SF, fantastique, horreur et fantasy en 2002 

Philippe Heurtel

Quoi de neuf ?

ASFC revient pour la troisième année consécutive, avec toujours pour objectif de passer en revue ce que le cinéma nous a offert dans les domaines de la science-fiction, de la fantasy, du fantastique et de l'horreur. Chaque film est traité à travers un résumé, une critique, une fiche technique et des photos, et éventuellement un article sur un sujet lié à l'œuvre.

Petite nouveauté :
vous trouverez en fin d'ouvrage un tableau récapitulatif des opinions de la rédaction pour chacun des films de l'année (ainsi que pour 2000 et 2001, puisque cette rubrique n'existait pas dans les deux premiers numéros) : ceux que nous conseillons, ceux que nous déconseillons, et les œuvres qui, sans être réussies, présentent toutefois des éléments intéressants. Nous n'avons pas la prétention d'imposer un avis définitif sur ce qui serait " bon " et " mauvais ", mais de présenter un petit pannel d'opinions, de dégager des tendances, et de permettre au lecteur de s'orienter d'un seul coup d'œil parmi les cent trente et quelques pages de cet ouvrage.



En 2002, ce sont 74 œuvres sorties en salle qui sont traitées dans le présent numéro. Ce nombre, non négligeable, et sa constance depuis plusieurs années (entre 70 et 80), sont la preuve de la vitalité des genres qui nous intéressent ici, et de l'intérêt qu'ils suscitent auprès du public. Une telle quantité permet de voir émerger, parmi les inévitables navets et resucées sans âme, les films réussis et / ou novateurs, voire les authentiques chef-d'œuvres, qui font vivre et évoluer le cinéma.

Venus des cinq continents

Comme d'habitude, ce sont les Etats-Unis qui se taillent la part du lion avec une cinquantaine d'œuvres. Principalement du fantastique et de l'horreur (plus de vingt) et de la SF (une vingtaine), et un peu de fantasy (une demi douzaine), le tout avec une grande variété de formes et de tons, du blockbuster superfriqué et survitaminé (Star Wars 2, Spider Man, Minority Report) aux budgets plus modestes et aux tons plus subtils (Simone, Vanilla Sky, K-Pax, Donnie Darko), du film ou dessin animé sage et tout public (Peter Pan 2) au film d'animation débridé (L'Âge de glace, Monstres & Cie).

A l'intérieur de l'hexagone, on ne se bouscule pas sur les affiches, mais au moins la variété a été au rendez-vous : une superproduction (réussie, qui plus est : le Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre du très talentueux Alain Chabat), deux films d'actions bourrés de défauts et de qualités (Samouraïs, du prometteur Giordano Gederlini, et Bloody Mallory de Julien Magnet), et deux distributions aussi confidentielles que leurs moyens (Fantômes de Jean-Paul Civeyrac, et La Fiancée de Dracula de Jean Rollin). Pas la moindre trace de SF, à laquelle les cinéastes du pays de Jules Vernes préférent le surnaturel et le merveilleux. Mais, comme les deux années précédentes, il convient de remarquer que de jeunes réalisateurs n'hésitent pas à entrer de plein pied dans le fantastique, le film d'action, la série B, à entrechoquer les genres et les idées, comme en témoignent Samouraïs et Bloody Mallory (bien que n'entrant pas dans le cadre d'ASFC, on signalera également le très iconoclaste et surprenant Blanche de Bernie Bonvoisin). Signalons également la sortie du documentaire Enquête sur un monde invisible, dans lequel le français Jean-Michel Roux (Les Milles merveilles de l'Univers) s'est penché sur les rapports qu'entretiennent les Islandais avec l'imaginaire et ses créatures : elfes, trolls, fantômes, extraterrestres...
Qu'en est-il du reste de l'Europe ? C'est une demi douzaine d'œuvres de nos voisins qui ont été projetées sur nos écrans. C'est peu, mais c'est toujours ça : l'Angleterre, avec les loups-garous de Dog soldiers ; l'Espagne (Fausto, L'Echine diable), qui nous avait déjà démontré avoir un faible pour le fantastique ; l'Allemagne (Jeepers Creepers, coproduit avec les Etats-Unis) ; plus inhabituels, le Luxembourg, avec le dessin animé Tristan et Iseult, et le Danemark (L'Enfant qui voulait être un ours, également un dessin animé). Enfin, ce n'est pas tout les jours qu'il nous est donné de voir une comédie musicale fantastique islando-canadienne, mais c'est pourtant bien ce qu'est Régina ! Là encore, on signalera l'absence de science-fiction, qui a donc la préférence des réalisateurs américains et asiatiques.

