Avril 2010

Ce sera pour moi la 8 ème aventure dans les Carpates, la troisième pour Nicolas et la première pour les autres savanturiers de l’ODS. J’ai nommé :


- Céline, Clémentine et Vladimir, formant avec Nicolas « l’Empreinte’s Team »,
- Catherine et Hugo, la très helvétique « Soder’s Team », et son légendaire sac rempli de bouteilles de vin blanc,
- Cyril Couteau, l’homme qui voyage toujours avec une impressionnante trousse à outils,
- Philippe Heurtel, le collectionneur mondialement connu des saucissons les plus rares,
- Marc Madouraud, le routard gourmand qui ne se sépare jamais d’une mystérieuse sacoche noire remplie des technologies les plus sophistiquées.

Dimanche 11 avril 2010

Vol sans encombre jusqu’à Bucarest, encore que Marc trouve le mini sandwich servi dans l’avion extrêmement light. Cela commence mal. Heureusement, sa console Archos fonctionne à plein régime et lui permet de déguster les dernières vidéos « nanars » dont il est l’un des spécialistes incontestés.

Notre chauffeur, Adrien, nous attend à l’aéroport. Il ne parle évidemment ni français ni anglais, ce qui rendra nos échanges hauts en couleurs. Vladimir est ravi de découvrir la terre de ses ancêtres et Céline ne manque pas, en signe d’allégeance, de baiser la terre roumaine gorgée de sang.
En route pour Tulcea. La Roumanie se transforme rapidement et nous empruntons la toute nouvelle autoroute qui rallie Bucarest à Constantza sur la Mer Noire. Cyril, dont l’œil est aussi affuté que les outils, remarque sur la carte un petit village, à proximité de l’autoroute, au doux nom de «Vlad Tepes». Le voyage semble débuter sous les meilleurs auspices avec ce petit clin d’œil de notre vieil oncle.

Arrêt dans une station-service qui possède une jolie cafeteria que nous allons dévaliser, pour remédier à l’hypo-glycémie générée par le déjeuner famélique offert par Air France. Ce sera l’occasion de découvrir de délicieux sandwichs au salami de Sibiu et au Cascaval, fromage local qui sera adopté par le groupe tout au long du voyage. Et plus particulièrement dans sa version fumée.
Le mini bus plonge sur Tulcea, traversant une colline de vignobles qui suscite chez Hugo un intérêt gourmand. Cela le fera lever le nez des Histoires Paranormales du Titanic de Bertrand Méheust dans lequel il est plongé depuis le départ. Quant à Nicolas, il est accaparé par son notebook avec un programme de tests pour le code de la route (1). La conduite en Roumanie devrait lui donner un vrai plus !
Nous sommes basés à l’hôtel Delta, que je fréquente depuis des éons. Je fais remarquer à Nicolas que l’établissement a bien changé depuis notre dernière visite. Méconnaissable ! Et pour cause : nous nous faisons jeter à la réception : « Vous êtes ici au Delta 4 étoiles ; votre réservation est au Delta 3 étoiles ». Et de faire le tour de ce magnifique building flambant neuf pour retrouver notre vieux palace socialiste, caché derrière le premier.
Nous retrouvons à 20 heures Nicolae et Milhaia, nos amis représentant l’ODS en Roumanie. Une vieille histoire d’amitié qui remonte à la chute du communisme et à la fondation de l’ODS. Cette belle aventure est racontée dans Et pour quelques Gouttes d’Hémoglobine (« Les Interdits de l’ODS », texte repris dans le Road Book remis aux Savanturiers –avril 2010). Rencontre rapide avec le capitaine Haddock-des-Carpates qui prépare notre croisière du lendemain dans le Delta, moyennant bien sûr un paiement cash en euros ; « mais les toilettes du bateau sont propres ». Nous remettons à Nicolae nos petits présents, des ouvrages de science-fiction et les dernières productions de l’ODS. Milhaia, pour sa part, est abonnée aux petits assortiments des produits Yves Rocher (publicité gratuite).

Direction la salle à manger de l’hôtel ; Marc angoisse : qu’allons nous manger ? Nous sommes 12 avec nos amis roumains au lieu de 10 ; la nourriture sera-t-elle suffisante ? Le dîner étant compris dans notre forfait voyage, nous n’avons du reste pas le choix : salade de poissons fumés et assiette de poissons frits du Danube. Catherine n’aime pas le poisson, mais reconnaît que la mousse d’ail qui nous est servie pour accompagner les bestioles est tout simplement délicieuse. Bon ! Marc, plutôt satisfait, fait son premier compte-rendu gastronomique au Cardinal de Sèvres, par Iphone interposé. Pour mouiller tout cela, on nous sert un verre de vin blanc. Un peu juste bien sûr. Hugo essaye d’attirer l’attention de la serveuse, mais la formation archéo-socialiste de cette dernière la conduit à aller se cacher à la cuisine plutôt que de satisfaire les clients. On arrive cependant à obtenir un second pichet, servi bien sûr au verre à chaque convive et non laissé sur la table. Et là, je dois le reconnaître, Hugo a une idée de génie. Nous avons chacun deux verres devant nous, un grand pour l’eau, un petit pour le vin. Hugo remplit le petit d’eau, réservant le grand pour le vin. Mais la serveuse, pas dupe, lui apporte un autre petit verre pour le précieux nectar. Bien que fonctionnaire jusqu’au bout des ongles, elle éclatera de rire, laissant un grand pichet sur la table en précisant : « extra, cash ».
On ne va quand même pas se quitter comme cela. Et même si Philippe nous abandonne pour retrouver sa chemise de nuit en toile de jute, le reste des troupes se retrouve au bar, plongé dans une obscurité fluo. C’est vrai que l’Ukraine est de l’autre côté du fleuve et que les émanations de Tchernobyl donnent encore de jolies couleurs à la nuit. Catherine adore ces gracieuses radiations. Commande générale de zwicka (ou tsuika), le délicieux alcool de prune roumain. La serveuse, qui est elle aussi manifestement un cadre important du parti fantôme, nous explique qu’il n’y a PAS de zwicka, mais par contre qu’elle peut nous proposer un cognac roumain. Nous testons donc ce breuvage ambré, étonnant croisement entre un cognac français et du jus de malabar qui n’aurait pas été entièrement mâché. Les deux tournées que nous ingurgitons auront au moins le mérite de nous faire profondément dormir.

La tsuika (roumain Ţuică, prononcé /'Tuj.kə/) est une boisson alcoolisée traditionnelle originaire de Roumanie provenant de la distillation des prunes. Les boissons alcoolisées qui sont obtenues en utilisant d'autres fruits fermentés s'appellent « Rachiu » ou «Palinka », surtout en Transylvanie, ou encore « horinka » dans la région des Maramures. Ces liqueurs sont parfois distillés une seconde fois pour obtenir une eau de vie plus forte.
La Tsuika est produite entre le début du mois d'octobre et le mois de décembre. La production doit être terminée avant la Noël. La personne qui s'occupe de la supervision de la production s'appelle le « tuicar », mais il y a des noms différents selon les régions. On distille la Tsuika soit à l'extérieur soit dans une pièce spéciale. On laisse d'abord les prunes à fermenter dans des grandes cuves (butoaie/căldări) pour une période de six à huit semaines. Pour la distillation des alambics en laiton sont utilisés. Traditionnellement, ils sont chauffés au feu de bois. On contrôle la température pendant le procédé de distillation en interprétant les bruits faits par l'alambic. On porte à l'ébullition le contenu de l'alambic plusieurs fois en goûtant la tsuika pour contrôler la qualité. A la fin du processus on obtient plusieurs fractions de distillation de Tsuikas:
° Un quart est la « Tsuika forte » (ţuică de-a-ntâia). Son degré d'alcool varie entre 45 et 55%. La Tsuika forte est la première Tsuika sortante du processus de distillation. Normalement, elle est distillée une seconde fois et ressemble à la « Palinka ».
° Le demi est une Tsuika (ţuică de-a doua) avec un degré d'alcool de 30 à 40%. Il s'agit de la Tsuika la plus consommée.
° La Tsuika faible (ţuică de-a treia ou apă de ţuică) est la dernière fraction. Son degré d'alcool varie entre 5 et 15%.
La Tsuika destinée à la consommation immédiate s'appelle « Tsuika fraîche » (ţuică proaspătă), celle destinée à l'entreposage s'appelle une « vieille Tsuika » (ţuică bătrână). En vieillissant, sa texture devient huileuse et son bouquet fruité.
La Tsuika de qualité supérieure a l'aspect translucide quand on la mélange avec de l'eau. (Wikipédia)

Lundi 12 avril 2010

Le petit déjeuner de l’hôtel Delta (trois étoiles) présente toujours autant de charme. Le jus de fruit est directement sorti des usines chimiques locales ; quant à la fricassée de foies de volailles, elle se marie parfaitement avec le café aux couleurs de boues acides. Hugo en tirera les conséquences et ira acheter un petit pot de nescafé pour en corriger la saveur. Quant à Philippe, il bénit la foule affamée d’un « signe de la vague » qui restera dans les annales de l’Odésie.
Nicolae nous attend avec le capitaine Haddock-des-Carpates. Notre odésien balkanique offre à chaque savanturier cet extraordinaire bouquin (en anglais et en roumain) qui a pour titre Dracula’s descendants (2), récit comme son nom l’indique des descendants actuels de notre brave Vlad Tepes.

Nous faisons quelques emplettes à l’épicerie de la Falaise (3), question de ne pas mourir de faim en route, et en avant pour la croisière. Non sans être passé par le bureau du capitaine pour lui donner notre obole en zeuros bien frais. Le temps est plutôt beau et la température assez fraiche. Il nous est proposé une brochure (payante) sur les merveilles ornithologiques du Delta, afin de reconnaître sans équivoque le héron cendré sans risquer de le confondre avec un martin-pêcheur.

