets et livres. Outre les travaux de Jean-Luc, une place de choix est réservée aux créations de Patrick Rivière, ésotériste bien connu et alchimiste au fourneau, à l'instar de notre défunt compagnon, Jean-Pascal Percheron….. A noter une jolie collection de fourneaux, athanors et cornues, nichés dans des alvéoles de pierre et illuminés par des spots colorés….
Nous passons un coup de fil à notre compère André Douzet, l'ermite de Durban, empêché par des problèmes de santé de participer à l'événement. Ce qui est bien dommage, car il possède de son côté une belle série d'objets qui auraient pu s'intégrer dans le dispositif chaumeillisant. J'achète quelques livres de notre artiste que je fais dédicacer pour Stella Maris, notre amie anglaise qui vient de débuter ses études en Carennacologie.
Longue discussion sur le thème de l'année prochaine…. " Art et Symbolisme " est retenu, et l'ODS s'associera volontiers concrètement à l'événement, par une exposition-vente de ses livres, mais surtout par une participation directe de ses artistes. D'ores et déjà, Willy Favre et André de Marigny ont répondu présents à l'appel. Et quand on sait qu'un petit espace sera réservé à Rennes-le-Château, comment résister à l'appel de la Dordogne !

 

Petit pastis à la maison, dans une cuisine rutilante, question d'ouvrir l'appétit……
Le saucisson est bien sûr présent au rendez-vous. Puis nous nous propulsons à l'auberge/pizzeria attenante, qui est bien sûr familiale. Le frère de Jean-Luc tient un hôtel-restaurant dans le haut du village, et il y a partout des neveux et nièces…..
A la pizzeria donc comme ailleurs à Carennac. La salade du pays est invraisemblablement copieuse, recouverte de copeaux de foie gras, de morceaux de magrets, de gésiers, de noix…. Et j'en oublie !
Nous sommes rejoints par une charmante créature que Jean-Luc semble bien connaître… Et pour cause, travaillant chez son frère, elle est manifestement en différent avec son employeur. On la console comme on peut, et notamment en terminant à la maison la bouteille de marc de Provence jusqu'à une heure avancée de l'après-midi. La sieste en sera d'autant décalée, s'interrompant vers 20h30 pour l'indispensable pastis, avant de reprendre le chemin de la pizzeria pour le dîner…. Une nouvelle version de l'Histoire Sans Fin, en quelque sorte…..

Je ne me souviens plus des derniers moments de ce stage au Prieuré de Carennac, mais les lecteurs m'auront volontiers pardonné.

Merci Jean-Luc !


m!-- DEBUT DU SCChaumeil à la galerie