L'Asie, justement, est représentée cette année par la Corée et les hantises de Memento Mori (signalons 2009 Lost Memory, sorti directement en vidéo : une uchronie coréenne, partant d'une idée intéressante mais massacrée par l'abondance des clichés et un ton lyrique ridicule), et surtout par le Japon : deux animations de qualité (Le Voyage de Chihiro, Métropolis), deux fims d'angoisse peu convainquants (Ring 2, Audition), une science-fiction visuellement et auditivement réussie mais au contenu hélas beaucoup plus vain (Avalon) ; enfin, Versus, une histoire de morts-vivants dont on a peine à croire qu'elle ne nous vient pas de Hong Kong tant la réalisation survoltée et l'utilisation des arts martiaux sont ébouriffantes.
Pour terminer, signalons que Les Pingouins à la rescousse ont traversé l'Atlantique jusqu'à nous depuis l'Argentine, et que l'Australie nous a envoyé un film fantastique, Cubbyhouse (hélas à jeter à la poubelle), et un dessin animé pour les tous petits: Le Gâteau magique. Sans oublier la Nouvelle-Zélande, terre des antipodes mais néanmoins du Milieu d'où nous provient le second opus du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson : Les Deux tours.

La science-fiction qui vient de loin

A l'exception des japonais Métropolis et Avalon, toute la SF qu'il nous a été donnée de voir vient des Etats-Unis.Plus de 20 œuvres, un nombre non négligeable, d'autant que la qualité fut souvent au rendez-vous.
Vanilla sky s'avère un remake plus qu'intéressant de l'espagnol Ouvre les yeux. Simone, certes à l'extrême limite du genre, est une comédie férocement drôle et intelligente. Un an après son excellent I.A., l'enfant prodige Spielberg nous revient avec Minority Report, adaptation haute en couleur d'une nouvelle de l'écrivain Philip K. Dick. N'oublions pas la version remaniée de E.T. du même Spielberg, même s'il ne s'agit pas d'une véritable nouveauté.
Côté films de d'action et divertissement purs et durs, mentionnons en premier lieu Spider-man : c'est haut la main que Sam Raimi réussit l'adaptation sur le grand d'écran du fameux super-héros. Original, Le Règne du feu nous dépeind un monde postapocalyptique ravagé par... de véritables dragons. Top Chronos, film sans prétention et passé inaperçu, est une petite série B tout à fait divertissante et sympathique, avec même dedans des morceaux de véritables idées. Les sentiments sont plus mitigés en ce qui concerne Avalon : réussite visuelle, ce film qui n'ennuie à aucun moment déçoit hélas par une fin en queue de poisson et peu surprenante.
J'ai gardé le meilleur pour la fin : K-PAX (L'Homme qui vient de loin) se situe aux frontières de la SF et de l'interprétation psychanalytique ; c'est d'ailleurs, entre autres choses, cette ambiguité du début à la fin qui en fait le charme. Un petit bijou, discret, étrange, superbement interprêté, dont on ressort rêveur et enchanté.
Tout n'est pas rose, bien entendu, et si les titres cités plus hauts sont des réussites ou, du moins, méritent d'être vues, il n'en va pas de même pour d'autres.Signes est une des plus grandes déceptions de l'année : le génial auteur de Sixième sens et de Incassable " signe " là un film de SF dénué d'intérêt, et surtout relevant d'une SF régressive (à comparer avec la vision humaniste du E.T. de Spielberg...). La Machine à explorer le temps s'avère un inutile remake sans âme, et Pluto Nash est tellement quelconque qu'il n'arrive même pas à être mauvais. Ne nous attardons pas sur l'autre remake qu'est Rollerball, il n'en vaut pas la peine. Quant à Star Wars 2... Si L'Attaque des clones est certes moins ratée que La Menace fantôme (ce qui n'était pas bien difficile), il n'en demeure pas moins que Georges Lucas a perdu le feu sacré et que sa succession d'images clinquantes ne parvient pas à redonner un semblant de vie à sa mythique trilogie.