Environ 15 000 personnes vivent dans les villages du delta, la plupart d'entre elles vivant de la pêche. Les villes comptent ensemble environ 25 000 habitants. L'embarcation traditionnelle du delta, en bois, est la Lotca aux pointes relevées, barque capable de fendre les roseaux, et que l'on peut mâter et voiler à volonté. En mer on utilise des mahonnes, grosses baleinières capables de ramener d'énormes esturgeons dont certains atteignent la tonne. Les deux tiers des villageois sont des Lipovènes (Église orthodoxe vieille-ritualiste lipovène) descendant de russes ayant fui les persécutions religieuses en 1772. Le centre principal de la communauté dans la partie ukrainienne du delta est Vylkove. Le centre religieux des lipovènes roumains est la ville de Braila.
Historique
La présence humaine sur les rives nord et sud du Delta est attestée depuis le néolithique, alors que le delta lui-même était encore un golfe de la Mer Noire. L'apport d'alluvions par la mer a créé les grinds, langues et bancs de sable qui ont divisé le golfe en lagunes, peu à peu comblées par les alluvions terrigènes du Danube et par les accumulations de plaurs (végétaux morts et vivants flottants aux hautes eaux, posés sur le fond à l'étiage, et si solides qu'on pouvait construire des cabanes de roseaux dessus).
Les navigateurs grecs découvrent le Delta vers la fin du VII ème siècle av. J.-C. avant notre ère, et Hérodote le décrit avec force détails : à l'époque, il était moins étendu qu'aujourd'hui et les lagunes situées au sud (Iancina/Rasim ou Razelm, Galazu ou Golovita, Fidilimanu ou Zmeica, et la plus récente: Sinoe) n'étaient encore que des golfes (Argamos, Halmyris, Histrios) où les Ioniens ouvrent des comptoirs, qui commercent avec les Gètes, les Thraces et les Scythes locaux. Ces comptoirs forment une confédération, et recherchent des alliances pour échapper à la tutelle perse puis macédonienne. Ils s'allient ainsi avec le Royaume du Pont de Mithridate. À l'époque, le climat était plus méditerranéen qu'aujourd'hui, car les Histriotes possédaient des forêts de pins maritimes, qui ne poussent plus aujourd'hui. Pour une courte période, les bouches du Danube passent sous le contrôle du royaume des Daces (voir Dacie) au Ier siècle av. J.-C. siècle de notre ère. Ensuite le delta constitue la limite nord de la province romaine de Mésie (puis de Scythie mineure) durant sept siècles.
Lors des invasions « barbares », la Dobrogée passe successivement sous le contrôle des Slavons et des Bulgares au VII ème siècle, puis des Russes et des Pétchénègues turcophones au IX ème siècle, mais les cités grecques et les bouches du Danube, protégées par la flotte impériale, demeurent sous le contrôle de l'Empire byzantin. Le delta devient alors un refuge pour les populations héllénophones et latinophones des alentours, qui formeront le peuple Dicien dont la capitale est Vicina. Entre le XII ème et le XIV ème siècle, les commerçants italiens de Gênes établissent des comptoirs dans la région : Caladda (aujourd'hui Galati), Licostomo (aujourd'hui Periprava près de Chilia veche), Eraclea (aujourd'hui ruinée) et Constanza (aujourd'hui Constanţa). Au XIV ème siècle, les princes de Dobrogée Dobrotici et Balco, puis ceux de Valachie (notamment Mircea l'Ancien) disputent aux Génois et aux Byzantins le contrôle des bouches du Danube.
Mais finalement tous seront perdants au XV ème siècle, face à l'Empire ottoman, qui reste maître du Delta jusqu'en 1829, lorsque l'Empire russe s'en empare. Le traité de Paris de 1856, qui mit fin à la guerre de Crimée, reprend le delta aux Russes, et le partage entre la Moldavie (au nord, partie actuellement ukrainienne) et l'Empire ottoman (au sud, partie actuellement roumaine). Ce même traité établit une commission internationale qui fit une série de travaux pour faciliter la navigation. En 1859 la Moldavie et la Valachie s'unirent pour former la Roumanie. En 1878, lorsque l'indépendance de celle-ci fut reconnue, le nord du delta du Danube redevînt russe, tandis que le sud devint définitivement roumain. En 1918, l'ensemble du delta fut roumain, mais en 1940 l'URSS retrouva le nord jadis russe (plus les îles Daller, Coasta-dracului, Limba et des Serpents), dont l'Ukraine hérita en 1991.
Mise en valeur
Au début du XXème siècle, le biologiste et écologue Grigore Antipa, élève d'Ernst Haeckel fondateur de l'écologie, fut chargé par les rois Carol et Ferdinand de Roumanie de mettre en place un système d'exploitation rationnelle des ressources du delta, qui ne perturbe pas les équilibres hydrologiques et biologiques, tout en augmentant la productivité. S'inspirant des connaissances scientifiques récemment acquises et aussi des méthodes ancestrales des habitants, Antipa mit sur place un système de gestion des roselières, des étangs et des lagunes, maillé d'un réseau de pêcheries coopératives, qui assura la prospérité du delta et de ses habitants jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Il inaugura ainsi les premières applications pratiques de la Géonomie et fit de la Roumanie le premier producteur mondial de caviar dans les années 1930.
Après avoir pris le contrôle des pêcheries, le régime communiste (qui véhiculait l'idéologie de la lutte de l'Homme contre la nature) mit en place un programme de polderisation de près de 34 000 hectares de marais (alors que la Roumanie et l'Ukraine n'ont jamais manqué de terres arables), d'endiguement des canaux et de fermeture des lagunes. Les scientifiques ou ingénieurs qui osèrent murmurer étaient sévèrement sanctionnés. Ce programme provoqua une chute spectaculaire de la production biologique et la disparition de nombreuses frayères.
Depuis 1994, un vaste programme de reconstruction écologique a commencé côté roumain, pour tenter de retrouver la biodiversité passée. C'est le plus grand projet de ce genre réalisé au monde. La plupart des projets ne dépassent pas les 50 hectares alors que dans le delta du Danube, le travail est réalisé sur plus de 15 000 hectares. Les premières zones soumises à la reconstruction ont été Babina (2 100 hectares) et Cernofca (1 580 hectares) au nord-est du delta, et deux ans plus tard les résultats étaient visibles. Le projet a reçu le prix Eurosite de la part de la Commission européenne et le prix Conservation Merit Award de la part du Fond Mondial pour la Nature (WWF).
Le réaménagement d'une autre zone, Popina, de 3 600 hectares, a commencé en 2000. En 2004 la reconstruction écologique d'une autre zone de plusieurs milliers d'hectares a été finie. À présent est reconstruite la zone Holbina–Dunavat (5 630 hectares). Les résultats sont au-delà des espoirs. Ainsi, Wetlands International, une ONG, a effectué une étude mondiale sur 2000–2004, vérifiant 798 des sites naturels de 44 pays. 62 % des sites évalués ont eu une évolution négative et seulement 4 une évolution positive, les meilleurs résultats ayant été obtenus dans le delta du Danube.
La prochaine phase du projet s'étend sur 10 ans, d'un coût de 31 millions d'euros et implique deux composantes majeures. La première est la reconstruction écologique pure (des zones agricoles seront reconnectées aux circuits naturels du delta, pour favoriser les zones de reproduction des poissons et celles pour les oiseaux migrateurs). Le plus gros morceau est le paléodelta de Pardina–Tatanir (Tatomiresti–Chilia Veche), qui compte à lui seul plus de 10 000 hectares.
Les habitants du delta du Danube regrettent cependant que ce programme, qui a fait remonter la production biologique, n'ait pas été accompagné par une restauration du système coopératif des pêcheries : tout a été privatisé, loti à des investisseurs privés souvent étrangers au delta, et de nombreux étangs sont désormais inaccessibles aux pêcheurs locaux.
Nature
Le delta du Danube abrite plus de 1 200 variétés de plantes, 300 espèces d'oiseaux et 45 espèces de poissons d'eau douce dans ses nombreux lacs et marais. En 1992, suite aux efforts des biologistes roumains et ukrainiens et aux encouragements médiatiques de l'explorateur français Jacques-Yves Cousteau, les petites réserves locales roumaines et ukrainienne ont été érigées en réserve de biosphère inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. 2 733 km² du delta sont ainsi classés espaces protégés, mais les scientifiques roumains et ukrainiens ont des difficultés à collaborer comme ils le souhaitent, à cause des enjeux géopolitiques, surtout depuis que la frontière roumano-ukrainienne est devenue, en 2007, frontière orientale de l'Union européenne.
Les bouches du Danube accueillent lors des migrations, des millions d'oiseaux de différents endroits de la Terre (Europe, Asie, Afrique, Méditerranée) dont certains viennent y nicher, et sont une zone extrêmement poissonneuse.
les principales espèces observées en 1993 sont les suivantes :
• À peu près 3 000 pélicans blancs sont les oiseaux-rois du delta. Ils représentent la plus grande population nicheuse d'Europe. En septembre, on peut admirer de grands rassemblements avant le départ pour l'Afrique.
• Un millier de couples de pélicans frisés ont été recensés.
• Plus de 75 couples de spatules blanches nettoient avec leur bec les fonds vaseux du sud du delta.
• Reconnaissables à leur plumage foncé et iridescent, 1 500 couples d'ibis falcinelles peuplent la contrée, essentiellement près du lac Sinoe, en Roumanie.
• Le delta offre au cormoran pygmée un des sites de nidification les plus importants du monde. 2 500 couples s'y rassemblent.
• On compte 5 couples de pygargues à queue blanche dans le delta. L'envergure de ce rapace peut atteindre plus de deux mètres.
• Le balbuzard pêcheur est un rapace en voie de disparition dans la région. Officiellement, 3 couples seulement ont été répertoriés. Sous, les serres, des excroissances charnues lui permettent de mieux retenir les proies glissantes.
• Le tadorne casarca, cette espèce de canard peu répandue, serait représentée du côté de l'île Popina, sur le lac Razelm, en Roumanie, par une dizaine de couples, un chiffre non confirmé officiellement.
• Les amis de la nature espèrent, sans en être sûrs, que l'érismature à tête blanche
, oiseau très rare repéré aussi dans le sud de l'Espagne, niche encore dans le delta.
• L'esturgeon, venu de la mer Noire, remonte le fleuve et ses affluents. Il peut mesurer jusqu'à quatre mètres de long.
• On trouve le silure, parfois nommé à tort poisson-chat, sur l'ensemble du Danube mais plus encore à l'embouchure. Très vivace, le silure peut capturer les petits oiseaux et mammifères. Sa chair est excellente.
• La loutre commune, carnivore au poil épais et soyeux, a beaucoup souffert de la pollution le long du fleuve mais reste abondante dans le delta.
• Le chien viverrin est un canidé nocturne qui se regroupe en famille de 5 ou 6 individus. Il se nourrit de petits rongeurs, de poissons, de glands, de baies et de fruits.
Différends territoriaux
À 44 kilomètres au large du delta en Mer Noire se trouve l'île des Serpents, un territoire de 0,17 km2 cédé de force par la Roumanie à l'URSS en 1948, aujourd'hui ukrainien. C'est aussi le cas de cinq îles du bras de Chilia : Dalerul mare, Dalerul mic, Coasta Dracului (en aval de Pardina), Maican (près de Chilia) et Limba (au sud du delta de Chilia). Ce litige concerne aussi le statut du port de Sulina (qui deviendra frontalier de l'Ukraine si celle-ci gagne devant la Cour internationale de justice) et 12.200 km2 d'eaux territoriales riches en gaz et pétrole.
En 2004, l'Ukraine a inauguré des travaux sur le canal de Bystroe dans sa partie du Delta, pour créer une voie navigable entre la mer Noire et la lagune de Conduc (Sasyskyi lyman). Ce projet a été vivement critiqué par des nombreuses organisations écologistes internationales en raison de ses impacts environnementaux. L'Union européenne a encouragé l'Ukraine à abandonner ce projet, car dommageable pour les écosystèmes locaux et environnant le delta. Mais ce canal a été achevé le 14 mai 2007, alourdissant le contentieux roumano-ukrainien devant la Cour internationale de justice.
Le 3 février 2009, celle-ci a rendu un arrêt concernant les 12.200 km2 d'eaux territoriales en litige, attribuant 9700 km2 à la Roumanie et 2500 à l'Ukraine : la frontière maritime est donc désormais délimitée, seules restent en litige les cinq îles du bras de Chilia et la digue nord du port de Sulina. (Wikipédia)