Côté comédies pures, Men in black 2 monte sur la première marche du podium : la suite des aventures des hommes en noir est toujours aussi drôle, spectaculaire, bourrée d'idées. Dans un style plus... outrancier (c'est un euphémisme) : Austin Powers dans Goldmember ; les uns adoreront, les autres détesteront, mais il est difficile de rester de marbre face à cet OVNI cinématographique. Il ne nous a pas été donné l'occasion de voir les pitreries de Leslie Nielsen dans Y a-t-il un flic pour sauver l'humanité ?
Terminons pas les dessins animés. Les plus petits se régaleront certainement avec Jimmy Neutron et Lilo et Stitch. Les plus grands aussi, d'ailleurs, ce qui ne sera pas le cas des Powerpuff girls. La Planète au trésor, quant à elle, s'avère une piètre adaptation spatiale de L'Île au trésor. Métropolis est une animation japonaise soignée, mais hélas peu intéressante, louchant plus que lorgnant vers Ghost in the shell. Enfin, pour les adultes exclusivement, Les Mutants de l'espace de Bill Plympton s'avère un dessin animé au style narratif, au graphisme et au ton résolument hors-norme : ni Disney, ni Deamworks, c'est du Plympton, tout simplement.

Le voyage de la fantasy

Comme l'an passé, les têtes d'affiche de la fantasy au cinéma restent Le Seigneur des Anneaux et Harry Potter, avec respectivement le deuxième volet de la triologie tolkiennienne et la suite des aventures du sorcier surdoué. Rien de bien nouveau, donc.Ces deux succès planétaires vont-ils relancer le genre au cinéma ? Attendons de voir, mais rien n'est moins sûr puisque ces deux " films " (séries ? sagas ?) surfent avant tout sur la renommée de deux œuvres littéraires. L'autre film relevant du genre, Le Roi Scorpion, renoue avec une heroïc fantasy à la Conan le barbare, à savoir musclée et un peu bourrin, que l'on aurait pu croire passée de mode (mais le résultat, vu dans cet était d'esprit, s'avère tout à fait sympathique). Enfin, signalons une toute autre vision de la fantasy, je veux parler d'Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre. Autrement plus réussi que le premier opus, on en redemande !
C'est donc comme d'habitude dans le dessin animé que l'on trouvera la plupart des autres films de fantasy. Trois d'entre eux s'adressent à la fois aux adultes et aux enfants. Le Voyage de Chihiro est un voyage initiatique au sein d'un univers fantasmagorique digne d'Alice au pays des merveilles, et visuellement dans la tradition des meilleurs mangas japonais. Dans un style très différent, Monstres & cie et L'Âge de glace relèvent de ces animations en image de synthèse au rythme endiablé et à l'humour ravageur qui, dans la lignée de Shrek ou encore de Toys story 1 & 2, ont le vent en poupe depuis une demi-douzaine d'années. C'est Monstres & cie qui fait le plus preuve d'imagination, en développant un univers original et bourré d'idées. Le deuxième relève plus classiquement de la fantasy animalière, de même que - mais cette fois pour les plus petits - Les Pingouins à la rescousse, Le Gâteau magique, L'Enfant qui voulait être un ours, et Stuart Little 2 (ce dernier mélangeant prises de vue réelles et images de synthèse).Renouant avec le conte de fées se trouvent le réussi Tristan et Iseult, et Peter Pan 2, une suite sans intérêt des aventures du héros de J. M. Barrie.On notera donc que, malgré un corpus somme toute restreint, la fantasy se voit représentée sous ses principales formes - heroic, animalière, et conte de fées - et aussi bien pour les enfants que pour les adultes.

La parade des monstres

Comme d'habitude, c'est dans le fantastique et l'horreur que l'on retrouve la majorité des films d'ASFC. Le genre est vaste puisque c'est là que l'on retrouve la plus grande variété de thèmes, qu'ils soient traités de manière classique ou bien donnent lieu à des incursions originales. Vaste, et surtout universel, car l'amateur peut goûter aux œuvres venues non seulement des Etats-Unis, mais également du Japon (Versus, Ring 2, L'Audition), de la Corée (Memento Mori), d'Australie (Cubbyhouse), d'Espagne (L'Echine du diable, Fausto 5.0), d'Islande (Régina !), et de France (Samouraïs, Bloody Mallory, Fantômes, La Fiancée de Dracula).
Les graines plantées par Sixième sens germeraient-elles ? Le thème du fantôme, et plus généralement de la hantise, est fortement présent cette année, jugez plutôt : L'Ascenseur, 13 fantômes, Apparitions, Bones, L'Echine du Diable, Fantômes, Memento Mori, La Prophétie des ombres, Ring 2. Mais quantité n'est pas qualité. Certes, rien dans cette liste n'est foncièrement mauvais ; on cherchera et trouvera dans chacun de ces films quelques qualités, souvent moins dans les idées que dans la qualité de la mise en scène. Mais aucun n'émerge qui restera dans les mémoires.
Des thèmes fantastiques tout aussi classiques sont pourtant encore capables de donner des œuvres bien plusintéressantes. Dans la galerie des monstres, difficile de faire plus commun que le vampire ; ce dernier nous revient pourtant, année après année (plutôt normal, de la part d'une créature immortelle). Cette fois-ci, nous avons même droit à deux chasseurs de vampire : le musclé et réjouissant Blade 2, et le français Bloody Mallory, bourré de défauts et de bonnes idées. Après Entretien avec un vampire, l'univers de l'écrivain Ann Rice revient sur le grand écran avec le peu réussi La Reine des damnés. Enfin, on réservera La Fiancée de Dracula aux aficionados de son réalisateur, Jean Rolin.
Il est un membre tout aussi classique du bestiaire fantastique dont les apparitions sont beaucoup plus rares, il s'agit du loup-garou. Le lycanthrope fait donc son retour avec le britannique Dog soldiers ; au vu du résultat, très mitigé, on se demandera toutefois si la créature, moins complexe que le vampire, possède un réel potentiel...
Quelle bestiole a été épargnée par les films d'horreur à base d'animaux tueurs, qu'ils soient géants ou non ? Les pauvres humains que nous sommes se sont vus en effet attaqués, piqués, mordus, dévorés, et déchiquetés, par des requins, des serpents, des crocodiles, des gorilles, des araignées, des abeilles, des fourmis, des tiques, et j'en passe. L'araignée géante fait son grand come back dans cette véritable arche de Noé horrifique, avec le jubilatoire Arrac Attack, à mi chemin entre parodie et authentique série B.
Même si le changement de millénaire est derrière nous, les démons et autres serviteurs des forces du mal ne sont pas au chômage. Ainsi en va-t-il de Jeepers Creepers, plutôt réussi, du pitoyable Cubbyhouse (le démon invoqué par des enfants dans la cabane au fond du jardin inspire encore des réalisateurs dénués d'imagination), et des médiocres Wishcraft et Scooby-doo. C'est Samouraïs qui tire le mieux son épingle du jeu : si l'on accepte de supporter certains défauts rédhibitoires, on trouvera un véritable hommage au cinéma d'arts martiaux, et même de bonnes idées.