Les couleurs sont merveilleuses, l’eau se diluant dans la verdure par une étonnante alchimie. Philippe s’en donne à cœur joie, avec son énorme réflex doté de monstrueux objectifs. Nicolae, qui a pensé à tout, distribue à chacun un gobelet de zwicka afin de maintenir constante notre température interne. Marc a du mal à se connecter avec son Iphone, constatant avec regret que le Delta du Danube n’est pas relié au WiFi. Heureusement que sa console Archos, qui dégorge de « nanars », passe partout.
Escale pour déjeuner dans un village de pêcheurs, au fin fond des terres connues. Nous sommes accueillis « chez l’habitant », dans une charmante petite maison roumaine, par une Mama portant l’habit local. Quel dommage que de ne pas parler la langue. Je suis certain que ces paysans au teint buriné ont des tas de choses à raconter. Je ne peux m’empêcher de penser à cet excellent travail d’ethnologie dont j’ai terminé la lecture dans l’avion (4) :  

Cet ouvrage est indispensable et à lire dans la foulée du roman de Bram Stocker. Car dans Où sont passés les vampires ? Ionna Andreesco (Payot et Rivages, 1997, réédition en 2004) se livre à un véritable travail d’ethnologie scientifique, arpentant les villages les plus reculés de Transylvanie pour recueillir les témoignages des paysans sur les non-morts. L’enquête a été réalisée avant la chute du rideau de fer, et les langues, naturellement peu disantes, ont énormément de mal à se livrer. Heureusement, notre enquêtrice est roumaine et de surcroît la parente de la femme du Pope de l’un de ces villages. Alors ? Et bien on apprendra des choses stupéfiantes, comme la pratique de cette cérémonie du réenterrement, sept années après la première inhumation, pour s’assurer que le défunt n’a pas fait des siennes. Ce qui arrive, comme avec ce fameux Dodu dit le Bulgare dont la mort n’a pas affecté la violence de ses appétits charnels. Les techniques pour mettre fin à ces activités sont bien connues : un pieu enfoncé dans le cœur et la tête coupée.
On ressort de cette lecture troublé : les vampires existent, c’est évident, et le père de Dracula s’est bigrement bien documenté !

Après un petit verre de zwicka pour ouvrir l’appétit, la maîtresse de maison, assistée de sa petite fille, apporte la « bouillabaisse » du Danube, composée de carpe et de silure. Catherine est un peu crispée, mais se détend à l’arrivée des coupelles de sauce à l’ail. La dégustation se fait dans l’ordre suivant : le poisson bouilli, la soupe, puis le poisson grillé. Fameux, avec un petit coup de blanc ! Hugo n’osera pas en demander un second verre.
Retour en bateau à Tulcea. Il fait vraiment frais cette fois et nous mettons doudounes sur blousons, nous transformant en bibendums marins. La route aquatique semble sans fin ; heureusement que Nicolae a prévu une nouvelle tournée de zwicka, afin de plonger l’équipe dans une torpeur glacée. Nicolas, pour sa part, trouve le moyen de visiter « les toilettes qui sont propres » au moment où nous sommes doublés par un puissant bateau. Les vagues font vibrer violemment notre frêle esquif et nous avons une pensée émue pour le jet du libraire d’Empreinte…..
Petite pause sur la Falaise et son épicerie dans laquelle nous faisons figure d’habitués. Catherine choisit quelques bouteilles de vin blanc pour Hugo. J’achète pour ma part deux bouteilles de Palinka, autre alcool local, l’une à la cerise, l’autre, pour rester dans le ton, « polaire ». Elle finira dans le lavabo de la chambre d’hôtel, ayant constaté que l’alcool à 90 degrés était un véritable délice comparé à ce breuvage.

La pálinka est une eau-de-vie traditionnelle produite en Hongrie et en Transylvanie (en roumain elle s'épelle palincă). Le mot est d'origine slave et se rapproche du slovaque páliť, signifiant distiller.
La palinka peut être faite à partir de prunes (szilva), de pommes (alma), de poires (körte), d'abricots (barack) ou de cerises (cseresznye). Elle subit une double distillation.
La quantité d'alcool varie de 35 à 70%, 40% étant le maximum légal pour la vente en magasin. Les versions les plus alcoolisées sont surnommées en hongrois kerítésszaggató, ce qui signifie littéralement « défonceur de barrière » par allusion aux pertes d'équilibre des ivrognes. Ces versions artisanales, hazi pálinkák, ne sont pas commercialisées, mais sont néanmoins aisément disponibles.
En 2004, la Hongrie (ainsi que quatre comtés d'Autriche) a obtenu de l'Union européenne les droits exclusifs sur l'appellation commerciale pálinka, pour des boissons distillées uniquement à base de fruits. La fabrication de pálinka a toujours été étroitement contrôlée par l'état et seules des distilleries enregistrées sont autorisées à en fabriquer. La distillation clandestine est considérée comme encore fréquente, que ce soit pour la contrebande ou la consommation personnelle. La palinka frelatée peut contenir du méthanol, un poison susceptible de rendre aveugle ou tuer. La très mauvaise palinka artisanale est nommée en hongrois guggolós, signifiant que vous passerez désormais « courbé » sous les fenêtres de la maison où on vous en a donné, pour éviter une nouvelle tournée. Selon une explication plus courante et plus fleurie, c'est la position du corps de celui qui fuit la maison pour aller vomir dans les buissons.
La palinka traditionnelle était un élément important de l'alimentation villageoise. Le travail agricole était physiquement exigeant et les repas comprenaient surtout du pain, du lard, du jambon et des oignons. Le petit verre de palinka aidait à faire passer cette alimentation malsaine. Néanmoins, l'alcoolisme était fréquent, à tel point qu'un berger pouvait se vanter de boire un litre de palinka et d'être encore capable de guider son troupeau. La palinka est encore fabriquée en grandes quantités, mais la plupart des alcooliques sont maintenant passés aux vins bons marchés, surtout en raison du prix élevé de la palinka.. (Wikipédia)

Nicolae nous emmène à son domicile, où Milhaia nous attend pour un goûter-apéritif. Philippe capitule et regagne sa garçonnière. Nos amis demeurent rue 1848, une rue qui a bien changé depuis ma dernière visite. Les tuyaux de chauffage-central « aérien » ont disparu, le chauffage étant maintenant diffusé par le sol. Et la rue s’égaye maintenant de plusieurs magasins, dont une supérette qui dixit Nicolae est devenue la résidence secondaire de Madame Ariton.
L’appartement de nos hôtes est toujours aussi cosy, et la bibliothèque dégorge d’ouvrages de SF, en roumain et en français. Nicolae nous montre avec fierté sa collection de SF-Mag (mais oui, et sans Pelosato !), une revue roumaine dans laquelle il collaborait. Je parle au passé puisque cette revue a collapsé. Milhaia apporte d’énormes gâteaux. Nous sommes aujourd’hui le lundi de la Pâque orthodoxe, et c’est le jour des morts. La tradition veut que l’on partage ce jour là le gâteau des morts (un superbe gâteau au fromage blanc, style gâteau au pavot polonais) accompagné de vin rouge de Moldavie…… et de zwicka, évidemment.
Mais la journée n’est pas terminée. Nous quittons nos amis qui nous remettent quelques bouteilles de prune locale, dont une pour Lord Ton. Sur le chemin du retour, nous faisons escale dans une épicerie-charcuterie-bureau de tabac, en prévision des imprévus du lendemain. Saucisses fumées et cascaval sont à l’honneur. Nous rejoignons notre palace socialiste pour déguster le dîner-compris-dans-le forfait. Philippe nous rejoint après une petite récupération. Mais les savanturiers sont épuisés. Il n’y aura pas de combat ce soir pour arracher des pichets de vin blanc. La soupe est fade et le poulet pané sans intérêt. La table de l’Hôtel Delta (Trois Etoiles) ne satisfera pas encre cette fois aux tests rigoureux demandés pour figurer dans Les Bonnes Tables de Monsieur Philippe (5).

Mardi 13 avril 2010

Après avoir ingéré nos produits chimiques du matin, nous prenons congé de Nicolae qui est venu nous dire au revoir dans le hall de l’hôtel. Il me confie encore deux petites bouteilles de zwicka pour la route. En parlant de route, j’en profite pour ouvrir ma carte de la Roumanie et je demande à Adrien quelle direction il compte prendre pour rallier notre prochaine étape, Brasov. Il me montre un trajet incroyablement long, qui n’est assurément pas la route la plus directe. Je le lui fais remarquer, pointant le trajet le plus simple par Braila. Et de me rétorquer par gestes qu’il faut par cette route emprunter un bac à péage, ce qui n’est pas prévu dans notre « forfait ». Et bien nous paierons cet « extra cash », qui s’élève à la somme colossale de 40 leis (10 Euros) !
Les deux Nicolas ajoutent que nous passerons par ce chemin à proximité d’un monastère qu’il pourrait être intéressant de visiter. Alors que le véhicule va démarrer, l’hôtesse de la réception se précipite et me pointe du doigt. J’ai pris une bouteille d’eau minérale dans le mini-bar que j’ai oublié de régler. Cela me coûtera 4 leis (1 euro).
Au revoir Tulcea. L’Iphone de Nicolas grésille. L’Empreinte’s Team est en pleins travaux d’aménagement à Espéraza et le livreur espagnol de carrelage, perdu dans la bourgade audoise, appelle pour qu’on lui indique son chemin. Suit une scène surréaliste dans laquelle Céline joue au GPS sur les bords du Danube pour piloter le pauvre artisan, à 3000 kilomètres de distance…..
Je suis le trajet sur la carte, et arrive rapidement à la conclusion qu’Adrien s’est trompé ; et le problème de langue ne peut être en cause, Nicolae lui ayant expliqué où se trouvait le monastère. Le chauffeur finit par reconnaître son erreur. Demi-tour, puis il emprunte un raccourci, au péril des essieux du mini bus….. Adrien fulmine, il n’aime pas l’improvisation. Nous arrivons au monastère de Cocos sur le coup de midi, ayant allégrement perdu notre matinée pour faire 30 kilomètres. L’ensemble est imposant et en pleins travaux d’agrandissements. Nous ne verrons pas les moines, car c’est l’heure de la soupe, sauf le frère portier qui gère une petite boutique. Hugo fera provision d’icônes kitsch. Nous réintégrons le bus où nous dégustions les provisions faites le soir, arrosées de zwicka. En guise d’apéritif bien sûr.
Bac de Braila. Le spectacle est toujours aussi folklorique ; une lourde embarcation chargée jusqu’à la gueule d’énormes camions et de quelques voitures. Les vendeurs de « bretzels » font leur petit commerce ; il est 13 heures, et la faim nous tenaille. J’explique laborieusement à Adrien qu’il faudra nous arrêter à un restaurant.
Le bus traverse Braila, une ville relativement importante au parfum socialiste prononcé. Nous croisons plusieurs restaurants, mais Adrien continue sa route. Nous sortons de la ville, direction Buzau. J’interpelle Adrien qui me fait comprendre qu’il n’y a rien d’intéressant à Braila. A force de protestations, il finit par nous abandonner sur le bord de la route, dans ce que l’on pourrait qualifier d’un routier roumain. Il est 15 heures, et notre arrivée suscite émoi et curiosité. La carte est illisible, mais la mention de « mititei » me fait saliver. Ce sont ces fameuses boulettes aux trois viandes (porc, bœuf et agneau), mélangées à de l’ail, oignon et herbes, le tout grillé. Hélas, la patronne nous explique qu’il n’y en a plus, nous nous rabattons sur des salades mixtes, du cascaval pané et des grillades carbonisées, le tout accompagné de Mamaliga.

La mamaliga (littéralement bouillie de semoule de maïs) est un plat traditionnel roumain à base de maïs jaune. C'est l'équivalent de la polenta, sa forme italienne, mieux connue dans le
La mamaliga est l'un des principaux plats traditionnels de la Roumanie, historiquement un plat rural. Il servait souvent de substitut au pain, voir d'aliment de base dans les régions rurales pauvres. Toutefois, au cours des dernières décennies, il s'est affirmé comme un plat haut de gamme servi dans les meilleurs restaurants.
Traditionnellement, la mamaliga se prépare en faisant bouillir un mélange d'eau, de sel et de semoule de maïs dans un pot de fonte de forme particulière appelé ceaun. Lorsqu'elle est préparée à la manière paysanne et utilisée comme substitut du pain, la mamaliga roumaine est censée être beaucoup plus épaisse que la polenta italienne au point qu'on peut la découper en tranches, comme du pain. Quand elle est préparée à d'autres fins, la mamaliga peut être plus moelleuse, allant jusqu'à la consistance d'une bouillie. Comme la mamaliga adhère aux surfaces métalliques, on la découpe habituellement à l'aide d'un fil, et on la mange en la prenant avec les doigts, comme on ferait avec du pain.
La mamaliga est souvent servie accompagnée de crème aigre et de fromage (mămăligă cu brânză şi smântână) ou écrasée dans un bol de lait chaud (mămăligă cu lapte). Parfois les tranches de mamaliga sont poêlées à l'huile ou au saindoux, le résultat rappelant le pain de maïs.
La mamaliga pouvant servir de substitut au pain dans de nombreux plats roumains, nombreux sont ceux à base de mamaliga ou qui l'incluent d'une manière ou d'une autre. Le plus populaire d'entre eux est sans doute le sarmale (genre de chou farci) à la mamaliga. (Wikipédia)

Hugo passe derrière le comptoir pour faire un point œnologique et revient avec quelques bouteilles soigneusement sélectionnées.

Après Buzau, le paysage change du tout au tout ; la plaine fait place à un relief de plus en plus mouvementé. Nous entrons en Transylvanie et commençons à gravir les premiers contreforts des Carpates. Il est 18h30, et dans le cadre d’un « arrêt pipi », nous faisons escale au « Complex Turistic Magura ». Un magnifique hôtel restaurant style chalet en bois ; les chambres sont sous forme de minuscules huttes. Nous nous attablons à une immense table. Et nous craquons. Catherine est ravie. Ce sera un défilé de mititei (enfin), cascaval, charcuteries et crêpes aux fruits. Service efficace et souriant. Et une entrée dans Les Bonnes Tables de Monsieur Philippe, une :


Complex Touristic Magura

(route de Buzau à Brasov, tél 0238 524 531, www.compexmagura.ro).

Une excellente auberge de montagne, qui fait penser à un chalet tyrolien. Les chambres, disséminées dans un grand parc, sont elles-mêmes de micro-chalets. On y prend son repas sur de grandes tables en bois et on y déguste de nombreuses spécialités locales, charcuteries, viandes grillées mititei etc. Service aux normes capitalistes, c’est à dire qu’ici, on s’occupe du client.

Le chauffeur fulmine, car la route est encore longue. Nous allons à Poliana Brasov, petite station de sports d’hiver située à 12 km de la ville de Brasov. Il fulmine tellement qu’il va encore une fois trouver le moyen de se planter. Et les 12 km se transforment en une cinquantaine de kilomètres, dans la nuit et par une route de montagne. Nous arrivons à l’hôtel Bradul à 23 heures bien sonnées. La réceptionniste nous demande d’aller dîner tout de suite, vu l’heure tardive. Et là, nouveaux gags. D’abord parce que l’hôtel, étant construit sur plusieurs niveaux, il nous faudra accomplir un véritable parcours du combattant, franchissant couloirs sombres, salles glauques et escaliers improbables pour trouver la salle à manger. Ensuite parce que nous sommes accueillis par un buffet plus que famélique et un serveur qui nous précise qu’il n’y a plus qu’une bouteille de vin. Hugo est blême, Marc défaille et je prends la décision d’annuler le dîner du lendemain compris dans le forfait de cette auberge !

Mercredi 14 avril 2010

L’hôtel Bradul a au moins un avantage, c’est de disposer du WiFi. Je peux écouter Europe 1 sur mon Iphone, et comprends qu’un volcan islandais fait des siennes et que les aéroports européens sont fermés jusqu’à vendredi pour cause de nuage de poussière. Nous rentrons dimanche en France, et tout cela est bien lointain.
En route pour Sighisoara, notre visite de la journée. Adrien trouvera le moyen de nous larguer dans un endroit complètement paumé, ignorant le parking du centre ville beaucoup plus commode. Une forme de vengeance ? Nicolas le surnommera désormais « mon petit bouchon ».

Sighisoara est une adorable cité médiévale, avec sa citadelle, ses églises et ses tours dont la fameuse Tour de l’Horloge. La ville est du reste inscrite au Patrimoine Mondial de l’Humanité (UNESCO) : « Fondé par des artisans et des marchands allemands, appelés Saxons de Transylvanie, le centre historique de Sighisoara a gardé de manière exemplaire les caractéristiques d’une petite ville médiévale fortifiée qui a eu pendant plusieurs siècles un rôle stratégique et commercial notable aux confins de l’Europe centrale. » Mais c’est aussi la ville natale de notre ami Vlad Tepes. Sa maison se visite d’autant plus facilement qu’elle est aujourd’hui un restaurant, la Casa Vlad Dracul. Une escale évidemment incontournable pour nos savanturiers. Je laisse parler Les Bonnes Tables de Monsieur Philippe :

Casa Vlad Dracul
(str. Cositorarilor 5, Sighisoara, tel 0265 773 304).
Vous ne pouvez pas rater la maison natale de Vlad Tepes, d’abord parce qu’elle est située sur la place principale de la vieille ville, ensuite parce qu’elle est indiquée par force panneaux on ne peut plus kitsch. Cette antique demeure a été entièrement transformée, avec un bar-pâtisserie au rez-de-chaussée et deux salles de restaurant à l’étage, plus une jolie terrasse aménagée. Statues et tableaux de Vlad Tepes ornent l’ensemble, et dans l’une des salles à manger on peut encore voir des gravures très anciennes dans le mur, représentant notamment Vlad avec son père et son frère. La carte est impressionnante et truffée de clins d’œil touristiques : l’apéritif est bien sûr « le baiser du vampire » et la spécialité locale « le Pieu », sorte de mixed grill recouvert de ketchup. Mais les nourritures traditionnelles sont aussi à l’honneur, comme cette excellente assiette de charcuterie de campagne ou encore ces truites magnifiques qui ont su garder la chair blanche. Une belle adresse !

Après cet excellent moment particulièrement apprécié par Marc, nous faisons une petite promenade digestive. Le buste de Vlad Tepes trône toujours sereinement, devant la jolie petite église protestante de la vieille ville.
Retour à Brasov pour une petite visite rapide. Adrien, bien sûr, se garera encore une fois n’importe où.

Brasov (Kronstadt en allemand) se situe autour de la colline Tâmpa, dans la région de Ţara Bârsei, à la courbure des montagnes Carpates, dans la partie sous l'influence saxonne de la Transylvanie historique. Elle est jumelée avec les villes de Tours en France, avec Minsk la capitale de la République de Bélarus, Cleveland de l'État de l'Ohio et Tampere, deuxième ville de Finlande.
Elle fut construite en 1211 par l’Ordre teutonique comme fief de l'ordre avec un ensemble de fortifications puissantes qui devaient pouvoir arrêter ou limiter l'effet destructeur des invasions mongoles (et tatares) qui avaient à l'époque décimé le territoire à l'est qui correspond à l'Ukraine de nos jours — beaucoup de Russes d'Ukraine avaient alors fui vers Moscou et les régions du nord. Après ces invasions, l'ordre se déplaça peu à peu vers le nord de l'Europe et la ville continua à se développer avec une population allemande importante et une population roumaine minoritaire jusqu'au début du XX ème siècle. En 2005, la population était de 328 702 habitants pour la ville elle-même et plus de 600 000 pour le judeţ de Braşov. La ville est un centre touristique important et la plus grande station de ski de l'Europe de l'Est. Elle est depuis longtemps un important centre économique. (wikipédia)

Petit tour dans les librairies. Hugo achète un DVD d’ufologie nanar. Nous n’avons pas le temps d’explorer tous les trésors de la Gand Place et de son église noire……. Coup de fil de l’agence de voyage française avec laquelle j’ai organisé le tour. Je me fais remonter les bretelles. Le chauffeur s’est plaint : nous ne respectons pas les itinéraires, ni ses horaires. « Le petit bouchon » n’est de surcroît pas très franc du collier !

Après un petit stop à l’hôtel Bradul, nous partons pour la soirée que j’ai réservée pour nos amis au Sura Dacilor, une façon d’éviter le repas compris dans le forfait. Je reprends la notule écrite il y a de nombreuses années, et à laquelle il n’y a rien à changer :

Sura Dacilor
(Poliana Brasov, tél 068/262327).
Poliana est la station de sports d'hiver située à quelques petits kilomètres de Brasov. On essayera cette authentique maison des daces, au toit en chaume et aux murs laiteux de chaux. Ne résistez pas, en apéritif, à la zwicka servie bouillante ; la tête vous tournera vite. Alors, précipitez vous sur l'assiette de cochonnailles locales et sur le sarmalé, de délicieux rouleaux de feuilles de choux en saumure, de feuilles de vigne ou de tilleul, farcis de viande hachée et de riz. Et surtout, ne dites pas que vous êtes français. La charmante patronne risquerait de vous offrir une tournée supplémentaire de zwicka.