Il est une autre créature qui ne sort pas souvent de son trou, il s'agit du zombie. Mais quand il se réveille, ça saigne, qu'il s'agisse de l'américain Resident Evil ou du japonais Versus. On retiendra tout particulièrement ce dernier, pour la virtuosité de sa réalisation.
Nous terminons la visite de la galerie des monstres par le monstre humain, ce bon vieux serial killer psychopathe. Les seuls à n'être pas des suites sont Audition et Fausto 5.0, tous deux d'un intérêt moyen. Les autres, c'est plutôt Le Retour du fils de la revanche 2 (ou 3, 8, voire 10). Hannibal le Cannibal fait sa troisième apparition à l'écran avec l'intéressant Dragon rouge, qui se déroule avant le célèbre et excellent Silence des agneaux. Passons rapidement sur l'indigent Halloween : Résurrection, 8ème du nom, et retenons plutôt Jason X, qui réussit l'exploit de renouveller avec bonheur un des plus anciens serial killer de l'histoire du cinéma ; il a certes fallu se rendre dans l'espace pour y parvenir, mais la chose est néamoins faisable.
Comme d'habitude, on retrouve dans notre liste des films dont on pourrait dire qu'ils " contiennent " du fantastique plus qu'ils n'appartiennent franchement au genre, en ce sens qu'ils partent certes d'un prétexte surnaturel ou étrange, mais le mettent rapidement de côté pour tisser un autre fil : Kate & Leopold est une charmante comédie sentimentale, vue non sans plaisir même si vite oubliée ; on évitera en revanche 7 jours et une vie et L'Amour extra-large, sans intérêt, et l'on fuira comme la peste le vulgaire, stupide et pathétique Chevalier black.
L'humour a eu du mal à faire recette. Scooby-doo, malgré quelques bons moments, se montre décevant ; nous avons déjà exprimé notre avis sur Le Chevalier black (allez, on n'enfoncera jamais assez le clou : vulgaire, stupide et pathétique !). Arac attack, Bloody Mallory et Jason X s'en tirent autrement mieux, mais il ne s'agit pas de comédies pures, contrairement aux deux premiers.
Un certain nombre des films cités plus haut donnent dans le genre musclé, voire bourrin, ce qui n'est pas forcément un reproche, loin s'en faut : bien réalisé, cela donne des films jouissifs, à prendre au premier degré pour le plaisir des yeux et le repos de la tête. De fait, Arac attack, Blade 2, Bloody Mallory, Resident Evil, Samouraïs, Versus forment un cocktail explosif que nous recommandons. Mais la veine plus classique du film fantastique à l'ambiance feutrée n'en est pas pour autant tarie, comme nous le rappellent Bruiser, Cœurs perdus en Atlantide, L'Echine du diable et From Hell.
C'est toutefois à un OVNI que revient la palme : Donnie Darko. Attention, nous parlons ici d'un chef d'œuvre de finesse, de sensibilité, d'originalité et d'étrangeté, où la maîtrise de la réalisation le dispute à l'excellence de l'interprétation. A mi-chemin entre fantastique et interprétation psychologique, voire science-fiction puisque le voyage dans le temps est évoqué, Donnie Darko est sans la moindre hésitation notre coup de cœur de l'année !

Mais où vont-ils chercher tout cela ?

Après Final Fantasy et Lara Croft l'an passé, un autre jeu vidéo aura inspiré un film ; il s'agit de Resident Evil. Mais ce sont les suites et remakes qui, avec les adaptations d'œuvres littéraires, dominent le secteur des " scénarios non originaux. ". Ring 2 et Peter Pan 2 sont dispensables, et Halloween : Résurrection (8ème du nom) à éviter franchement. En revanche, bonne, voire très bonne pioche, pour Blade 2, Men in black 2, Stuart Little 2, Austin Powers 3 et Jason X (hé oui, un dixième opus - chiffre déjà en soi remarquable - est capable d'être bon). Loin de constituer un appauvrissement, le phénomène des suites peut donc être un moyen intéressant et créatif de développer un univers ou une bonne idée. J'ai exclu de la liste Star Wars : L'Attaque des clones, Harry Potter et la chambre des secrets, et Le Seigneur des anneaux : Les Deux tours, qui ne sont pas vraiment des suites, mais la continuation de trilogies ou de séries conçues à l'avance comme telles.