Toute la petite équipe tombe en effet sous le charme du lieu, décoré de nombreux gris-gris et de trophées de chasse. La zwicka chaude fait l’unanimité. Marc une nouvelle fois tombe en épectase en feuilletant la volumineuse carte : l’assiette de la chasse fera de nombreux adeptes (avec sa petite tranche de viande d’ours), concurremment au délicieux Sarmalé et aux inévitables mititeis. Un orchestre folklorique accompagne notre dîner, pour le plus grand plaisir de Vladimir qui danse de bonheur.
Je passe dire bonsoir aux équipes de l’Empreinte’s Team dans leur chambre. Catherine et Hugo arrivent avec quelques bouteilles de vin blanc pour fêter la réussite de la soirée.

Jeudi 15 avril 2010

Les nouvelles ne sont toujours pas fameuses, et le trafic aérien reste paralysé en Europe……. Théoriquement encore jusque vendredi.

 

Notre journée sera totalement consacrée au Saigneur des Carpates, avec une première escale à Bran, à quelques dizaines de kilomètres de Brasov. Bran est devenu un haut lieu du tourisme vampirique, avec son château de légende. Le lien entre ce dernier et Vlad Tepes est ténu, voire inexistant. Selon un guide touristique de la région (cf infra), Vlad III l'Empaleur, après avoir perdu son trône, a reçu de Iancu de Hunedoara
la tâche de défendre la frontière de sud de la Transylvanie. Dans ce contexte, il « aurait pu faire halte dans le château ». Mais aucun document historique ne corrobore la présence de Vlad à Bran. De plus, le château n’a jamais été propriété de la Valachie pendant le règne de Vlad. Mais le cinéma en fera ses choux gras. Il est vrai qu’il est tout à fait caractéristique du « romantisme saxon » et correspond parfaitement à l’image que l’on peut se faire du château de Dracula. On se souvient tous de son impressionnant mur de pierre, immortalisé dans Nosferatu, film dans lequel on voit la créature de la nuit se livrer à une impressionnante escalade à la seule force de ses ongles. J’ai visité ce château pour la première fois en 1973, et il était dans un état de total délabrement. Il a été restauré depuis, aménagé avec meubles anciens et tableaux appropriés, et force est de constater qu’il est magnifique. Un peu d’histoire :

Le premier château a été construit par les Chevaliers Teutoniques au début du XIII ème siècle pour contrôler la passe Rucăr-Bran, une route commerciale stratégique importante. Ce château initial était en bois et la garde permanente était constituée de soldats locaux et de quelques chevaliers de la ville voisine de Christian, construite aussi par les Chevaliers Teutoniques.
La tour de garde en bois fut assiégée et brûla totalement en 1242 lors de l'invasion des Mongols.
En 1377, le roi de Hongrie Sigismond de Luxembourg, gouverneur de Transylvanie, missionne le bourg de Braşov pour construire une nouvelle forteresse de pierre au sommet du Rocher de Dietrich, pour établir une position défensive sur la passe. Il s'agit aussi de collecter les droits de douane des marchands qui l'empruntaient. Une fois achevé, le château et ses environs sont gouvernés par un homme (nommé castellan) payé par la Chambre du Conseil de Braşov. À l'origine, la garnison est composée d'archers anglais. Durant la période médiévale, le château passe plusieurs fois aux voïvodes de Valachie, comme Mircea I l'Ancien (Mircea cel Bătrân). Il est amélioré et des tours sont ajoutées. En 1663, la Tour poudrière explose et endommage gravement le côté ouest du château, mais elle est reconstruite.
Le 1er décembre 1920, les habitants de Braşov offrent le château à la famille royale de Roumanie par la voix de leur maire, Karl Schnell.

Le château reste vingt-sept ans dans la possession de la famille royale. La reine Marie a été attirée par le château pas seulement pour sa position mais aussi pour « son ambiance médiévale dans laquelle la souveraine c'est parfaitement intégrée ». Elle a fait donc de Bran sa résidence préférée, à côté de Baltchik. Entre 1920 et 1930 le château est amélioré et transformé en résidence d'été. Les travaux sont conduits par l'architecte tchèque Karel Liman qui avait travaillé également aux châteaux de Peleş et Pelişor. Après la cession de la Dobroudja de sud à la Bulgarie, en 1940, le coeur de la reine Marie est déplacé de Baltchik, où il a été enterré et déposé dans la colline faisant face au château Bran.
En 1927, pendant le règne de la reine Marie, on découvre le célèbre passage secret. Le passage relie deux étages du château et on suppose qu'il avait été installé pour espionner ou pour évacuer les lieux plus facilement. Un tunnel secret est aussi mis au jour, qui relie la fontaine du jardin intérieur à la base du château, le jour où un enfant tombe dedans accidentellement.

Le château est transformé en musée national et est ouvert aux visiteurs dans les années 1950.
Le 26 mai 2006, le château de Bran a été restitué à son propriétaire, Dominique de Habsbourg, le petit-fils de la reine Marie, 58 ans après avoir été confisqué par les communistes. Cet architecte de 68 ans, vivant aux Etats-Unis, a conclu une entente assurant que le château restera un musée durant au moins trois années supplémentaires. L'avenir du château suite à ces trois années est aujourd'hui indéterminé mais il est possible que Dominique de Habsbourg décide soit de le garder, soit de le vendre à la Roumanie dans les trois prochaines années.
Le 10 janvier 2007, la famille Habsbourg décide de mettre en vente le château de Bran, pour la somme de 60 millions d'euros. Suivant les sources, le château attire entre 400 000 et 500 000 visiteurs par an, à cause de son statut de « château de Dracula », et générerait environ 1 millions d'euros de recette de ses visites. L'État de Roumanie, intéressé par le rachat du château, déclare cependant que « [le prix] est indécent et exagéré par rapport à la valeur réelle du château », qui selon lui serait estimé à 25 millions d'euros.(Wikipédia).

Le château possède maintenant sa boutique, et les saventuriers vont faire main basse sur les trésors locaux. Nicolas fera provision de vidéos sur l’histoire du lieu et d’une délicieuse chauve-souris-vampire emprisonnée dans un bloc de plastique. Je ramasserai pour ma part les nombreuses brochures disponibles pour Le Sang du Bibliothécaire :

Intéressante petite brochure que le Dracula du Pr. Ioan Praoveanu (C2 Design, 2003).
Un fascicule comme en circulent de nombreux sur les sites touristiques transylvains, destiné à remettre les pendules à l’heure. Vlad Tepes est un héros national roumain, qui s’est illustré par la défense de son peuple contre l’ennemi turc. Et s’il utilisait des méthodes plutôt viriles pour châtier les traitres, sa transformation en créature sanguinaire fut le fait de ses ennemis, notamment allemands, qui par le biais de chroniques sanglantes cherchèrent à le discréditer. Il est vrai que Vlad Tepes avait aboli leurs privilèges, notamment commerciaux, afin de donner la préférence « nationale » à ses sujets.

Autre plaquette destinée à l’édification des touristes visitant la Roumanie, Dracula, Mythe ou Réalité de Daniel Tiberiu Apostol, éditée par le musée de Bran (2006)
L’iconographie est fort agréable, et la thématique est toujours la même, rétablir la vérité sur le personnage historique de Vlad Tepes, versus Dracula.
A noter dans ce fascicule un développement intéressant sur « L’Ordre du Dragon ». Un ordre similaire aux autres ordres de chevalerie de l’époque, fondé par le roi hongrois Sigismond de Luxembourg en 1408. Créé à l’origine pour protéger la famille royale, il est ensuite devenu un ordre de la Croix, dont l’objectif était de protéger la chrétienté contre tous les ennemis, notamment les Turcs, comme il est stipulé dans ses statuts. La structure initiale comportait 24 membres, dont des personnages emblématiques tels le roi d’Aragon et de Naples, Alfonso ou encore Stefan Lazarevic de Serbie. Il choisit comme symbole l’image circulaire d’un dragon avec la queue enroulée autour de son propre cou. Sur le dos de l’animal, de la base du cou jusqu’à la queue, est posée la croix de Saint-Georges, dont la représentation est couchée sur un drap d’argent. Le blason d’une des classes de l’Ordre représentait un dragon strangulé par sa propre queue, avec une croix drapée derrière.
Pendant la première moitié du XV ème siècle, la rapide ascension de l’Empire Ottoman menace l’Europe. Le Pape propose au roi hongrois d’organiser une croisade, afin d’éliminer le péril ottoman et lui promet tout son soutien. Il accepte, à condition que l’opération soit menée sous l’égide de l’Ordre du Dragon, donnant à cette organisation un caractère politique et militaire.
Vlad le Diable, de la maison des Basarades, père de Vlad l’Empaleur, était membre de l’Ordre. Candidat au trône de la Valachie, il avait entrevu les avantages de sa participation à une telle alliance. Le roi hongrois accepta immédiatement sa candidature, souhaitant sécuriser les frontières du sud-est de la Transylvanie, menacées par de nombreuses invasions turques. En contrepartie, le roi le soutiendra dans sa lutte pour conquérir le trône du pays roumain. Vlad l’Empaleur rejoindra son père dans l’Ordre et adopta la signature de « Dracula », qui signifie « Dragon » ou Diable ».

Vlad Tepes, Dracula (Ad Libri, 2009)
est une autre jolie plaquette destinée aux touristes. Multi-langues (roumain, anglais, français), elle nous propose une iconographie magnifique sur les hauts lieux de Roumanie hantés par le Prince. Cette figure historique est emblématique pour les Roumains, en dépit de toutes les exagérations dont il fut victime. Plusieurs légendes du folklore roumain ont rendu célèbre la capacité du voïvode d’avoir su imposer à ses sujets l’honnêteté, au point de ne pas oser voler la moindre coupe en or posée au bord d’un puits.


Nous terminerons notre visite par le « Dracula’s Market » qui s’étend d’années en année. On y trouve tout, des tee-shirts bien sûr, des gravures du meilleur goût (j’en rapporterai une à Audrey la Sorcière qui n’a pas pu se joindre à nous), des pieux, des cercueils miniature, de la charcuterie locale et du cascaval…… Hugo, fin connaisseur, se contentera d’une pipe « Dracula » et d’un fume-cigarette « Vlad Tepes ».
Le temps s’est sérieusement dégradé et c’est sous une pluie battante que nous rejoignons Adrien qui nous attend patiemment dans le mini-bus. Destination Poenari, autre haut-lieu du Mythe, après avoir sérieusement briefé le chauffeur sur l’itinéraire à emprunter. Et lui ayant rappelé, il est midi, qu’un arrêt restauration serait le bienvenu.
Nous finissons par nous arrêter, sous une pluie battante, dans une cité improbable qui a pour nom Campulung. Cyril est chargé du repérage gastronomique et revient dans le bus, trempé mais souriant : j’ai trouvé. Et de nous emmener dans une gargote typique, où la clientèle au teint couperosé est assoupie devant d’immenses chopes de bière au son d’une télévision high tech. Mais la patronne a flairé la bonne aubaine et fait déménager, en les regroupant dans un coin, ses soiffarts de l’Argès, afin de nous proposer une table à la dimension de notre groupe. La négociation linguistique pour passer la commande se déroule d’autant plus facilement que Céline s’est découverte un véritable don en « parler le roumain ». Il y a du vin, Hugo est ravi. Il y a de la salade mixte, et tout le monde est satisfait. Mais lorsque l’on apprend qu’il y a des mititeis avec des frites, c’est l’explosion de joie. Il faut savoir que dans les restaurants roumains, ces adorables bestioles se commandent à l’unité. La tenancière demande combien nous en voulons par personne. En bon Odésiarque, je réponds : deux. Marc, mon voisin de table, se retourne vers moi en tremblant : mais Philippe, aurons nous assez ? J’explose : mais si tu en veux une douzaine, dis-le ! Malgré ce grave incident (sourire), le repas se passe dans la convivialité odésienne habituelle. Il faut dire que les mititeis sont servies avec une délicieuse moutarde roumaine et la sauce à l’ail devenue légendaire. Hugo terminera du reste les coupelles par la technique suisse de « l’ingestion directe » (en français, « glou-glou »).

La pluie a cessé, et en route pour Poenari, le château « historique » cette fois de Vlad Tepes, situé dans la commune de Corbeni. Adrien n’en a jamais entendu parler, et il faudra le guider au millimètre. Ce château n’a pas la même aura que celui de Bran, et c’est du reste Nicolae qui me l’a fait découvrir. Je reprends ici l’extrait d’un article qu’il avait publié dans notre fanzine Aliens & Vampyres, texte repris dans Et pour quelques gouttes d’hémoglobine (cf road book remis aux savanturiers).

Le château de Vlad Tepes, dit Vlad l’Empaleur, situé sur un roc à l’endroit où l’Argès prend sa source, fait partie de la légende au même titre que celui de Dracula. Du vivant de Vlad Tepes, cette région de Roumanie appartenait à la province de Valachie, autrement nommée Tara Romaneasca, jouxtant la Transylvanie et la Moldavie. Les premiers édifices du château, connu sous le nom de Château de Poenari, ne furent pas l’œuvre de Vlad Tepes puisqu’il n’en découvrit les ruines qu’au XVème siècle, soit un siècle après sa construction. Plus petit que l’ensemble des autres châteaux de Roumanie, celui-ci accusait des proportions de quarante mètres de long et de trente mètres de large. Hissé au sommet d’un pic montagneux au nord de la ville de Curtea-sur-Argès, il était d’importance stratégique en raison de sa proximité des frontières austro-hongroises et faisait ainsi office de poste d’observation pour le château de Bran, plus vaste que son homologue, situé sur l’autre versant des Carpates. Le château fut dévasté lors des invasions turques.

 

En 1456, après sa conquête du trône de Valachie, VladTepes trouva en ses ruines le château-fort idéal. Il fut dès lors reconstruit par quelques familles de boyards dans des conditions proches des travaux forcés. A l’époque, la Valachie se divisait en deux classes principales : les paysans et les boyards. Ces derniers constituaient l’aristocratie locale, propriétaire de grands domaines, en opposition aux paysans qui caractérisaient la classe ouvrière. En outre, les boyards, désireux de dominer la population turque, s’affirmaient dans l’art militaire et, en raison de leur fortune, exploitaient la classe paysanne sous couvert d’un pouvoir collectif dont Vlad Tepes ne manquait pas d’évoquer la menace. Afin de s’en préserver, ce dernier ordonna la suppression des boyards dociles. En 1457, le prince régnant, garant de la loyauté de ses armées, entama une campagne de libération systématique. A Pâques, il fit capturer grand nombre de familles boyardes dont beaucoup furent empalées. Les survivants, dont beaucoup décédèrent après quelques mois, furent contraints aux travaux de reconstruction du château de Poenari. Cette méthode punitive associa la réputation de Vlad Tepes à celle d’un être dur et excessif. Une fois reconstruit, le château de Poenari semblait imprenable. En effet, ses murs pouvaient résister aux forces des canons et soutenaient cinq puissantes tours qui permettaient aux soldats d’exécuter de redoutables tirs croisés. Selon la légende, Vlad Tepes se serait également préservé d’une éventuelle défaite en ordonnant la construction d’un tunnel secret au travers de la montagne, qui reliait la fontaine du château à une cavité rocheuse en bordure de l’Argès. Finalement, les Turcs assiégèrent et conquirent le château de Vlad Tepes en 1462. De ce fait, sa femme se suicida en se jetant dans l’Argès tandis qu’il parvenait à fuir par le fameux tunnel. En 1476, il fut assassiné alors qu’il venait de récupérer le trône de Moldavie. Selon la légende, il fut décapité, mutilé puis jeté au fond d’une mare proche du monastère de Snagov, situé en périphérie de Bucarest. Il est dit que son corps fut décapité et dissimulé à l’abri d’une crypte. Toutefois, quelques recherches effectuées en 1931 ne permirent d’y trouver que des ossements d’animaux. Après la fuite de Vlad Tepes, le château, délaissé par son successeur Radu del Frumos, dit Raclu le Beau, fut de nouveau assiégé par les turcs puis abandonné. Après que Bucarest devint capitale de la Valachie, le château de Poenari demeura en ruines et fut soumis aux débordements de la végétation. Quelques murs tombèrent dans le lit de l’Argès avant qu’un violent séisme n'accentue la dégradation totale du château, en 1940. La résidence de Vlad Tepes ne fut réellement connue qu’en 1960 grâce aux recherches de deux scientifiques Raymond T. McNally et Radu Florescu qui considérèrent le personnage historique comme étant celui dont s’inspira Bram Stoker pour créer le personnage de Dracula. Pour l’intérêt touristique de la région, le gouvernement alloua quelques crédits en faveur de la restauration des lieux. A propos de Vlad Tepes, on le considéra longtemps comme un vampire, thèse que soutint Bram Stoker en utilisant son modèle afin de façonner le personnage de Dracula. Aussi Florescu et McNally affirmèrent, d’après certains documents découverts, que le prince buvait parfois le sang de ses victimes empalées. Cependant, la pratique, qui consistait à boire le sang de l’ennemi, valait, en ces temps, symbole de victoire totale. On en usait également au Moyen-âge sans que cela fut pour autant assimilé au vampirisme. Pourtant, il se dégage de ces lieux une atmosphère mystérieuse.

Si beaucoup d’investissements ont été consacrés à la restauration du château de Bran, tel n’est pas ici le cas. La citadelle n’est plus qu’une ruine, à laquelle on accède par 1500 marches, avec une vue à couper le souffle sur la vallée de l’Argès. Les photos prises d’avion montrent un étrange vaisseau de pierre qui n’est pas sans rappeler Montségur. Les touristes ne sont pas légion, et la billetterie sise à l’entrée de l’escalier est abandonnée. On remarquera cependant à proximité un « camping Dracula » et une excellente toute nouvelle auberge.

Pensinnea Dracula (Poenari par Corbin). Cet établissement est un peu le pendant, à Poenari, de la « Casa Dracul » à Sighisoara. Le maître des lieux est omni-présent, sous forme de tableaux, de bustes et de reconstitutions diverses. Accueil sympathique et table très riche : spécialités roumaines, produits de la chasse et un choix impressionnant de desserts comme ces excellentes crêpes aux fruits rouges.

Marc franchira les marches à très grande vitesse, sans se séparer de son énorme sacoche. Mais n’y a-t-il que des produits high tech à l’intérieur ? La crise financière l’a-t-elle incité à arbitrer ses sicav contre des lingots d’or ? Nous n’aurons jamais la réponse à cet incroyable mystère. Catherine cale et moi je garde les enfants à l’abri de l’auberge. Adrien donne aux chiens errants le reste de son repas en kit, ce qui fera dire à Catherine qu’il n’est pas si mauvais que cela, notre « petit bouchon ».
Nous reprenons la route avec une petite escale au lac de Vidaru, impressionnant barrage sur les eaux de l’Argès. A l’époque de sa construction, c’était le plus grand barrage d’Europe, et l’on peut encore admirer le monument du meilleur goût édifié à la gloire des réalisations du socialisme triomphant.

Notre escale du soir sera Curtea de Argès et son hôtel Posada qu’Adrien aura bien du mal à repérer. J’en suis arrivé à la conclusion qu’il ne connaît rien et que ça doit être la première fois qu’il participe à une excursion touristique. Les errances du mini bus nous permettront quand même d’apercevoir une imposante statue, édifiée en l’honneur du patriarche de la famille de Vlad Tepes, Bassarade, le papa de notre Vieil Oncle. La cité est tout à fait intéressante à visiter, mais nous n’en verrons rien d’autre que l’hôtel et bien sûr le super marché qui jouxte l’établissement. Selon les goûts de chacun, on y fera provision de zwicka, de vin blanc, de sauce à l’ail ou de moutarde roumaine.

La salle à manger du Posada est immense, pleine de monde, et garnie d’un magnifique buffet vers lequel nous louchons tous en chœur. Mais on nous fait comprendre que ce n’est pas pour nous, mais pour la soirée organisée par l’école locale….. de mannequins. Mannequins en herbe, faut-il le préciser, qui nous infligeront un spectacle folklorique assez bruyant. Seul Vladimir semble succomber aux charmes d’une gracieuse petite danseuse du cru. Pour notre part, nous nous contenterons du dîner compris dans le forfait, avec un poulet insipide et quelques bouteilles de vin extra cash.

Vendredi 16 avril 2010

Cette fois, les aéroports sont fermés jusque Dimanche, et les nouvelles sur Europe 1 sont franchement pessimistes.

Le trajet vers Bucarest se fait sans encombre. Il est vrai qu’il s’agit pour l’essentiel d’une autoroute, et qu’il est difficile à Adrien de se planter. Il n’en ira pas de même à Bucarest, la localisation de l’hôtel Central lui donnant quelques soucis. Nous ferons trois fois le tour du quartier de l’Université, en pleine circulation de midi, avant de nous poser. Un sympathique hôtel moderne où la notion de « service » et de « client » sont manifestement les mots clefs. Nous laissons rapidement nos bagages car l’estomac de Marc commence à nous rappeler à l’ordre. J’emmène les troupes dans une de mes gargotes préférées du centre, tout en admirant la fontaine de sang sur la place de l’Académie Militaire. Ce n’est pas un hommage à notre Saigneur préféré, non. C’est la semaine de lutte contre l’hémophilie…… Malgré les maux de plus en plus violents déclenchés par une hypo glycémie qui tend à devenir collective, nous avons du mal à avancer. Nous longeons en effet les bouquinistes de l’Université qui regorgent de merveilles. Hugo parvient à maîtriser sa soif pour feuilleter quelques pièces rares en matière d’Ufologie.

Le restaurant que j’ai choisi est le « Pescarul », et là encore, rien à changer aux notes que j’avais prises il y a deux ans pour Les Bonnes Tables…..

Pescarul (9A Balcescu Bld, Bucarest, tél 40.1.650 72 44). Le quartier de l’université est sympathique et animé ; mais dur d’y trouver un bistrot ou une terrasse ! Il y a encore de quoi investir. Le seul que j’ai trouvé se trouve tout au sud du boulevard, en face de l’hôtel Intercontinental. C’est sombre, pas vraiment accueillant, avec un petit parfum de nostalgie socialiste (nous sommes en 2008). La carte vaut cependant le détour, même si elle ressemble à un gros dictionnaire. Il y a de tout, et beaucoup de spécialités locales. Je me suis sustenté d’une énorme escalope (de porc), farcie avec des saucisses ! Du très léger, quoi !