Cette année sont sortis un nombre de remakes plus important que d'ordinaire. Avec une bonne surprise (Vanilla Sky, adaptation américaine de l'espagnol Ouvre les yeux), un film honnête (le néerlandais Dick Maas réalise une nouvelle version de son propre film L'Ascenseur), un autre sans saveur aucune (La Machine à explorer le temps), et une calamité (Rollerball). Notons l'adaptation en long métrage de la série animée The Powerpuff girls, sans intérêt, et celle en prise de vue réelle du célèbre dessin animé Scooby-doo : projet alléchant, visuellement réussi, mais au final décevant. On notera que, bien souvent, les adaptations de séries ne restent pas fidèles au concept initial, au " gimmick " que l'on est censé retrouver d'épisode en épisode, et optent pour l'un de ces deux choix : soit s'intéresser à la génèse des personnages de la série (Wild wide west, Chapeau melon et botte de cuir, etc. C'est également le cas des récentes adapatations de comics : X-Men, Spiderman...), soit " casser le moule " et faire autre chose : c'est ce qui était arrivé à Mission : Impossible, et c'est en partie le cas de ce Scooby-doo.

Signalons enfin la nouvelle sortie de E.T., où l'extra-terrestre de spielberg se voit allongé de quelques scènes inédites, de même que nous avions eu droit l'an passé aux rééditions augmentées de deux autres grosses pointures : Rencontres du troisième type et L'Exorciste. Une fois de plus, le procédé n'enlève et n'apporte rien, sinon le plaisir de revoir un classique dans les conditions optimales des salles obscures - et c'est déjà pas mal.
En matière d'inspiration, la bande dessinée est bien souvent le parent pauvre du cinéma. Cette année, pourtant, quatre longs métrages sont venus animer les cases et donner une voix aux bulles : le dessin animé Métropolis, d'après un manga, et les films Astérix et Obélix :
Mission Cléopâtre, From Hell et Spiderman, dans trois genres radicalement différents (en dehors d'ASFC, on signalera la sortie de Corto Maltese et la chambre des arcanes, fidèle adaptation d'un album de Hugo Pratt).
En littérature, comme d'habitude, il y a pléthore : L'Audition, Cœurs perdus en Atlantide (énième adaptation d'un roman de Stephen King), Dragon rouge (troisième incarnation du héros de Thomas Harris Hanibal le Cannibal), Le Gâteau magique, Harry Potter et la chambre des secrets, K-Pax, La Machine à explorer le temps, La Planète au trésor (adaptation spatiale du roman de Stevenson), La Prophétie des ombres, La Reine des damnées (deuxième incursion au cinéma de l'univers d'Ann Rice), Le Seigneur des anneaux, Rollerball (d'après une nouvelle) et Minority Report (une autre nouvelle, qui fait de Philip K. Dick un des écrivains de SF les plus adaptés au cinéma).
Dans de nombreux cas, le respect de l'œuvre initiale et/ou une certaine ambition dans la réalisation, sont au rendez-vous. Quoi que puissent en dire les esprits chagrins, suites, remakes et adaptations, voire suites d'adaptations (Blade 2 et Men in black 2 pour les comics, Peter Pan 2, Ring 2 et Stuart Little 2, pour les romans) ne sont pas synonymes d'appauvrissement du cinéma : toutes les sources d'inspiration sont bonnes à prendre, du moment que l'histoire en vaut la peine et que le talent est au rendez-vous.

Philippe Heurtel