Pescarul
signifie pêcheurs, ce qui fait tiquer Catherine. Mais la lecture de l’impressionnante carte la réconcilie très vite avec l’établissement. Et les savanturiers, après le traditionnel « Signe de la Vague » exécuté par Philippe, vont se lâcher : soupe aux tripes, mititeis, escalope cordon bleu fourrée à la cervelle, truite des Carpates…… La carte des vins est tout à fait à la hauteur des exigences de Hugo et la zwicka à la mesure des attentes gouleyantes de Nicolas.
L’estomac un peu lourd, et à une heure avancée de l’après-midi, les équipes s’éparpillent pour un indispensable shopping littéraire. Il est vrai que, outre les bouquinistes déjà mentionnés, le quartier est riche. Je fais visiter à l’Empreinte’s Team la grande librairie de l’Université, qui est un peu pour moi un fantasme : les rayonnages regroupent par thématiques des ouvrages en toutes langues, que ce soit de l’ancien ou du neuf. Une sorte de Joseph Gibert International. Escale également à l’ancienne librairie française, à quelques pas de là, qui à l’époque communiste était un haut lieu de la culture. Nicolas m’y dégotte un magnifique ouvrage sur le château de Bran d’après des cartes postales anciennes. Après une bière bien méritée – une Ursus bien sûr – sur une terrasse du Boulevard Balcescu, nous visitons encore une librairie spécialisée dans les livres anciens, le Mutus Liber local.
Nous nous retrouvons à l’hôtel, ravis. Marc a acheté des bouquins d’Ufologie pour sa Sainteté de Sèvres et Hugo m’offre un joli petit livre ancien sur Curtea de Argès et sa région, avec d’intéressantes gravures du château de Poenari.

Il est l’heure d’aller prendre le dîner compris dans le forfait. Il est à noter que l’Hôtel Central ne fait pas restaurant, mais que pour l’occasion, un repas nous attend dans la salle du petit déjeuner. Service oblige…… La serveuse est charmante, mais on va vite frôler la catastrophe : il ne reste plus qu’une bouteille de blanc ! Hugo sauvera avec maestria la situation en allant dans une petite échoppe, en bas de l’hôtel. On trouve en effet partout de petites boutiques vendant cigarettes, alcool et souvent charcuterie. Le repas est sympathique (malgré le forfait) avec des aspics de poisson en gelée et une daube généreuse. Hugo se livre à d’étranges expériences de télékinésie avec les couverts et s’agenouille pour photographier une bouteille de vin blanc volante.

Samedi 17 avril 2010

Les nouvelles sont toujours inquiétantes et il est de plus en plus évident que nous aurons du mal à rentrer demain à Paris. Mais l’aventure continue.

Le mini bus nous attend pour partir à Snagov, dans la banlieue de Bucarest. Nous avons un nouveau chauffeur. Adrien a dû craquer et se repose dans un hôpital psychiatrique. Snagov est aujourd’hui un centre de loisirs, sorte de compound auquel on accède en passant un péage. Villas, terrains de jeux et de sport autour d’un joli petit lac avec en son centre un ilot sur lequel se trouve le fameux monastère dans lequel est enterré Vlad Tepes. L’endroit est relativement désert malgré le soleil, seules quelques familles s’égayent en préparant le barbecue. Le principal hôtel-restaurant est fermé, mais une petite buvette-chalet semble fonctionner. Nous nous y installons, et Cyril fait comprendre au tenancier que nous souhaitons traverser le lac. Miracle de la communication. On va venir nous chercher vers 13 heures. Le temps de se restaurer avec quelques mititeis grillées, barbouillées avec la délicieuse moutarde locale.

Le batelier arrive et nous conduit à l’embarcadère. Nous serons répartis en deux équipes, vu la petite taille de l’embarcation. Nous enfilons les gilets de sauvetage, et la première équipe démarre ; nous la relayerons. Nous croisons, sur la rive juste en face le monastère, la magnifique villa qu’avait faite édifier Ceausescu…. Le Génie des Carpates face à Dracula…. Une villa dans laquelle le dictateur croyait trouver refuge, après sa fuite pitoyable de Bucarest par hélicoptère en décembre 1989. Mais lâché par son personnel, la Grandeur du Danube dû poursuivre son périple, d’abord en auto-stop, puis caché avec sa femme Helena dans une charrette…. Jusqu’à Timisoara où ils furent jugés et exécutés par un tribunal « spontané » !!!
Le lieu est magnifique. Le monastère, restauré, est splendide. Nous sommes accueillis par un Pope Capitaliste : tout est payant. L’entrée, certes, mais aussi la prise de photos, et ce n’est pas donné. Enfin, on ne vient pas à Snagov tous les jours. Philippe se vengera, en mitraillant l’édifice jusque dans ces recoins les plus intimes. La légende veut que notre Vieil Oncle soit enterré ici. Et force est de constater que ce monastère est effectivement dédié à Vlad Tepes. De nombreux portraits sont affichés, ainsi qu’un curieux « diplôme Vlad Tepes », remis aux généreux donateurs qui avaient participé à la restauration du lieu. Le tombeau est juste devant l’iconostase, avec une petite bougie rouge qui semble veiller sur le non-mort. Christian Roux-Pétel, dans Historia no 389, écrit dans un article intitulé « Vlad l’Empaleur, le vrai Dracula » :

En 1931, Florescu et Rosetti, un historien et un archéologue, ouvrirent les deux tombes situées dans la chapelle du monastère pour découvrir, dans un sarcophage entièrement pourri les restes d’un squelette humain, probablement celui de Vlad l’Empaleur. Mais nous ne saurons pas si le corps était décapité……

Je fais l’emplette, à la fin de la visite, auprès du Pope Commerçant, d’un bel album sur l’histoire de l’édifice. Et de me préciser qu’il contient un DVD multi-langues…… Un extrait de l’ouvrage :

L’église est située sur une petite île se trouvant au nord-ouest du lac de Snagov, au nord de l'ensemble touristique de Snagov et au sud du village de Silistea.

Le Monastère de Snagov (surnommé « le monastère de Vlad l'Empaleur ») est attesté dans la seconde moitié du XIVème siècle. Dan 1er (1388-1386) l'a doté avec le village de Ciulinitza, situé dans la vallée de la rivière de Buzau. Le monastère a été également doté par les princes Mircea le Vieux (1386-1418), Dan II (1420- 1431), Vlad Dracul (1436-1446), etc. En 1453, dans l'enceinte du monastère, Vladislav II a construit une chapelle dont les portes principales (de l'iconostase) sont conservées aujourd'hui dans le Musée national d'Art de Roumanie.
Après 1456, Vlad l'Empaleur a continué l'œuvre de ses précurseurs, en faisant entourer le monastère d'un rempart de défense, construire un pont, un tunnel de refuge, une prison (pour les brigands et pour les traîtres) et une cloche, qui est conservée jusqu'à nos jours.
Conformément à la tradition, Vlad l'Empaleur a également bâti l'église du monastère. C'est la raison pour laquelle les habitants des villages voisins l'ont considéré comme le fondateur du monastère.
L'église actuelle a été reconstruite sur les anciens fondements par Neagoe Basarab entre 1517-1521.
L'église a trois parties: le pronaos (au début un «pridvor», c'est-à-dire un genre de galerie extérieure), le naos et l'autel. La galerie extérieure était soutenue par des piliers ornés de différents motifs géométriques très beaux, en brique de parement, matériel employé également pour l'extérieur de l'église et conservé jusqu'à présent. Les piliers soutenaient des chapiteaux de briques superposées en demi-cercles représentant l'une des caractéristiques artistiques de l'église. À cause des changements du climat, le prince Mircea le Berger a fait transformer la galerie extérieure en pronaos à la moitié du XVIème siècle.

 

 

L'église a été peinte sous Pierre le Boiteux, en 1563, par le peintre Dobromir le Jeune. La peinture originale est conservée seulement dans le naos - le pronaos et l'autel étant couverts d'une seconde couche de peinture par George le Peintre en 1815. Dans le pronaos de l'église il y a des tombeaux où sont enterrés des dignitaires comme les fils du Dragomir Postelnicul (maréchal de la cour), Stoica le Chancelier, Parvu Vornicul (boyard chargé de l'administration suprême des Principautés roumaines), Ioan le Moine, Serafim le Métropolite (fondateur d'une chapelle ayant comme fête patronale l'Annonciation). On considère que le tombeau situé devant l'autel est le tombeau de Vlad l'Empaleur.
De 1696 à 1704 le métropolite Antim Ivireanul, né dans l'ancienne Géorgie, a fondé ici une imprimerie où ont été imprimés des livres pour le service religieux en roumain, grec, slavon, arabe et géorgienne, Dans le naos on peut voir quelques photocopies de ces ouvrages et le portrait du « grand métropolite érudit ».
L'église a été bâtie en style byzantin, ayant également des éléments décoratifs roumains. L'extérieur en brique de parement, encore conservé, témoigne de la maîtrise artistique de ce monument,
L'église a quatre tours : l'une au-dessus du pronaos, la deuxième au-dessus du naos et les autres deux au-dessus de l'autel, placées symétriquement, La tour d'au-dessus du pronaos est originale, mais les autres trois ont été restaurées après le tremblement de terre de 1940,
L'église est destinée au service religieux, en étant ouverte pour les touristes comme le plus précieux monument historique et architectonique du sud de la Roumanie,
C'est la raison pour laquelle le monastère se trouve au centre des préoccupations des autorités de l'Etat et de l'Eglise pour être entièrement restauré.

Le chauffeur me passe son téléphone. Une charmante Nicoletta me dit qu’elle viendra nous prendre à l’hôtel pour la soirée folklorique organisée par l’agence de voyage (et comprise dans le forfait). Je crains le pire.
Nicoletta est effectivement ravissante et, en tour de bus, nous nous retrouvons à

Caru’Cu Bere
(Str. StavroPoleos 3 - 5, Tel 021 313 7560).
Une adresse incontournable à Bucarest, ne serait-ce que pour l’immeuble qui abrite le restaurant, style néo-gothique rococo du XIX ème siècle. L’abbé Saunière aurait adoré. La salle est immense et bondée et la musique folklorique berce votre dégustation. Carte – qui est présentée sous forme de journal ancien – très riche en produits locaux, plateaux de charcuteries, saucisses et jarrets. Du très léger à profusion.

L’ambiance est bruyante et enfumée et, après la traditionnelle zwicka, on sert à chacun deux verres de vin, l’un de blanc, l’autre de rouge. Ce qui déclenche immédiatement l’organisation d’un marché secondaire fort actif destiné à unifier les couleurs pour les inconditionnels de l’une ou de l’autre. Philippe, qui ne boit pas de vin, est l’objet de toutes les attentions. Nous recevons d’énormes assiettes garnies d’une collection complète de saucisses et d’une montagne de choux braisés. Catherine tique et touche à peine au plat. Les serveurs se livrent à une amusante farandole, avant que le restaurant ne se transforme en un gigantesque bal populaire. Nous quittons le brouhaha, retour à l’hôtel. Nicoletta se veut rassurante. Mais si, vous aurez un avion demain et le mieux pour vous est d’aller à l’aéroport et d’attendre……


Nous terminons la soirée à la « Casa Gorjana », une sympathique auberge à côté de l’hôtel. La zwicka y est servie en pichets, les glaces baveuses font la joie des enfants. Le serveur, super sympathique, ne sait pas que faire pour nous être agréable et l’agent de la sécurité du quartier fait le pitre pour que nous le prenions en photo…… Mémorable !


Dimanche 18 avril 2010


Echanges de nombreux coups de fil avec le correspondant local de l’agence de voyage. Malgré son optimisme béat, nous prenons la decisión de prolonger d’une nuit notre séjour à l’hôtel.
Et nous continuons, en toute insouciance, de dérouler le programme. En ce dimanche chaud et ensoleillé, j’emmène nos savanturiers visiter le Palais du Fou.

Le palais a une surface au sol de 45 000 m² et 350 000 m² habitables. Le palais mesure 270 mètres sur 240 mètres, et a une hauteur de 86 mètres. Il contient 1 100 pièces réparties sur 12 étages, avec quatre niveaux supplémentaires en sous-sol actuellement accessibles et utilisés. Il en existe quatre autres encore plus ou moins achevés.
Le palais est construit en marbre venant de la région de Ruşchiţa en Transylvanie (un million de mètres cube utilisés), dans un style néoclassique sur une colline connue sous le nom de « Dealul Spirii », qui fut largement arasée pour le projet. Ceausescu souhaitait alors regrouper dans un seul bâtiment, les quatre plus grande institutions du pays :
• La Présidence de la République («
Preşedinţia Republicii ») ;
• La Grande assemblée nationale («
Marea Adunare Naţionalǎ ») ;
• Le Conseil des Ministres («
Consiliul de Miniştri ») ;
• Le Tribunal Suprême («
Tribunalul Suprem »).


Les bâtiments résidentiels situés devant le palais avaient pour vocation de loger les fonctionnaires du régime.
Les travaux commencèrent en 1984, nécessitant la destruction de 520 ha de la ville de Bucarest (1/5 de la superficie totale, soit l'équivalent de 3 arrondissements parisiens), avec la démolition ou le déplacement d'une trentaine d'églises. Celle-ci entraîna l'expulsion et le relogement de 40 000 personnes dans des immeubles parfois insalubres (sans eau, ni gaz, ni électricité). 20 000 ouvriers y travaillèrent jour et nuit, sous la coordination de l'architecte Anca Petrescu, jeune femme âgée de 26 ans. Le projet aura coûté 40 % du PIB du pays chaque année. Des carrières de marbres, et en particulier de rare marbre rose ont été épuisées pour sa construction ; des villages roumains entiers ont été mis à contribution, par exemple pour le façonnage de cristal ; des monastères de nonnes même ont été affectés par exemple au tissage des longs rideaux de soie et de fil d'or.
En 1989, à la chute de Nicolae Ceausescu, le bâtiment était à peine achevé. La Maison du Peuple fût sévèrement pillée pendant la Révolution de 1989. Le gouvernement temporaire décida tout de même de finir le projet de Nicolae Ceausescu. Nicolae Ceausescu n'aura pas eu le temps de réaliser son rêve et de prononcer un discours depuis le balcon du palais, à la foule massée sur l'avenue faisant face. Mickaël Jackson sera le premier à s'adresser au peuple roumain avec ces premières malheureuses paroles "Hello Budapest !". (Wikipédia)

L’Empreinte’s Team n’aura pas de chance. Le Palais abrite les deux chambres du Parlement et il faut franchir de nombreuses bornes de sécurité avant d’entrer, ainsi que laisser son passeport en dépôt. Céline a laissé ces précieux documents à l’hôtel…… La visite est éprouvante, même si on ne voit que 7 % de l’ensemble. Ces immenses salles vides au look rococo mâtiné de mousse au citron laissent un sentiment bizarre. Le délire de la Lumière de Transylvanie a quelque chose de pitoyable. Et notre guide a beau nous expliquer que cette salle est celle des Droits de l’Homme, que cette autre est celle de la Commission Ecologique, force est constater que le vide est sidéral et que les tentatives de remplissage sont vaines.
Nous hélons des taxis et j’emmène mes comparses dans ce que je considère comme l’un des meilleurs restaurants de Bucarest :

Golden Falcon Casa Chebab
(stada Hristo Botev 18, tél 614.28.25).
Un somptueux restaurant turc où on vous présentera les plats en live, parmi lesquels vous ferez votre choix. Les mezzés sont incontournables pour démarrer ; je vous conseillerai pour suivre les banderilles d’agneau à l’ail. Magnifique !

Malgré les incertitudes aériennes, le moral des savanturiers est au beau fixe. Le charme de l’endroit opère. Hugo se livre à son sport favori, le choix des vins, et le défilé des plats commence en douceur. Nous terminerons cette dégustation, à l’initiative de Hugo et de Cyril, par une partie de chicha des plus hilarantes. Les appareils photos crépitent.
Repos l’après-midi et dîner à la Casa pour établir notre plan de bataille pour le lendemain. Eugène, le représentant local de l’agence, se veut toujours rassurant mais ne voit aucune perspective concrète.

Casa Gorjana

(Domnita Anastasia str no 13, tel 021 315 64 29).
Une belle brasserie traditionnelle en plein centre, à deux pas de l’Université et de la place de l’Unité. Accueil sympathique, excellente zwicka au pichet et plats traditionnels : assiette du paysan, mititeis, sarmalé. Bonne ambiance pour un prix raisonnable.

L’appétît est mesuré, mais il viendra en mangeant. Philippe a préféré rejoinder sa chemise de nuit en peau de saucisson. La décision est vite prise : nous allons essayer de louer deux voitures pour rapatrier Paname.

Lundi 19 avril 2010

Je me lève de bonne heure pour préparer notre plan de repli, et je dois avouer que le réceptionniste de l’hôtel se mettra en quatre pour nous aider. La solution de location de voiture est vite abandonnée, car beaucoup trop onéreuse, et il nous sera proposé d’affréter un mini bus pour traverser l’Europe Centrale. Banco ! Je passe sur les tractations financières qui seront relatées par Philippe, mais évidemment il faut payer cet extra en cash…… Après une matinée d’attente dans le hall et un repas à la va vite au Mac Do du coin (la fête est terminée), nous embarquons à 15 heures. Nous arriverons à Paris le mercredi 21 avril vers minuit !!!!


Jeudi 22 avril,
le mot de la fin de Philippe Heurtel

Procédure à suivre pour rejoindre Houilles depuis Bucarest en cas d'éruption du Eyjafjöll :

1- Avec l'aide de votre hôtel, affrétez un minibus avec chauffeur pour 10 personnes. Le paiement des 2500 euros devant s'effectuer en liquide, et les retraits étant plafonnés même si la personne est physiquement présente à la banque et peut justifier de son identité, raclez les fonds de portefeuille jusqu'à obtention de la somme nécessaire. Prévoir de passer une petite heure à la BRD (l'omniprésente Société Générale roumaine). Voyager avec un ami du PDG de la BRD s'avère sans effet : quand l'informatique veut pas, elle veut pas (prévoir un Jérôme Kerviel dans ses bagages avant de partir en voyage).

2- Partez vers 15h00. Le chauffeur ne parlant pas plus le français que l'anglais, avoir un crayon et calepin sur soi, et ne pas hésiter à s'exprimer par gestes pour se faire comprendre.

3- Comme les voyageurs arrivent à court de cash et de vêtements propres, louez la création de l'espace Schengen : il n'y aura pas de douaniers français pour vous reconduire à la frontière lorsque vous arriverez, sales et fauchés, dans votre roulotte roumaine.

4- Quand vous arrivez en Hongrie, vers 1 heure du matin, tournez environ une demi-heure dans les rues désertes jusqu'à trouver un hôtel ouvert. Restez philosophe quand un de vos amis demande à changer de chambre parce qu'il n'a pas de frigo pour mettre au frais ses bouteilles de vin blanc.

5- Profitez bien de vos 6 heures de sommeil, puis rembarquez bagages, femmes, enfants, sans oublier les bouteilles susnommées, pour une nouvelle journée de route. Dans les relais d'autoroute autrichiens, utilisez vos souvenirs d'allemand pour expliquer aux waffen dames pipi qui gardent férocement les lieux que vous n'avez que des leis roumains pour vous acquitter de ce péage sanitaire.

6- Ne désespérez pas quand le minibus tombe en panne à 20h00 à la sortie d'un parking de station-service. Tenez plutôt la lampe-torche pendant que le chauffeur nettoie le carburateur. Comptez une bonne heure et demi pour cette pose inattendue. Notez l'avance de nos voisins autrichiens en matière de station-service, cette dernière offrant, outre essence et restauration, un sex-shop avec "DVD, massages et bien plus encore". Quand le bus redémarre, félicitez le chauffeur qui aura largement mérité son pourboire.

7- Aux abords de Munich, réquisitionnez les dernières chambres libres dans un motel pris d'assaut pour cause de foire à Munich. Formez des couples illégitimes pour caser tout le monde. Appréciez le charme très colonie de vacances des douches et toilettes communes à vos 5 chambres. En option : avant d'aller vous coucher, ouvrez la bouteille de tsuika (eau de vie roumaine), offerte par des amis roumains lors de votre premier jour de voyage ; vous l'avez bien mérité.

8- Dernière journée de route : traversée de l'Allemagne puis de l'Est de la France. En principe, aucun incident ne devrait être à déplorer. Envisagez toutefois une pétition pour que les relais autoroutiers vendent des t-shirts et des chaussettes propres plutôt que des statuettes de chanteurs tyroliens et autres souvenirs tout aussi charmants qu'utiles.

9- Arrivés à Paris à minuit, prenez le métro+RER jusqu'à Houilles, sauf si vous tenez à expliquer le chemin au chauffeur, de nuit et en langage des signes.

10- En prévision de votre prochain voyage, commandez sur Amazon.com une introduction à la volcanologie, et ne voyagez plus qu'avec une agence qui offre un service d'horoscope (cf. photo jointe, prise à Bucarest).

Philippe Heurtel

Les photos qui illustrent ce document ont été prises par PM, Nicdouille, Céline, Cyril et Philippe H.

titre barbele

(1) Le futur dira qu’il a réussi l’examen avec un zéro faute !!
(2) Par Stefan Brandes-Lajea et Luminita Dimulescu, Nemra 1998.
(3) La Falaise est le nom donné aux quais de Tulcea.
(4) Cf nos notes de lecture vampiriques sur Facebook, groupe « Le Sang du Bibliothècaire ».
(5) Ce ouvrage culte figure sur Facebook, groupe « Les Tables du Bibliothècaire ».


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